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Nasser Al-Khelaïfi « CE SERAIT SURPRENANT ET ANORMAL
D’ÊTRE SANCTIONNÉ »
Pour L’Équipe, le président du Paris-SG fait l’exégèse de la saison. Il salue le bilan de son entraîneur, Unai Emery, justifie le choix de Thomas Tuchel et affirme respecter les règles du fair-play financier. ARNAUD HERMANT
Ce soir, il sera au Parc des Princes pour présenter Thomas Tuchel, le nouvel entraîneur du Paris-Saint-Germain. Hier, dans un petit salon de l’hôtel Royal Monceau, au cœur de l’après-midi, Nasser al-Khelaïfi (44 ans) a reçu L’Équipe en exclusivité pendant quarante-cinq minutes. Décontracté et souriant, le président parisien a dressé le bilan de la saison et s’est projeté sur le futur avec l’entraîneur allemand.
BILAN DE LA SAISON
« IL FAUT DU TEMPS »
« Quel bilan faites-vous de cette saison ? Je suis très satisfait avec ces quatre titres. C’est une incroyable performance, on a fait un grand travail pour gagner quatre titres nationaux pour la troisième fois en quatre ans. On est très satisfaits, sauf sur la Ligue des champions bien sûr.
L’échec en C 1 ne ternit-il pas le bilan ? La Ligue des champions est une compétition difficile où beaucoup de facteurs entrent en jeu, comme le tirage au sort. Même si on avait pu se qualifier, on n’a pas eu de chance en tombant sur le Real Madrid, qui est en finale cette saison encore. Après, il faut aussi de la chance pendant le match. Jusqu’à la 80e minute à l’aller (1-3), on était la meilleure équipe à Madrid. On avait fait un bon match jusque-là. Mais on a perdu. Au retour (1-2), on a évolué sans Neymar, blessé. Cela a eu un gros impact, comme l’expulsion de Verratti en cours de match. Après, le Real Madrid possède une très grande expérience dans cette compétition, c’est l’une des meilleures équipes en Europe. Même si tout le monde, et notamment les médias, disait que le PSG était meilleur car le Real ne faisait pas un bon début de saison, en C 1, ils ont toujours un meilleur niveau.
Voir la Roma et Liverpool réussir à être en demi-finales doit vous donner à la fois des regrets et de l’espoir, non ? Si je vous demande, en début de saison, quelles équipes vous voyez en demi-finales, vous ne mettez jamais l’AS Rome ni Liverpool. Vous mettriez d’autres équipes, comme la Juventus, Barcelone, le Real. Mais elles ont mérité d’être dans le dernier carré. Elles faisaient partie des meilleures équipes cette saison et elles l’ont démontré.
L’an dernier, on a joué Barcelone, cette année, le Real… On peut aussi dire que l’on n’a pas de chance. Il faut du temps pour la gagner, le PSG est un jeune club. Le FC Barcelone l’a gagné pour la première fois seulement en 1992 alors qu’il a été créé en 1899 (1). La C 1, c’est vraiment dur, ça dépend de tellement de choses : les blessures, le tirage au sort, l’arbitrage. Mais chaque année qui passe, j’ai de plus en plus confiance. On gagne en expérience, on apprend de nos erreurs, les joueurs aussi. Mais il faut du temps.
Ne manque-t-il pas autre chose au PSG pour réussir en Ligue des champions ? Plus de respect des arbitres. Je ne me plains pas mais, parfois, les arbitres ont plus de respect pour les gros clubs. Il est plus facile de prendre des décisions défavorables au PSG, ou à d’autres équipes, qu’aux grands clubs prestigieux. C’est une réalité. On veut encore grandir pour se faire respecter davantage.
Vous occultez les responsabilités internes. Mais il y a aussi eu des manquements… ( Il coupe. ) Davantage croire en nous…
“ Qu’est-ce qui nous a manqué ? Être plus collectif, que tout le monde soit ensemble
… Les joueurs n’ont pas donné l’impression de se transcender. Non, ce n’est pas ça, mais les joueurs, les premiers, doivent plus croire en eux. On est en C 1, on est un grand club. Ils doivent se dire, je le veux et je vais le faire. Qu’est-ce qui nous a manqué ? Être plus collectif, que tout le monde soit ensemble.
