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OM : "Je sais où est ma place" (Zubizarreta)
Le directeur sportif de l'OM s'est longuement confié sur son rôle au sein du club, son année 2017 et, bien sûr, le prochain mercato d'hiver. Entretien
Il fait partie de ces hommes qui savent prendre du recul. Très attaché à sa famille, le directeur sportif de l'OM est parti la rejoindre pour les fêtes, durant lesquelles il retrouvera notamment sa fille, qui va démarrer un stage à Sciences-Po, ses deux fils, respectivement directeur sportif de l'équipe féminine du Barça et médecin, et son petit-fils. Chez les Zubizarreta, Noël se déroule en deux temps, à Barcelone et Bilbao. Avant de regagner son Espagne natale, le Basque s'est longuement confié à La Provence en milieu de semaine.
Juste après avoir échangé quelques SMS avec sa fille, il s'est posé durant plus d'une heure. L'ancien gardien de la Roja a évidemment évoqué le prochain mercato hivernal, dont le coup d'envoi sera donné le 1er janvier. Il est aussi revenu sur son rôle au sein de l'organigramme de la maison bleue et blanche, ses relations avec Jacques-Henri Eyraud et Rudi Garcia, mais aussi sur l'évolution des projets mis en place depuis son arrivée, il y a un peu plus d'un an. Le tout avec le flegme et le naturel qui le caractérisent. Interview.
Rudi Garcia nous a dit mardi : "Vous pouvez solliciter Andoni, il vous répondra avec plaisir sur le mercato". Donc, quelles seront les priorités en janvier ?
Andoni Zubizarreta : (Rires) C'est un hiver tout à fait différent de l'an dernier, on avait alors plus de besoins. Il ne faut pas oublier que c'est un marché d'opportunités. Il y a la coupe du monde en fin de saison et des joueurs qui ne jouent pas dans leur club. Ça peut ouvrir des possibilités. Mais nous n'avons pas de besoins spécifiques sur la structure de l'équipe. Peut-être à gauche, puisque Patrice (Evra) est parti. Mais on a fait signer un contrat à Christopher Rocchia et Hiroki Sakai peut aussi évoluer dans ce rôle-là. Et quand on voit ce que Rudi a réussi à faire avec Bouna Sarr... Il a parfaitement réussi son coup. C'est un joueur avec une capacité d'attaque et de défense.
En tout cas, si on se place dans l'autre sens et que ce mercato se termine sans recrue, cela ne veut pas dire qu'on ne sera pas dans la compétition.
C'est un mercato difficile. L'Angleterre, par exemple, est un marché magnifique mais spécial. C'est dur, les prix et les salaires sont très élevés. Les joueurs d'un championnat comme celui-là qui peuvent venir jouer chez nous sont normalement des joueurs qui ne jouent pas dans leur club. Mais s'ils ne jouent pas, comment peut-on alors voir ce qu'ils donnent sur le terrain ? Comment peut-on faire un rapport sur eux ? Et comment peut-on savoir s'ils seront prêts physiquement ? S'ils n'ont pas joué pendant les trois derniers mois, le temps qu'ils s'adaptent, connaissent l'équipe, apprennent un peu la langue, on sera déjà arrivé au mois de mars...
Il pourrait tout de même y avoir des départs de joueurs qu'on ne voit plus et que Rudi Garcia n'utilise pas...
Andoni Zubizarreta : Oui, c'est vrai. Ce sera l'occasion de terminer des dossiers que nous avons stoppés à la fin du mercato d'été. Normalement, il devrait y avoir des départs.
Après une vague d'arrivées d'éléments au CV flatteur, l'OM va-t-il se tourner à l'avenir vers des joueurs moins connus et moins chers mais qui pourront ensuite se développer à Marseille ?
Andoni Zubizarreta : C'est une bonne question, pour vous aussi. Ma réponse est oui. Chaque fois qu'on parle d'un joueur au nom qui n'est pas "spectaculaire", il y a beaucoup de débats. On entend qu'à l'OM on ne peut seulement recruter que des grands noms, qui ont une grosse histoire. Je parle en règle générale, pas en interne. Mais on peut faire les deux choses ensemble. On a vécu un temps durant lequel on avait besoin de monter le niveau du projet, on a essayé de le faire avec des joueurs comme Payet, Mandanda, Rami, Gustavo... Mais en même temps, Rudi a aussi donné la possibilité à Sarr de se développer au poste de latéral droit, on a recruté Sanson et Amavi, on a fait signer un contrat à Kamara.
Notre conclusion du marché d'été est qu'il y a eu deux mercatos : un avant le transfert de Neymar, un autre après. Le PSG a mis 220 M€. Après cela, un joueur de 30 M€ne semble pas cher ! (Il souffle) Ce n'est pas logique. Tous les prix ont grimpé. Cet été, j'ai parlé avec des supporters qui m'ont proposé des noms d'attaquants. Il y en a un qui m'a dit : Alexis Sanchez (Arsenal). Je lui ai répondu : "Écoutez, c'est moi qui l'ai fait venir à Barcelone (en 2011), je connais ses qualités, mais s'il a la possibilité d'aller à Manchester United, au Bayern Munich ou à la Juventus, pourquoi viendrait-il à Marseille ?"
