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Ex-boss de l'OM, Bernard Tapie, actionnaire principal du groupe La Provence, n'a pas hésité pour réagir à la plus large défaite enregistrée par le club olympien (1-5), à domicile, depuis 64 ans. Une défaite cinglante, mais logique au vu de la supériorité du PSG. Reste à savoir si l'OM va en tirer les leçons.
Qu'avez-vous pensé de cette rouste infligée par le PSG ?
Bernard Tapie : Quand on a un effectif qui est en adéquation avec ses objectifs et de ce qu'on attend de lui, la différence se fait sur des petites choses : un but manqué, une main non sifflée, des changements... Mais aujourd'hui, l'OM a une équipe dont le niveau ne lui permet pas de supporter le costume qu'elle porte. Il ne lui va pas car il est trop grand pour elle... Tout était malheureusement fait pour que ça ne marche pas. À commencer par l'annonce de la grande affiche... Excusez-moi, mais le choc du championnat, ce n'est plus l'OM contre le PSG, mais c'est le match entre les deux meilleures équipes du moment. Aujourd'hui, le choc de l'OM, c'est contre Bordeaux, Nice ou Saint-Étienne. On a donc mis une pression sur le club qui ne correspond pas à son standing actuel. À tous les niveaux, on a mis la barre trop haut. Du président dans la semaine qui précède le match avec ses déclarations à l'entraîneur qui, quand il a joué au Parc des princes, a mis en place une stratégie qui était conforme au niveau de son équipe. À la différence de dimanche, et donc, on a été punis...
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L'entraîneur a donc sa part de responsabilité ?
Évidemment. Vous pouvez m'expliquer le schéma tactique ? Si ce n'est pas possible, alors que vous êtes sur le terrain à tous les matches, c'est qu'il y a un problème. Je n'ai pas compris le match, comment l'OM devait jouer... En plus, il faut faire attention aux effets d'annonce et ne les faire que quand on est sûr de son coup. En faisant des grandes annonces, d'un seul coup, les 65 252 supporters sont venus voir l'OM qui allait battre le PSG...
Côté tactique, si on décide de jouer haut, on fait le pressing. Et si on décide de faire le pressing, tous les joueurs doivent le faire ! Or, à aucun moment ils ne sont montés sur l'adversaire. Ils ont juste couru dans le vide ! C'est la conséquence d'un manque de confiance réelle. Il y a 65 000 personnes, c'est le match de l'année... Ça leur foutait la pétoche !
Pourquoi alors vante-t-on les mérites du douzième homme ?
Mais parce que les joueurs sont lucides ! Entre le message qui est passé - "Vous êtes les plus forts, vous allez gagner", et la réalité du terrain, ils sont conscients de la différence. En football, la méthode Coué n'est pas possible. Ceci dit, il y a un match (demain). L'OM peut se refaire en éliminant Monaco.
Certes, mais c'est justement contre l'AS Monaco... Que feriez-vous pour leur faire relever la tête ?
Tu n'es pas mort si tu joues en fonction de tes moyens ! Mais tes moyens ne te permettent pas de jouer haut face à une grosse équipe. Le premier objectif, donc, c'est d'être compact, de resserrer les lignes... Les autres armes, c'est la vitesse devant, dans les couloirs. C'est incontestable. Par ailleurs, on a une capacité à domicile pour filer la trouille à l'adversaire. Mais on doit jouer avec l'énergie du corps à corps. À la perte de balle, tous les joueurs doivent se déchaîner pour la récupérer. Il ne s'agit pas de dire : "On leur marche dessus". Il s'agit d'être collé aux mecs ! Il n'y a pas un joueur de Monaco qui doit se retrouver seul ! Si, à chaque fois qu'un Monégasque a la balle, il a un Marseillais sur le râble, on peut gagner ! Ou en tout cas, ce sera très dur pour Monaco. Mais si on commence à reculer ou à se défausser pour ne pas être en confrontation directe, on est mort !
Ça, c'est au niveau tactique. Mais mentalement ?
Mais le plus important, c'est justement la tactique. Le reste, c'est du baratin ! Ils auraient pu faire un marathon autour du stade, ça n'aurait rien changé. Pour vous, il faut que les mecs donnent l'impression qu'ils sont essoufflés, qu'ils ont tout donné et qu'ils n'en peuvent plus ?
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Un minimum, oui...