Quel sera l’objectif en C 1, la saison prochaine ? Faire notre maximum, mais ça dépendra de beaucoup de facteurs. On espère aller le plus loin possible mais je ne veux pas dire quarts, demi-finales ou finale. On fera le maximum.
Êtes-vous déçu du bilan d’Unai Emery en Ligue des champions et de la perte du titre la saison dernière ? On a tous perdu le titre la saison dernière : moi, le staff, les joueurs, les supporters. Tout le monde. C’est injuste de dire que c’est de sa faute. Il a gagné sept titres en deux saisons. La seconde année, il réussit un quadruplé et, pour nous, c’est le troisième en quatre ans. Il a fait de son mieux, c’est un gentleman. Et je lui souhaite le meilleur pour le futur.
Pourquoi n’avez-vous alors pas continué avec lui ? On a besoin de nouveauté, aussi bien pour lui que pour nous. Nous restons amis.
Il a donné le sentiment de ne pas avoir le caractère pour tenir les joueurs parfois ? Non, il en a, du caractère. Mais parfois, on a besoin de nouveaux challenges lui comme nous.
LE CHOIX DE TUCHEL
« SA PHILOSOPHIE NOUS PLAÎT »
Pourquoi Thomas Tuchel ? Son choix a surpris. Vous, mais pas nous. Il est ambitieux comme nous et aime un football spectaculaire et offensif. Il a une forte personnalité et beaucoup de rigueur dans le travail. Il est jeune (44 ans), c’est l’un des meilleurs sinon le meilleur. D’autres grands clubs le voulaient. Il est motivé. Il n’a pas entraîné cette saison, c’est un avantage, il arrive la tête reposée.
Il a un gros caractère ? Oui, c’est bien d’avoir quelqu’un comme ça mais ce n’est pas l’unique raison pour laquelle on l’a recruté. Il a les qualités pour faire grandir le club. Il est là pour le long terme. Sa philosophie nous plaît.
Sa forte personnalité peut-elle poser des problèmes dans ses relations avec vos joueurs ? Pas du tout. Il respecte les joueurs, il est très professionnel. Ça va aider.
Il se dit que c’est le jeune frère de l’émir, Joaan, qui serait à l’origine de son recrutement… (Rires). C’est une blague. Cheikh Joaan est un ami proche, mais il n’intervient jamais sur le club.
C’est vous qui l’avez recruté, alors ? Pour être très clair, j’ai proposé le nom de Tuchel. J’en ai parlé avec Antero Henrique. Au club, il y a un propriétaire, je suis le président, il y a un directeur sportif et un coach. Les choses sont claires.
NEYMAR ET LES AUTRES
« IL VA RESTER »
Neymar sera-t-il là la saison prochaine et dans deux ans ? C’est sûr. Je me répète 10 000 fois, il va rester.
Pourquoi ne le dit-il pas lui-même ? Son père m’a dit : « Son futur est à Paris. » Neymar est fatigué de ces rumeurs sur son avenir. Ce sont les médias espagnols qui le disent. Si vous les croyez, tant pis pour vous. Je ne vais pas répondre à cette question à chaque fois. Il a un contrat de quatre ans.
Vous l’a-t-il dit en personne ? Pensez-vous que je vous dirai le contenu des échanges que j’ai avec les joueurs ?
“Rabiot n’a pas l’idée de quitter le club et je serais très choqué qu’il le fasse
Edinson Cavani va-t-il rester ? Il s’est exprimé après la finale de la Coupe de France et a dit qu’il était heureux et voulait rester.
Et pour vous ? Oui, il a deux ans de contrat. C’est un grand joueur, un bagarreur, le meilleur buteur de l’histoire du club. Il va rester.
Quels joueurs allez-vous laisser partir ? Pastore ? Thiago Motta a voulu arrêter, il sera coach dans notre centre de formation. On construit le club avec des anciens joueurs, Thiago, Maxwell et Camara. Après ce sera au nouvel entraîneur de décider qui reste et qui part.
Qu’en est-il d’Adrien Rabiot ? Il n’a pas prolongé à un an du terme de son contrat et on sent que c’est un dossier difficile et important pour le club. C’est un joueur fantastique, l’un des meilleurs milieux de terrain au monde. C’est un très bon garçon, qui a fait une bonne saison. Je suis très déçu qu’il n’ait pas été retenu en équipe de France pour le Mondial, car il est comme un fils pour moi. Après, il faut respecter la décision de Didier Deschamps.
