Information
Zubizarreta, l’homme du consensus
Le directeur sportif de l’OM a prolongé jusqu’en 2021. Sa silhouette bienveillante et son statut de garant de l’institution le protègent des critiques escortant des mercatos contrastés. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE MARSEILLE – À la veille d’un énième Classique contre le PSG perdu (0-2), Andoni Zubizarreta a ajouté deux nouvelles années à son bail marseillais (2021). Arrivé à l’automne 2016, le directeur sportif commente : « C’est une magnifique opportunité, je suis heureux de continuer cette aventure. Mais aussi une grande responsabilité, parce que j’ai bien compris tout ce que nos supporters attendent de moi, de nous. » Un numéro 9 ? Le Basque (57 ans) ne relève pas la taquinerie : « Ils veulent être grands. » Sur le sujet de l’avant-centre, caillou dans sa chaussure depuis le départ de Bafétimbi Gomis, il a trimé, épuisé les pistes à l’été 2017 (Bacca, Jovetic, Aboubakar) avant de se replier d’urgence sur Mitroglou. À l’été 2018, il a sué sur le cas Balotelli. « Il faut absolument qu’on le fasse, les Marseillais l’attendent », confiait-il à ses proches en juillet, ne cherchant pas à camoufler l’aspect prioritaire du dossier.
À la fin du mois d’août, après les rebondissements spectaculaires (Anguissa, Balotelli, Strootman) qu’il a plutôt semblé subir, il n’a pas baissé les bras sur un profil important : Moussa Dembélé. « Il a toujours été là, en lien constant avec l’entourage de Dembélé, mois après mois, explique un cadre du club. “Zubi” a fait ce qu’il faut, mais il n’a pas l’arbitrage final. »
En période de mercato, Zubizarreta donne son avis, parfois à contre-courant, sur le sportif ou le financier, mais il n’est jamais dans l’ingérence. Il peut s’avérer ombrageux avec certains agents, mais place toujours son ego derrière l’institution OM. Cela convient à Rudi Garcia. « Je suis ravi qu’Andoni ait prolongé, c’était aussi un détail que j’avais fait remonter au président, parmi mes interrogations pour la suite », a expliqué l’entraîneur. Il a effectivement posé la question lors des négociations de sa propre prolongation, également officialisée samedi dernier. Si la complicité du duo ne saute pas aux yeux, le coach n’est pas né de la dernière pluie : il n’a pas un directeur sportif interventionniste, politique et manœuvrier, comme peuvent l’être le conseiller Luis Campos à Lille ou Antero Henrique au Paris-SG, mais un adepte du consensus.
Un futur recrutement axé sur les jeunes
« Un sage, qui rassure JHE (Jacques-Henri Eyraud) », assure-t-on à la Commanderie. Le président de l’OM a débarqué dans le foot sans véritables repères, le menhir basque lui a servi de borne dans ce brouillard. Comme le directeur juridique Alexandre Mialhe, Zubizarreta débroussaille les entourages, scanne les agents et les joueurs, n’hésite pas à échanger avec Jean-Christophe Cano, le représentant de Khazri et Ntep, qui figure sur la liste noire d'Eyraud. « Andoni est précieux pour son éthique, pour son intégrité professionnelle, parfois il faut savoir renoncer à un dossier », dit JHE.
Au printemps 2017, Zubi n’a jamais su démêler l’entrelacement des mandats sur le dossier Ferland Mendy (Le Havre, transféré à Lyon) et a lâché l’affaire. Il n’a pas de réseau privilégié : l’OM a mandaté un jeune agent catalan pour le recrutement de Luiz Gustavo, ou un Lyonnais pour celui de Strootman. Intéressé par la ville, par les gens, Zubizarreta se plaît à Marseille. Ses missions ? Eyraud détaille : « La première reste la construction de l’équipe pro, avec l’arrivée dans la phase 2, qui met l’accent sur le jeune talent. Après avoir reconstitué une équipe et embauché des joueurs expérimentés, le projet va se concentrer sur des jeunes de dix-sept à vingt-deux ans. » Début 2018, Zubi a ainsi planché sur le dossier Nsoki (PSG), se positionnant bien avant ses premiers pas en pros. L’OM veut aussi développer des réseaux africains et sud-américains.
Deuxième volet, cher à JHE, la formation, et pas seulement pour verrouiller les contrats pros (Bo. Kamara, M. Lopez, …) : « Avec sa pièce maîtresse Albert Valentin, ils ont analysé le centre de formation, amélioré les équipements, créé une cellule de recrutement dédiée aux jeunes, ressuscité un réseau local, dit le président. Et apporté de la méthodologie : chaque séance au centre est désormais répertoriée dans des logiciels, on mesure mieux la performance. Cette modernisation des données est capitale pour lier le centre et le groupe pro. Le médical est capital. Par exemple, pour Lopez, il n’y avait aucune trace de ses blessures en jeunes, des protocoles mis en place, la durée de ses convalescences… » Si, en plus, Zubi fournit le logiciel pour dégoter un avant-centre, il pourrait bien être prolongé à vie.
L'Equipe