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Transferts, stade, investissements : au coeur de la stratégie de l'OM
Solide troisième en Championnat, bien parti en Ligue Europa, l'OM affiche une bonne santé sportive. Mais le club doit encore travailler sur de nombreux sujets pour que son avenir soit vraiment doré.
Interrogé au début de février sur la politique salariale des dirigeants de l'OM, Jean-Michel Aulas a déclamé : « La C 1, pour eux, c'est vital. Ils ont une épée de Damoclès, car les salaires ne sont pas neutres en vue du fair-play financier. » Le président de Lyon sait de quoi il parle : la Ligue des champions, déesse des finances équilibrées, protectrice des ambitions sportives, est tout aussi essentielle pour son club. À Marseille, le président Jacques-Henri Eyraud a anticipé des comptes dans le rouge jusqu'en juin 2019, et des déficits records sont attendus à l'issue de la saison 2017-2018. L'avenir n'est pas sombre pour autant, nous l'avons décortiqué à travers quelques questions aussi décisives que Thauvin un soir de match.
Quelle est l'importance d'une qualification en Ligue des champions ?
Il y a deux mois, dans L'Equipe, Eyraud rappelait les temps de passage fixés par le nouvel actionnaire : «On n'avait pas pensé qu'on se qualifierait au bout de six mois en Ligue Europa, comme on ne pensait pas être dans le coup pour se qualifier pour la C 1 dès cette saison. On a un an d'avance sur le plan. Ce serait bien qu'on le maintienne.» L'objectif du début de saison était clair : obtenir un meilleur classement que la cinquième place de l'été dernier. C'est aussi l'objectif budgété par le club. Une participation à la prochaine Ligue des champions n'est donc pas nécessaire pour rester dans les clous du budget prévisionnel. Mais, puisque l'OM est actuellement troisième de L 1 et qu'une petite avance commence à se creuser avec Lyon (6 points), personne ne prétendra le contraire : une qualification dès cet été serait propice, d'autant que la nouvelle formule de la compétition et la manne des droits télé esquissent un nouvel Eldorado. À partir de la saison prochaine, la première d'un cycle de trois ans, les recettes vont augmenter de 40 %. Un parcours moyen (une élimination en huitièmes de finale, par exemple, comme le PSG la saison dernière) pourrait rapporter autour de 70 millions d'euros.
L'OM va-t-il vendre des joueurs cet été ?
La question peut se poser différemment : l'OM doit-il vendre cet été ? La direction répond par la négative : elle ne se sent pas contrainte de céder des joueurs. L'été dernier, lors de la Convention du football à Cannes, Frank McCourt disait ainsi ne pas comprendre «la logique du foot français, qui est de combler les déficits chaque année en vendant ses meilleurs joueurs». Mais l'Américain sait bien, aussi, que la bonne saison réalisée par l'équipe a forcément un impact non négligeable sur la valeur marchande de certains joueurs. Et, en bon businessman, il est conscient que certaines offres sont difficiles à refuser. Un joueur comme Frank Anguissa, qui intéresse des clubs anglais, sera-t-il retenu coûte que coûte en cas de bonne proposition ? C'est peu probable. Idem pour Morgan Sanson ?
Et si les offres s'envolent autour de Florian Thauvin, auteur d'une saison remarquable et remarquée, jusqu'où l'OM résistera-t-il ? Savoir bien vendre est un levier décisif dans la bonne santé d'un club, l'état-major marseillais ne l'ignore pas. D'autant que, dans le cadre des discussions avec l'UEFA autour du fair-play financier, un geste de bonne volonté pourrait être apprécié du côté de l'instance. Quant à l'ampleur du recrutement, elle dépendra du classement final, des arbitrages de l'actionnaire et d'éventuelles ventes. Après le feuilleton du « grand attaquant » en 2017 et un mercato d'hiver sans arrivées, on bannit les effets d'annonce dans les hautes sphères. «La qualification en C 1 aurait des conséquences positives, explique Eyraud. Mais il ne faut pas faire n'importe quoi sur un marché devenu fou... Le grand attaquant, c'est l'équipe. »
Le fair-play financier est-il une menace ?
Avant de fixer sa stratégie financière, l'OM devra attendre les décisions de l'ICFC (l'Instance de contrôle financier des clubs) de l'UEFA, qui instruit son dossier. Le club marseillais franchit la barre de 30M€ de déficit sur les trois dernières saisons, le maximum autorisé, même s'il n'en est pas si loin (moins de 10M€ de dépassement). Surtout, au vu des investissements réalisés l'été dernier, les perspectives pour cette saison et la prochaine sont délicates, comme on le reconnaît au sein du club. À partir de 2019-2020, l'OM envisage une situation plus favorable.
