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CONTESTÉS
L’entraîneur et le président de l’OM sont devenus les cibles d’une partie du public marseillais, excédé par les résultats et leur communication jugée désastreuse. BAPTISTE CHAUMIER et MATHIEU GRÉGOIRE
Personne n’ose encore prononcer le mot interdit, comme si la situation n’était finalement pas si dramatique, comme si tous les arguments rationnels pouvaient suffire à adoucir un climat de plus en plus électrique. Après sept défaites sur les dix derniers matches, et une campagne européenne calamiteuse, peut-être même la pire de l’histoire du club, Marseille, cinquième de Ligue 1, y est pourtant bien : en pleine crise. De résultats, de confiance, mais pas encore de nerfs même si certains supporters n’en sont plus si loin. La défaite face à l’Apollon Limassol (1-3), jeudi soir, a confirmé la très mauvaise tournure que la saison marseillaise prend depuis des semaines. Elle a aussi accentué la fracture entre une partie du public et les deux hommes forts de « l’OM Champion’s Project » : Rudi Garcia et Jacques-Henri Eyraud.
GARCIA distant avec les fans
Les premiers slogans contestataires ont dégringolé des tribunes peu avant le coup de sifflet final, même si les virages étaient encore fermés contre Limassol. L’entraîneur marseillais (54 ans) les a entendus : « Les “ Garcia démission ” ? Moi, je continue à donner le meilleur avec mon staff et mon équipe, il n’y a pas de raison qu’on n’atteigne pas nos objectifs, a-t-il répondu en conférence de presse. Il faut regarder de l’avant, on a deux matches à gagner avant la trêve (Strasbourg en Coupe de la Ligue mercredi et Angers en Championnat samedi prochain), ça va tourner, il faut travailler et les joueurs travaillent. »
Des sorties médiatiques tournées en dérision
En l’espace de quatre mois et demi, Garcia a déjà beaucoup changé : de systèmes de jeu, de joueurs ou de méthodes de management. Sans réussir à inverser la tendance jusqu’à présent. Il n’a pas changé de discours, en revanche, lors de ses sorties médiatiques qui sont régulièrement tournées en dérision sur les réseaux sociaux et qui irritent de plus en plus les supporters.
Le technicien assure ne rien lire et ne rien écouter dans la période actuelle, mais sa volonté de contrôler toutes les informations qui pourraient filtrer de la Commanderie témoigne de son intérêt aiguisé pour tout ce qui se raconte. En privé, il ne se dit pas démuni, il affirme avoir encore des leviers à actionner pour remobiliser ses hommes alors que son image s’est considérablement ternie auprès d’une partie du public.
Il a toujours voulu garder une certaine distance avec les supporters, même quand les leaders des groupes avaient sollicité une rencontre en septembre 2017, après les deux lourdes défaites contre Rennes (1-3) et Monaco (1-6). À cette période, des banderoles avaient fleuri dans les virages et les chants appelant à sa démission étaient largement repris. Il n’a pas oublié l’affront. Il reste de cet épisode une méfiance partagée des deux côtés qui s’est à peine estompée avec le parcours jusqu’en finale de la Ligue Europa, en mai dernier. Les onze défaites (!) cette saison ont de nouveau dégradé les rapports, et la réception de Strasbourg, en Coupe de la Ligue, mercredi, promet d’être bouillante…
EYRAUD pas prêt à trancher
Très tendu, le président a souffert tout au long de la rencontre, jeudi, surtout en fin de match, quand les groupes de supporters ont scandé en chœur des chants insultants à son encontre, avant même de s’en prendre à Garcia. C’est la première fois que « JHE » (50 ans) est ainsi pris à partie depuis son arrivée, en octobre 2016. Il a conservé son sang-froid pour délivrer ensuite un discours policé au diffuseur RMC Sport : « Je suis responsable et j’analyse les situations. Aujourd’hui, il n’y a pas d’excuses à aller trouver […]. Il y a quand même du talent dans cette équipe, moi je vais les soutenir, et j’espère que tous les supporters vont les soutenir en Championnat où nous sommes encore en course. »
“Il pense que ça va se tasser, comme l’an dernier
Un intime de Jacques-Henri Eyraud
Ces propos fades masquent-ils un raisonnement intérieur plus percutant ? Pas forcément. Alors qu’une trentaine de supporters véhéments guettaient, en vain, la sortie des véhicules des joueurs près de l’allée Ray-Grassi (adjacente au Stade-Vélodrome), Eyraud a échangé avec quelques membres des Fanatics à la sortie du parking officiel. Son leitmotiv : il comprend la déception du public mais incite à avoir de la patience envers l’équipe. Hier soir, dans un salon du Vélodrome, il a rencontré plus officiellement les représentants de la plupart des groupes, en présence du directeur sportif Andoni Zubizarreta. Un pis-aller pour les associations, qui avaient demandé un entretien avec Garcia et des joueurs cadres après la défaite à Nantes, le 5 décembre (2-3).
Parmi les groupes influents, les Ultras sont remontés contre Eyraud, les Winners, eux, ciblent l’entraîneur. Eyraud peut-il activer le fusible Garcia ? Sa garde rapprochée n’y croit pas. « JHE est un jusqu’au-boutiste, souffle un intime. Il pense que ça va se tasser, comme l’an dernier, et qu’il aura raison in fine. La prolongation de Garcia, jusqu’en 2021, est pour lui. Un mercato malin à peu de frais pourrait relancer la machine. De gros investissements de McCourt en janvier ? Cela me paraît improbable. »
Manager sec avec ses salariés ou les suiveurs qui lui déplaisent, capable d’attaquer publiquement la société Arema (concernant l’exploitation du stade) ou de liquider en juin les Yankee qu’il considérait comme des opposants nuisibles au club, Eyraud est moins à l’aise avec les acteurs incontournables du foot : il évite la majorité des agents et a plutôt la posture du fan avec les joueurs et Garcia, qu'il évite de froisser en employant des poncifs ou des postures marshmallows.
« C’est un excellent DG, malin. Mais pour la partie plus sportive, il maîtrise moins, confie un collaborateur. En même temps, c’est là qu’on devrait entendre Zubi ! » Or, le Basque joue en retrait, dans une position confortable. Les décisions fortes viendront peut-être de l’actionnaire. Selon plusieurs sources, Frank McCourt a déjà noté le peu de rentabilité sportive du dernier recrutement, à 56 M€ (plus 5 de bonus).
L'Equipe