Rabiot sera-t-il encore Parisien la saison prochaine ? Il est là, je suis sûr qu’il va rester. Il a été formé chez nous. Il n’a pas l’idée de quitter le club et je serais très choqué qu’il le fasse. Je ne pense pas qu’il ait ça en tête.
Le PSG cherche-t-il un gardien ? Gianluigi Buffon pourrait-il être celui-là ? Vous me connaissez bien depuis sept ans que l’on se côtoie. Vous pensez que je vais vous dire quels joueurs nous pistons ?
Mais Buffon peut-il venir au PSG ? On a Areola, il est notre numéro un…
La saison prochaine aussi ? Oui, pour sûr.
Et Buffon alors ? C’est un gardien fantastique, il est très charismatique, c’est un grand monsieur. Je suis sûr que tous les clubs le veulent…
Combien de joueurs allez-vous recruter ? On va en parler avec le coach et on verra aussi qui vendre.
HENRIQUE, WENGER, LA FORMATION...
« ON A BESOIN DE S'AMÉLIORER »
Trouvez-vous qu’en un an, Antero Henrique a pris la place qu’il devait, notamment concernant la refonte du centre de formation ?
Je suis très content avec Antero, il fait un très bon travail. Sur le centre d’entraînement, je suis d’accord, certaines choses doivent changer et c’est un peu long. Mais parfois, en France, cela met du temps pour bouger. Ce n’est pas évident de changer tout tout de suite. Pour moi, les jeunes, c’est ce qu’il y a de plus important. Sur ce sujet, j’en parle à Antero presque toutes les semaines, on a besoin de s’améliorer, d’être un exemple pour l’Europe. Il y aura des changements dans les deux mois.
Vos meilleurs jeunes s’interrogent pour signer pro, à l’image d’Adli ou Gomez, parti à Manchester City. Qu’est-ce que cela vous inspire ? Adli va signer et Antero suit ça. C’est très important pour nous que des jeunes du centre intègrent l’équipe première. Il y a de la place pour eux, ils doivent avoir l’objectif de signer au club et ils y arriveront. Le rêve du jeune Weah était de jouer en équipe première et il y joue. Dans quelques années, j’aimerais avoir une majorité de Parisiens dans l’effectif professionnel.
Thiago Motta va prendre la tête des U 19, vous l’appréciez. Comment voyez-vous son évolution dans quelques années ? C’était un joueur incroyable, avec une grande personnalité. Il comprend, il vit le football. S’il prend la bonne direction, il sera l’un des meilleurs entraîneurs au monde dans quelques années. Je lui ai dit.
Arsène Wenger pourrait-il arriver au PSG prochainement ? C’est un ami proche, j’ai beaucoup d’admiration et de respect pour lui et tout ce qu’il a fait dans le football.
C’est un grand monsieur. C’est une des premières personnes avec qui j’ai parlé avant l’achat du club. Et il m’a dit une chose que je n’ai jamais oubliée : “ Vous achetez un diamant et il faudra le tailler et le faire briller. ” Arsène, je ne sais pas ce qu’il va faire, mais il va avoir beaucoup d’offres. Aujourd’hui, le directeur sportif, c’est Antero Henrique et il va rester.
LE FAIR-PLAY FINANCIER
« ON N'A RIEN FAIT DE MAL »
Êtes-vous inquiet pour le fair-play financier ?
Premièrement, on a toujours suivi les règles. C’est vrai que l’UEFA est très dure dans les discussions et parfois même injuste. Pour moi, honnêtement, ce serait surprenant, anormal et scandaleux d’être sanctionné.
Donc vous ne comprendriez pas d’être sanctionné ? Non, on n'a rien fait de mal. On a respecté les règles. Les gens savent d’où vient notre argent, nous n’avons pas de dettes, nous avons des garanties. D’autres clubs dans d’autres Championnats étrangers ont des dettes. Si vous allez en Espagne par exemple, il y a beaucoup de clubs endettés.
Mais votre cas est politique… Non, je ne suis pas politique, je suis dans le football. Et je ne pense pas que l’UEFA entrerait dans cette politique. Si des gens veulent arrêter notre projet parce qu’on les effraie, c’est différent. Je sais que l’UEFA est honnête, je pense qu’elle le sera avec nous.
