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Jack73 a écrit:Benito De Soto, Bah ils viendront se relancer chez nous..
Et Marcelo viendra donner la leçon tactique à notre Roudy National..
Du déjà vu
Marcelo Bielsa, la folie du doute
Par Grégory Schneider, Envoyé spécial à Guingamp — 17 septembre 2017 à 20:26
L’entraîneur de Lille, qui a vu son équipe perdre à Guingamp (0-1) samedi, accumule les échecs à la tête d’un projet flou, où fonds vautour et paradis fiscaux ont toute leur place. Porteur de l’image pure d’esthète qui ne laisse rien se mêler au jeu, le degré de complicité de l’Argentin interroge.
C’est une vidéo mise en ligne en juin par le journaliste de l’Equipe TV Didier Roustan, un extrait qui a pris sur la Toile comme un feu de brousse. On y voit celui que Pep Guardiola, coach le plus bankable de la planète, a qualifié tant et plus de «meilleur entraîneur du monde» au fil des années : Marcelo Bielsa, alias «Bielsa le Fou», ex-sélectionneur de l’équipe d’Argentine (sans doute le poste le plus élevé pour un entraîneur au regard du poids culturel du foot là-bas, sans parler de l’intelligence que l’on prête dans ce pays à ceux qui savent lire les arcanes du jeu) entre 1998 et 2004, ex-sélectionneur du Chili, ex-coach d’un Olympique de Marseille qu’il fit respirer et exister comme personne lors de la saison 2014-2015.
Sur la vidéo, Bielsa participe à un débat sur une télé argentine et c’est un document précieux quand on sait la défiance de l’homme de Rosario pour les médias en général et la télévision en particulier.
«Qui veut travailler avec un connard ?»
La discussion portait sur l’initiative d’un défenseur de São Paulo, Rodrigo Caio, qui, lors d’un match, est intervenu auprès de l’arbitre… pour faire annuler un carton jaune que celui-ci avait adressé à un adversaire des Corinthians, Jô. Rodrigo Caio est tout bonnement allé expliquer au directeur de jeu que c’est lui qui avait mis un coup involontaire à son propre gardien et que Jô n’y était pour rien. L’attitude de Bielsa en plateau est difficile à décrire. Un mélange de fureur contenue, de didactisme, de honte, aussi. Son propos : «Quel entraîneur, et plus généralement quel homme, préfère passer quatre heures par jour à travailler avec un connard plutôt qu’avec quelqu’un d’honnête ?» Le détail : «Tout le monde se dit : "Ah, il faut analyser ce qu’a fait Rodrigo Caio." Vous l’analysez, je l’analyse, on est là, on en parle. Et lui, Rodrigo Caio, il nous regarde. Et il doit se dire : "S’ils font une analyse, c’est que j’ai peut-être raison ou que j’ai peut-être fait une erreur." On lui met le doute. On lui signifie que si un joueur n’est pas méchant, il est stupide. Voilà comment on transforme les joueurs en personnes immorales. Je repose ma question du début : qui a envie de passer quatre heures par jour avec des joueurs spéculatifs, tricheurs et peu portés sur l’autocritique ? Personne ? Mais alors, pourquoi crée-t-on ces joueurs-là ?»
On s’est pointé samedi au Roudourou de Guingamp pour voir le Lille Olympique Sporting Club (Losc) désormais entraîné par Bielsa perdre pied (0-1) face aux Bretons, et c’est peu dire que de l’eau a coulé sous les ponts. Le club nordiste ne s’en sort plus : cinq points en six matchs et la 17e place, un but lors des quatre derniers matchs. Il y a autre chose, de plus sombre, de plus pesant : trois paradis fiscaux (Hongkong, le Luxembourg, les îles Vierges britanniques) dans la chaîne de propriété du Losc et des trucs limites en rafales, un attaché de presse viré à son retour de vacances ou un propriétaire (Gérard Lopez) qui explique avoir racheté le club avec son propre argent alors qu’il n’a pas mis un centime, au contraire d’un fonds vautour spéculant sur les dettes de certains Etats sud-américains.
Bielsa est le visage avenant d’un projet noir comme l’onyx. Avenant doit bien entendu être pris au sens métaphorique : profond, puisant aux racines d’un jeu de football qu’il place au-dessus de tout, honnête intellectuellement. Mais il y a le fonds vautour. Samedi, une grosse demi-heure après le match, Bielsa se présente devant la presse. Deux mastards ne le lâchent pas d’une semelle. Dehors, il pleut des seaux. Son visage est impressionnant : minéral, complètement fermé sur un monde que l’on devine contradictoire et violent. Bielsa parle dans sa langue, lentement et à voix basse, s’interrompant tous les six ou sept mots pour laisser le traducteur travailler : c’est ce dernier qui regarde l’auteur de la question, Bielsa fixant la table devant lui. Sur la défaite : «Les caractéristiques des joueurs [lillois] offrent beaucoup de variété. Certains attaquants prennent la profondeur [vers le but adverse], d’autres décrochent [dans le sens inverse, vers leur propre camp], certains joueurs de côté montent avec le ballon, d’autres montent par surprise… Je crois que l’équipe est à dominante créative. Mais il manque la dernière passe réussie pour mettre l’attaquant en situation de marquer, ainsi que des joueurs dans la surface adverse à la réception des centres. On a eu davantage de possibilités que l’adversaire. Et ces possibilités n’étaient consécutives ni à une erreur de l’adversaire ni à la chance. Je ne parle jamais de la chance ou du destin parce que je ne veux pas que vous croyiez que je cherche des explications tendant à éloigner mes propres responsabilités.»