En intensité d'efforts, ils ont répondu. Mais il n'y a pas eu d'agressivité. J'ai entendu dire : "C'est fini le temps où on leur marchait dessus". Mais quand tu n'as pas autre chose, tu dois te démerder ! Regardez l'attitude du secteur défensif marseillais sur les offensives de Paris : les joueurs ont fait les efforts, mais ils n'ont pas montré de volonté de conquête du ballon, ils ont laissé une marge de manoeuvre énorme au PSG. J'ai vu un match avec des joueurs qui n'y croyaient pas. Or, il faut faire avec ce qu'on a. Ce n'est pas une mauvaise équipe. Elle finira cinquième car, sur la durée du championnat, on est meilleur que les quinze derrière. On peut être 4e ou 6e, mais on est dans cette zone.
Comment réagissez-vous quand on entend le propriétaire dire que l'OM va battre le PSG chaque année et gagner la Ligue des champions ?
C'est fini, ça ! Et c'est irresponsable ! Dans le football, avec les équipes actuelles, le PSG a une équipe avec laquelle il peut prétendre gagner la Ligue des champions. C'est la première année que je le dis. Je disais non les saisons précédentes car j'estimais qu'il n'avait pas l'équipe pour. Maintenant, c'est le cas. En ce qui concerne l'OM, reposons les choses : est-il capable d'être dans le trio de tête ? Non. Donc il faut fixer cet objectif pour l'atteindre. Et avant de penser à gagner la Ligue des champions, il faut déjà finir dans les trois premiers...
Qu'avez-vous pensé du mercato ?
Je n'ai rien compris, je vous dis la vérité. L'idée de Payet, c'est un coup marketing, mais ce n'est pas un coup sportif. Ça, c'est la tentation de frimer. Une équipe, c'est dix-sept ou dix-huit mecs. Et pour connaître le niveau de cette équipe, il faut regarder les cinq moins bons joueurs de l'effectif. Pas du meilleur ! Si tu mets Messi à l'OM d'aujourd'hui, ça ne change rien. Il faut une cohérence dans les niveaux, de part et d'autre. Il ne faut pas aller en dessous d'un certain seuil, ni au-delà. Il vaut mieux dépenser trois fois 10 M€ qu'une fois 30 M€ ! D'ailleurs, en parlant de Monaco, ils ne font plus comme avant, ils n'achètent plus trois mecs à 80 bâtons. Et ça marche mieux, non ? Si l'OM veut réussir son pari, il doit faire deux choses : d'abord, ne pas se vanter au-delà du raisonnable, et je pense qu'il y a les structures et l'entraîneur pour faire quelque chose de raisonnable ; mais il faut surtout recruter des joueurs qui sont sensiblement du même niveau. C'est la cohérence de l'équipe qui fait le niveau général. Une équipe moyenne avec deux stars, ça ne sert à rien du tout !
L'absence d'un attaquant de complément illustre ce constat...
C'est fou de ne pas avoir un remplaçant pour l'avant-centre... Et du coup, que peut faire un Dimitri Payet dans cette équipe ? Hormis un exploit individuel, comme il a failli le faire dimanche en touchant le poteau, pas grand-chose...
Restez-vous optimiste ?
Oui. Et je reste optimiste parce que je crois à l'intelligence des dirigeants actuels. Ce ne sont pas des ânes. Ils vont vite comprendre, mais il faut être indulgent. Que ce soit l'actionnaire ou le président, aucun des deux n'était dans le football. Il faut apprendre. Et apprendre, ça passe par des matches comme hier. C'est peut-être aussi essayer de gagner la coupe de France cette année...
Le JT de l'OM : après la gifle du PSG, la révolte contre Monaco ?
Mais pour le mercato comme pour leur communication, restons sur des objectifs atteignables. Car un mercato, j'y reviens, mais c'est plusieurs joueurs par ligne, de très bon niveau, mais pas forcément un qui te bouffe la moitié du budget. Et ce, même si tes supporters te disent : "On veut des vedettes !" Les vedettes, elles le deviennent quand elles sont dans un club qui sait les fabriquer. Quand Alen Boksic est arrivé, ce n'était pas une vedette. Abedi Pelé, personne ne le connaissait. Et Jean-Pierre Papin, quand il était à Bruges, c'était une vedette ?
Jean-Claude Leblois / Jean Lombardozzi