Mais Javier Tebas, le patron de la Liga, et d’autres clubs, comme le Bayern Munich, militent pour que vous soyez sanctionnés… Devant moi, ils ne disent jamais rien… Les grands clubs peuvent investir, ils en ont les moyens, ils n’ont qu’à en faire autant. Tout en restant à l’équilibre comme demandé par l’UEFA. Personne ne les empêche de le faire. Pourquoi le PSG ne pourrait pas ? Il y a des clubs qui n’ont pas d’argent, dont on ne sait pas d’où il vient. Nous, on a tout, on paye nos impôts et nos taxes. Et le PSG a permis l'arrivée de nouveaux investisseurs en Ligue 1. On est à l’équilibre, que veulent-ils de nous ? Il faut nous laisser tranquilles.
“ Le club est et sera toujours le premier, il est le plus fort. Si quelqu’un ne suit pas cela et n’est pas content, il s’en va
Des nouveaux sponsors sont annoncés prochainement, est-ce une bonne nouvelle dans le cadre du fair-play ? Il y en aura des nouveaux. On est en discussions avec Nike, et il y aura bientôt un nouvel accord. Avec Emirates (sponsor maillot), il y avait une exclusivité pour le maillot qui s’est achevée et on parle avec d’autres candidats désormais.
En France aussi, quelqu’un comme Jean-Michel Aulas, vous critique et vous accuse de déréguler le football. Je lui ai promis que je ne parlerai pas de lui. Je laisse Jean-Michel Aulas régler ses problèmes. Il faut le laisser tranquille et je n’en parlerai donc pas.
L’INSTITUTION, LE CUP ET L’OM
« MEUNIER A FAIT UNE ERREUR »
Trouvez-vous que les joueurs font encore passer leurs intérêts personnels avant celui du club, à l’image du retard de vacances de Pastore et Cavani ?
Rien ni personne n’est plus grand que le club, que ce soit le coach, les joueurs. Le club est et sera toujours le premier, il est le plus fort. Si quelqu’un ne suit pas cela et n’est pas content, il s’en va. Chacun doit donner et faire le meilleur pour le PSG. On est un club jeune. Depuis que l’on est là (2011), on a gagné dix-neuf trophées. C’est énorme. Or on nous critique beaucoup. Mais ce sont des choses qui arrivent dans tous les clubs. Si aujourd’hui je vous disais que l’on part, quelle serait votre opinion ?
Que ce serait une mauvaise nouvelle… Les gens doivent reconnaître cela. Nous aimons la France et le club. Nous sommes là pour un grand projet et nous avons besoin de soutien. On est là pour le long terme, comme on le répète depuis le début. On est juste un club de foot. On peut faire des erreurs, on est humains. Je prends la responsabilité de tout ce qu’il se passe, en tant que président. S’il y a quelque chose de mauvais, c’est pour moi. Si, au contraire, il y a des choses bonnes, c’est pour le coach et les joueurs. Cela me va très bien. Je ne suis pas venu ici pour faire carrière mais conduire un projet.
Comment avez-vous vécu l’engouement autour de l’OM avec sa finale européenne ? Nous sommes devenus le club le plus populaire en France, c’est une vérité. Personne ne s’attendait à ce que Marseille aille en finale. Avec tout le respect que l’on peut avoir pour l’OM, ce que l’on fait est à un niveau différent.
Comment jugez-vous le comportement de vos ultras cette saison ? Je suis celui qui a décidé de les faire revenir. Ils ont mis une très belle ambiance au stade, cela nous manquait. Les joueurs en avaient besoin, même les sponsors. On avait besoin de passion. Mais je suis le premier policier et ils le savent. Ils sont très passionnés et ils vont un peu loin avec les fumigènes. Et on est pénalisés et ils se pénalisent aussi, notamment avec des tribunes fermées. On a besoin d’eux.
Et la polémique avec Meunier ? Meunier a fait une erreur, c’est sûr (2). Quand on est parisien on ne peut supporter Marseille. J’ai parlé avec lui, il ne s’est pas rendu compte. C’est un très bon joueur, il est intelligent. Après, les fans ont été trop durs avec lui. Il aime le club, il est là depuis deux ans et va rester.
Éprouvez-vous parfois de la lassitude en tant que patron du PSG ? Non, jamais, j’aime ce que je fais, je ne m’arrêterai pas avant de gagner la Ligue des champions ( sourire ). »