À trois jours de l'ouverture du marché hivernal des transferts, gros plan sur le fonctionnement des scouts de l'OM et les nouveautés mises en place ces derniers mois par Andoni Zubizarreta, le directeur sportif
Elle a longtemps oeuvré pour rien, sans être écoutée par les dirigeants ayant le dernier mot sur le front du mercato. Son travail d'observation et de référencement des joueurs, pourtant conséquent, est le plus souvent resté à l'état d'archives dans des logiciels. Vincent Labrune ne s'est ainsi jamais servi (ou presque) des rapports fournis par les superviseurs olympiens pour effectuer son marché. Il a d'ailleurs fallu attendre l'été 2016 et le départ de l'Orléanais pour voir l'OM suivre les recommandations de la cellule de recrutement et de son responsable de l'époque, Jean-Philippe Durand. C'est alors qu'Hiroki Sakai, repéré en 2012-13, a débarqué à Marseille.
Si la venue du Japonais est une réussite, elle ne suffit pas à effacer toutes ces années de boulot qui n'ont finalement pas servi à grand-chose. La faute à une organisation défaillante. Un constat implacable que n'ont pas manqué de faire Frank McCourt et Jacques-Henri Eyraud dès le début d'automne 2016, lorsqu'ils ont repris la maison bleue et blanche en main. C'est l'une des (nombreuses) raisons pour lesquelles ils ont fait appel à Andoni Zubizarreta.
La reconfiguration du scouting est en effet l'un des volets majeurs inscrits sur la feuille de route du directeur sportif basque à l'OM (où il est sous contrat jusqu'en juin 2019).
Durant les premiers mois de sa nouvelle aventure française, l'ancien dirigeant de l'Athletic Bilbao et de Barcelone a d'abord fait un état des lieux, examiné les forces et relevé les faiblesses de ladite cellule. En février 2017, il a fait appel à l'un de ses fidèles, Albert Valentin, pour l'épauler. De la même manière qu'il le faisait au Barça où il était secrétaire technique, ce dernier coordonne désormais les recruteurs de l'OM (Jean-Philippe Durand et François Brisson sont, eux, partis). "Je parle espagnol avec lui, ça m'aide, plaisante "Zubi", pourtant à l'aise dans la langue de Molière. Il m'accompagne, nous nous entendons très bien et réfléchissons ensemble sur la structure du club, la formation. Il gère aussi toute la partie sur la connaissance des joueurs."
Le Brésil et l'Amérique du Sud visés à long terme
Le tandem s'est fixé une règle d'or : mettre en place un fonctionnement qui perdurera dans le temps, même si ces deux-là ne sont plus là dans quelques années. Histoire que l'OM ne reparte pas de zéro à chaque changement d'organigramme. Comme ce fut trop souvent le cas par le passé.
Cela vaut bien sûr pour les méthodes de recrutement. Rien de révolutionnaire là-dedans mais le plan est carré : avant de miser sur des hommes, les Espagnols ont choisi des zones géographiques. C'est ainsi que deux nouveaux scouts ont été engagés mi-août pour sillonner des territoires scrutés de manière trop épisodique auparavant.
Passé par Majorque et Manchester City, Georges Santos a été affecté au marché britannique, qu'il connaît sur le bout des doigts (il intervient aussi en Italie). Le Nord de la France, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont, eux, été confiés à Emmanuel Clément, qui rayonne sur ce territoire depuis Strasbourg.
Autre visage apparu ces dernières semaines, celui de Narcis Julia, compagnon de route d'Andoni Zubizarreta chez les Blaugrana, comme Albert Valentin. Passé par Gérone, Porto (où il a été entraîneur-adjoint de Victor Fernandez en 2004-05), le Barça, donc, et Saragosse, il est désormais en charge de l'Espagne et du Portugal pour l'OM.
"Il va aussi faire le lien avec l'Amérique du Sud, où il a de bons relais. Mais on aura besoin d'un recruteur sur place, confie le directeur sportif olympien.Un pays comme le Brésil, c'est immense. On va réfléchir à quelque chose pour l'année prochaine afin d'être plus proche. Si tu restes dix jours, tu vois différents matches, mais si tu as quelqu'un, il peut connaître plus de choses, avoir davantage de renseignements, savoir à qui il faut s'adresser dans le club où évolue le joueur qui peut nous intéresser. Quelquefois, là-bas, quand tu dois faire un deal, ce n'est pas facile de savoir avec qui tu dois parler... Cela peut donc nous aider, car c'est un marché avec beaucoup de possibilités, un grand football."
"Chacun a son secteur mais on essaie de croiser les rapports"
Santos, Clément, Julia. Ces nouveaux visages de la cellule sont venus épauler quelques anciens, comme Michel Flos, vieux de la vieille, joueur de l'OM de 1981 à 1985, puis en 1986-87, entraîneur de la réserve entre 2007 et 2010, et recruteur depuis. "Il a une très bonne connaissance de la Ligue 2", remarque Andoni Zubizarreta. Il continue donc de représenter l'OM dans les stades français. Arrivé pendant l'ère Labrune, Ferhat Khirat s'occupe, lui, des "joueurs du futur", dixit le Basque, et apporte également son aide dans l'Hexagone. "Chacun a son secteur. On essaie ensuite de croiser les rapports avant de prendre une décision, explique Zubizarreta. C'est mieux que plusieurs personnes voient les joueurs, car chacun de nous a une idée sur le football."
336 matches (220 de Ligue 1 et Ligue 2, 29 de coupes d'Europe - en majorité de Ligue Europa -, 37 de championnats étrangers et 50 de jeunes) ont été observés par les scouts de l'OM entre juillet et décembre 2017.
Espagne, Portugal, Italie, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Angleterre : tous ces pays sont scrutés avec attention, même si la priorité est pour l'instant la France. Un boulot de longue haleine qui portera peut-être ses fruits dans les mois et les années à venir. Si et seulement si les rapports ne restent pas, encore une fois, stockés dans des dossiers en attente. Comme ce fut le cas par le passé, avant l'ère McCourt.
Depuis le rachat de l'institution phocéenne par le Bostonien, le changement n'est pas encore tout à fait visible. Pas besoin de cellule de recrutement, en effet, pour savoir que Dimitri Payet, Steve Mandanda, Adil Rami ou Valère Germain sont de bons joueurs...
En structurant le club comme il le fait actuellement au niveau du scouting, Andoni Zubizarreta prépare toutefois l'Olympique de Marseille de demain. Et c'est sur le long terme que sera jugé son travail.