Dès lors, l'ICFC a trois options : absoudre le léger dérapage marseillais et en rester là. L'OM n'étant pas dans les clous du fair-play financier, cela semble peu plausible. Les experts de l'UEFA, qui rendront leur verdict au printemps, peuvent aussi proposer un accord de règlement (des sanctions négociées entre les deux parties) ou renvoyer le club vers la chambre de jugement, nettement moins conciliante. La deuxième hypothèse est la plus probable. Mais cela s'accompagnerait forcément d'un plan sur trois ans, assorti de contraintes, obligeant l'OM à revenir à l'équilibre sous peine d'être sévèrement sanctionné. Ce qui freinerait forcément ses investissements.
McCourt va-t-il continuer à payer ?
Après avoir racheté le club pour au moins 45M€ en octobre 2016, le propriétaire a entamé une période d'investissements massifs. Sur le marché des transferts, mais pas seulement, tant le chantier était vaste : nombreuses dettes à éponger (fournisseurs, etc.), restructuration de l'entreprise, amélioration de la Commanderie, ou encore soutien du centre de formation, sur lequel la direction veut asseoir le futur du club... Un déficit de 42M€, à l'issue de la saison 2016-2017, a été comblé, et celui de l'exercice actuel sera plus important encore.
Via la holding Eric Soccer, 95M€ ont été injectés directement dans le compte courant, puis une première augmentation de capital, de l'ordre de 38,6 M€, a été actée en juin 2017. McCourt a déjà investi près de 134M€ dans le club, un chiffre à rapprocher de la fameuse enveloppe des 200M€ première grande annonce de son mandat. D'ici à la fin 2019, il va continuer à investir, sur des postes à définir (Vélodrome et autres actifs, mercato) et en fonction des résultats financiers et sportifs. Ni mécène ni philanthrope, le Bostonien espère un équilibre puis des profits à terme, en sachant que la réelle bascule pourrait avoir lieu sur la revente d'un OM redevenu clinquant.
L'exploitation du Vélodrome est-elle cruciale ?
Le sujet a tendance à irriter Eyraud et il va rythmer la fin de saison. Après avoir obtenu le blanc-seing de la mairie de Marseille en juillet, le président a entamé des négociations avec la société Arema, l'exploitant actuel du stade. Depuis le rachat du club, Arema, qui compte plusieurs actionnaires majeurs, comme la Caisse des dépôts et des consignations ou des filiales de Bouygues Construction, a une vision très différente de celle de JHE. À l'automne, son boss, Bruno Botella, a proposé une exploitation partagée.
Eyraud ne veut entendre parler que d'une concession exclusive. Elle lui coûtera beaucoup, entre le rachat d'Arema, la redevance versée à la mairie et des liftings du stade, mais devrait lui rapporter encore plus gros. L'OM, qui ambitionne à terme des recettes dites de matchday (billetterie classique, buvettes, loges, VIP) comprises entre 60M⬠et 80M⬠par saison, mise beaucoup sur l'exploitation du Vélodrome. « J'ai été très patient jusqu'à présent, a répété JHE mardi. Le moment de vérité approche sur ce dossier et il va falloir que chacun prenne ses responsabilités. La situation est dysfonctionnelle, elle ne me satisfait absolument pas. »
Garcia va-t-il prolonger ?
Après avoir obtenu un accord financier avec l'AS Rome pour rompre son contrat, Garcia avait signé à l'OM en octobre 2016, dans la foulée du rachat. Il s'est engagé jusqu'en juin 2019, a été revalorisé l'été dernier. À la fin de cet exercice, il se retrouvera donc à un an du terme de son contrat et il est souvent dangereux de trop attendre une fois cette échéance dépassée, sous peine de s'exposer aux appels de la concurrence. Pour l'instant, aucune discussion n'a été entamée pour évoquer son avenir, même si les dirigeants marseillais s'estiment satisfaits du travail accompli et maintiennent leur volonté de s'inscrire dans la durée avec lui.
Malgré les turbulences traversées en septembre dernier, l'entraîneur (54 ans) a su redresser la barre en Championnat et asseoir sa position au club en même temps. La possibilité de disputer la Ligue des champions est un argument qui compte dans sa réflexion, à condition d'être vraiment le maître du sportif. Aujourd'hui, à Marseille, il l'est.
Baptiste Chaumier, Mélisande Gomez, Mathieu Grégoire et Etienne Moatti