FRÉDÉRIC COZIC (head of digital
de l'OM. )
"Nous allons investir massivement dans la data dans les deux ans qui viennent"
A l'approche de la Nuit du directeur digital, Frédéric Cozic revient sur la refonte de l'architecture logicielle du club de football, initiée en 2018, et sur le rôle central que joue la donnée dans ce chantier.
JDN. Quel a été le projet le plus important sur lequel vous avez travaillé en 2018 ?
Frédéric Cozic. Il s'agit d'un projet qui a été initié l'an dernier mais dont la conduite va s'inscrire sur au moins deux ans. L'objectif est de ramener l'OM dans le top 15 des clubs européens, alors qu'on oscille entre la 18e et la 30e place selon les classements. Toute la chaîne de valeurs de l'OM est concernée : la performance sportive en premier lieu, bien sûr, mais aussi l'attraction des sponsors
, la fréquentation du stade, etc. Et le digital a été identifié comme vecteur d'accélération pour développer la structure du club ainsi que tous ses piliers, de la performance sportive - comment éviter les blessures, accélérer leur recouvrement… - aux sources de revenus du club - sponsoring, merchandising, etc. , en passant par la formation des jeunes et le scooting - comment le digital peut aider les scoots, dont c'est le métier, à recruter les futures pépites du football.
Concrètement, quelles actions sont entreprises ?
Cela passe par une refonte de tous les outils de revenus du club. Une équipe est chargée de redessiner l'architecture logicielle du club en se demandant comment on l'imaginerait en 2022. Pour ce faire, on n'appelle pas les autres clubs pour savoir comment ils sont équipés. Nous cherchons l'inspiration dans d'autres industries, afin d'inventer les systèmes de demain. Nous nous sommes donnés 18 à 24 mois.
Par où allez-vous commencer ?
Le premier chantier concerne la refonte de l'outil de billetterie. La campagne d'abonnements pour la prochaine saison débutant au mois de mai 2019, nous visons d'être prêts à ce moment-là. Cette brique est très importante, car on touche au contact avec nos clients, les supporters. C'est là où il y a un levier à actionner afin de mieux vendre et au meilleur prix. Nous avons donc lancé un appel d'offre, qui est arrivé à son terme en décembre 2018. Nous avons choisi de faire appel à DT Consulting, un spécialiste de la data qui travaille aussi avec le PSG. La billetterie est un secteur de niche… Mais nous avons un axe différenciant : nous allons investir sur la partie data dans les deux ans qui viennent, afin d'avoir une meilleure connaissance de nos clients mais aussi de nos fans, qui sont des clients potentiels, avec un accent mis sur la certification de l'unicité de chacun des clients. Dans un monde RGPD compliant, bien sûr. Pour cela, nous faisons appel à une start-up qui ne vient pas de l'univers du foot mais du retail, où les acteurs sont très forts pour adresser des messages marketing personnalisés dans un business qui lie beaucoup le digital et le physique. Il s'agit de ReachFive.
Qu'est-ce que cela va vous apporter ?
La data est un asset du club, un outil qui apporte de la valeur à l'entreprise parce qu'elle nous aide à valoriser la connaissance de nos clients. Avoir nos fans dans nos propres bases et pas seulement dans nos réseaux sociaux, par exemple, nous permettra de créer du lien. C'est un comble d'être obligé de payer Facebook, et de plus en plus cher qui plus est, pour parler à des gens qui sont amoureux de notre marque ! Par ailleurs, le club vient de récupérer l'exploitation du stade. Une meilleure connaissance client à la fois sur les parcours digitaux et physiques au stade doit nous permettre d'enrichir l'expérience du client.
Plus globalement, la data doit nous aider à intervenir dans n'importe quelle prise de décision du club. A quel prix et à quel moment vendre tel produit ? A quel moment faire revenir un joueur sur le terrain ? A quel moment arroser la pelouse ? Etc. Nous allons prendre un datalake dans lequel nous mettrons toutes nos data. Accélérer là-dessus demande un investissement financier et humain. Nous venons aussi de recruter un data manager qui a beaucoup travaillé dans le retail. Il nous a rejoints en février 2019. Avant l'été 2020, nous disposerons des outils et l'utilisation des données qui se déverseront dedans sera déjà en place.
Vous parliez de la billetterie comme d'une première pierre de l'édifice. Quelles sont les autres ?
Nous avons lancé un appel d'offres pour trouver une agence afin de refondre le site et l'application mobile. Nous avons fait appel à un acteur qui travaille pour Red Bull, Netflix, Nike… Qui a des clients dans le milieu de l'entertainment, donc, mais pas forcément dans celui du foot. Netflix est un bon exemple. Notre principal concurrent de demain, ce ne sera pas les chaines de télévision, mais Netflix. Cette refonte doit notamment nous permettre de capter de la data et d'utiliser celle que l'on a déjà pour que quelqu'un qui lance son appli ait accès à une expérience personnalisée. Ce sera fait à l'été 2019. Dès le mois d'août, une première version sera livrée.
Les plateformes internes - outils comptables, SIRH, toute la partie immergée de l'iceberg - seront également repensés. On va passer d'un intranet à un outil en mode SaaS, accessible sur mobile, qui permettra par exemple aux collaborateurs de faire des notes de frais depuis leur smartphone, etc. Nous sommes en train de déployer Office 365 pour leur permettre de faire du flex office depuis n'importe quel bureau ou depuis chez eux. Avant la fin 2019, beaucoup de choses seront mises en place de ce côté-là.
Résumé du projet
Pourquoi il est innovant :
"Parce que nous n'essayons pas de reproduire ce qui se fait par nos concurrents mais nous allons chercher les expertises dans les industries où elles se trouvent : la connaissance client dans le retail, le contenu chez Netflix ou Amazon Prime, etc."
Pourquoi il est stratégique :
"Parce qu'il doit permettre de rejoindre le top 15 européen en prenant beaucoup de risques. Nous envisageons la technologie comme une prise de risques assumée pour gagner du terrain."
Pourquoi il est transformateur :
"Parce qu'il a la chance d'être en transverse sur le club et de ne pas concerner que la transformation digitale vis-à-vis des clients. Il s'agit aussi de transformer les méthodologies de travail, avec le design thinking notamment, et donc de transformer une entreprise et tous ses collaborateurs."
Pourquoi il est accélérateur :
"Parce qu'il doit nous permettre non pas de rattraper les autres clubs mais de les dépasser. Il est accélérateur dans notre capacité à parler à de nouvelles audiences, à capitaliser sur les fans de foot au global, à capter des audiences plus vastes que les seuls supporters de l'OM."