Sur les conséquences : «A l’évidence, une défaite multiplie les explications que j’ai à vous fournir et transforme en justification ce qui devrait relever de l’explication. Comme le résultat n’est pas nul et que Guingamp a marqué à la dernière seconde du match, ces explications sont plus critiques. Ça vaut pour vous [les médias] et ça vaut pour moi. Pourtant, que le but ait été marqué ou non, c’est la même analyse.» Sur la nervosité de son équipe, la plus sanctionnée de France par les arbitres : «Dans le foot, les fautes ont deux origines. Ou la volonté de mettre un coup, ou l’excès d’intensité, c’est-à-dire d’ambition. On peut interpréter la même donnée de deux manières différentes. L’intensité gouvernée par l’ambition : c’est ça pour moi. Je rappelle que nous parlons de l’effectif le plus jeune du championnat. On pêche par précipitation, pas par nervosité. A l’évidence, ce n’est pas mon point de vue qui est forcément le bon. Simplement, je vous le livre.»
Altitudes conceptuelles
Tout est comme ça : les altitudes conceptuelles, les deux, trois, quatre temps du raisonnement basés sur une observation simple, pas mal de paracommunication (la communication sur la façon de communiquer) aussi, ce qui sous-tend une manière de conflit. Une difficulté : la dissociation du contenu et du ton, monocorde. Bielsa n’aime pas les micros et ceux qui les tiennent. Bien entendu, c’est son droit. Pendant qu’il parlait, une pièce étrange se jouait un étage plus bas : ses joueurs, une bande de gosses arrachés de partout (Burkina Faso, Mali, Argentine, Côte-d’Ivoire, Pays-Bas, Brésil, Portugal…) que Bielsa doit valoriser sportivement puis financièrement sur le marché des transferts, afin de permettre aux différents holdings possédant le Losc de tourner, filaient un par un par derrière, sans mot dire, créant un début de révolte vite tempérée - «Pour ce qu’ils auraient eu le droit de dire…» - chez les reporters attachés aux circonvolutions de l’équipe. Consigne de la direction technique, donc de Bielsa : on ne parle pas. Cet été, le club a vu arriver des gamins vivants comme tout, expansifs, conscients aussi de tenir la chance d’une vie - mettre un pied dans le prestigieux championnat de France, porte d’entrée vers la fortune, sous le haut patronage d’un entraîneur ayant la réputation justifiée de faire progresser ses joueurs dans des proportions stellaires. Deux mois plus tard, les mêmes se cachent sur ordre ou débitent des leçons aussi préparées qu’une partition de piano mécanique.
Interrogé jeudi sur la jeunesse d’une équipe qui se fait conséquemment rentrer dedans par des adversaires autrement retors, l’attaquant brésilien Luiz Araújo (22 ans) a cependant expliqué ceci : «Cette jeunesse dont vous parlez, c’est le projet du club. Et moi, je ne serais pas là sans ça.» La reconnaissance du ventre. Le reste lui passe au-dessus : les îles Vierges, les fonds vautours, la guerre larvée opposant Bielsa à Luis Campos, son directeur sportif de fait, grand architecte du recrutement, salarié non pas par le Losc, ce serait trop simple, mais par le holding luxembourgeois coiffant le club. Une guerre qui a déjà fait des victimes : deux hommes mis en place par Campos, le responsable de la cellule vidéo, João Sacramento, et le préparateur physique, Gabriel Macaya, ont été liquidés la semaine dernière par l’entraîneur de Lille, celui-ci se fendant d’un discours de sept minutes (!) chrono jeudi devant la presse pour expliquer sans rire que Sacramento était désormais trop qualifié pour ce qu’il avait à lui proposer. Un témoin : «Il s’est un peu foutu de notre gueule.»
Selon plusieurs sources, l’ambiance au domaine de Luchin, où l’équipe s’entraîne dans une atmosphère paranoïaque (huis clos systématiques depuis juillet, à l’exception de dix minutes de tennis-ballon récemment concédées au public), est à l’angoisse : placé par Campos pour surveiller Bielsa, le nouvel attaché de presse du club se sait à un pas de se faire déchirer à la moindre contrariété du maître. Et celui-ci est capable d’inventer cette contrariété de A à Z.
Valise à roulettes
Samedi, l’entraîneur guingampais, Antoine Kombouaré, a rendu hommage à son adversaire, «dans le combat», «costaud physiquement, mais surtout mentalement» : des profils de crève-la-dalle dont le seul talent est le don de soi, ce que le Kanak n’a pas dit. Ça fait peu. Il y a deux semaines, la direction du Losc, aux abois financièrement, a vendu son meilleur joueur (l’attaquant Nicolas de Préville) pour 10 millions d’euros : voilà la réalité et, rapportée à un discours du club promouvant le temps long et la progression, cette réalité a un âcre parfum d’escroquerie.
Pour le reste, tout le monde vit dans l’idée que Bielsa fait des tours de magie. Il explique que son équipe est «à dominante créative», qu’elle est la meilleure de France «dans la répétition des courses à haute intensité», que «l’ambition gouverne l’intensité», et on avance comme ça, tranquille, bien à l’abri de l’image phénoménale du démiurge. Ça va exploser. Personne ne sait quand. C’est un charme. Celui de Bielsa tient aussi en partie à ses brusques démissions, trois phrases et hop, le voilà à l’aéroport de Rosario avec sa valise à roulettes.
Peut-être qu’on s’est trompé sur lui, qu’il est complice de ce cirque. Ou qu’il n’en est plus capable. Ou que l’on ne comprend rien à ce qui se passe.
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