Un dossier vous tenait à coeur l'été dernier : celui de Steve Mandanda. Vous avez joué un grand rôle dans son retour à l'OM. Lui avez-vous parlé après son erreur à Lyon ?
Andoni Zubizarreta : J'essaye toujours de descendre au vestiaire, de saluer tous les joueurs. Si on a gagné, on a gagné ; si on a perdu, on a perdu... Je lui ai dit que ce n'était pas le premier ni le dernier gardien à faire une erreur. Mais cela a duré quelques secondes, pas plus. Concernant son retour, il faut déjà redire que Yohann Pelé a fait une très bonne saison 2016-17. Il nous a fait gagner des points, mais nous avons pensé que pour monter le niveau de l'équipe, nous avions besoin de quelque chose en plus. Et quand tu penses à un gardien pour augmenter le niveau de l'OM, le premier nom qui te vient à l'esprit est celui de Steve Mandanda. En plus, il ne jouait pas à Crystal Palace. On a discuté avant le marché d'hiver et on a pensé qu'il était mieux de le faire en été. Il nous a vraiment aidés dans les négociations avec son club, il sentait que l'OM était en train de changer. On n'avait pas besoin de lui expliquer ce que représente l'Olympique de Marseille... J'ai beaucoup appris sur l'OM en l'écoutant.
Vous avez aussi misé sur Luiz Gustavo. Vous attendiez-vous à le voir arriver aussi vite à ce niveau-là ?
Andoni Zubizarreta : (Il sourit) On connaît Luiz depuis longtemps. Quand on était à Barcelone, on l'a suivi, car on pensait à lui, à son profil, un peu comme Busquets. Il est en train de réaliser l'une des meilleures saisons que je l'ai vu faire. Il sent bien le jeu, il a pris beaucoup de cartons au début mais s'est adapté, il comprend le football. C'est un joueur de référence, pas seulement chez nous, mais pour le championnat de France.
Avoir un tel élément dans votre équipe peut-il être une bonne publicité pour les futures recrues ?
Andoni Zubizarreta : Ça, c'est sûr ! Ça aide. Dans son dossier, est apparu au tout dernier moment un club haut de gamme qui a fait une proposition. Mais il a choisi l'OM. Un joueur de son niveau, qui s'adapte bien, qui peut parler de l'équipe, du centre d'entraînement, de la plage ou du soleil comme il dit (rires), c'est toujours une bonne publicité. Cela fait plaisir.
Il y a aussi eu quelques échecs au mercato depuis votre arrivée. Comment avez-vous vécu l'épisode Evra et la fin pathétique de son aventure à l'OM ?
Andoni Zubizarreta : C'était difficile. Quand il a signé, il était une star. Lors de son premier match au Vélodrome, tout le monde l'a applaudi. C'était un grand joueur, avec une grosse personnalité. Ça a fini d'une façon terrible à Guimaraes. On a parlé après le match, il sait très bien ce qu'il s'est passé. Il n'a pas cherché d'excuses, il a pris toutes ses responsabilités. Dans la résiliation de son contrat, il a été très professionnel. L'image de son coup de pied va rester dans l'histoire, mais dans son attitude après, j'ai appris beaucoup de lui.
Un autre renfort de janvier 2017 connaît des difficultés : Grégory Sertic. Que comptez-vous faire de lui ?
Andoni Zubizarreta : Il n'est pas arrivé avec le même statut qu'Evra. La saison dernière, il a été utile en défenseur central, avec une bonne anticipation, une bonne lecture du jeu. Il a montré qu'il pouvait bien ressortir le ballon. Mais il a eu des problèmes physiques. On va voir s'il revient après la trêve de Noël. On veut profiter de son expérience. Après, on verra cet été quand on aura une réflexion sur la structure de l'équipe.
"On a bâti des réseaux à tous les niveaux"
Cela fait un peu plus d'un an que vous avez été nommé directeur sportif de l'OM. Quel(s) moment(s) avez-vous le plus apprécié(s) ?
Andoni Zubizarreta : Il y en a beaucoup. Je me souviens du match de coupe de France contre Lyon après prolongation (2-1). Je me rappelle aussi d'un jour sur le Vieux Port, j'étais en train de prendre une petite bière et un supporter est venu me dire qu'il avait confiance en moi, qu'il savait que le projet était difficile. C'est un souvenir assez personnel, mais ça montre ce que représente l'OM pour la ville et les supporters.
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Le Basque de 56 ans se sent bien à l'OM, où il a pris le temps d'observer le fonctionnement avant d'effectuer les retouches nécessaires.
Je me souviens de la joie des filles quand on a battu le PSG (2-0) à Lebert (en mars). Il y a des moments publics comme des matches et des arrivées de joueurs. L'activité quotidienne d'un directeur sportif concerne plusieurs petites questions qui ne sont pas si graves ou si importantes que celles que l'on voit dans les journaux, mais qui sont tout aussi importantes sur le plan humain. Comme quand tu parles avec la maman d'un jeune joueur qui va signer son contrat. Dans dix ans, celui-ci expliquera peut-être que, ce jour-là, Zubizarreta lui a dit ça ; ou alors ce sera moi qui verrai son premier match au Vélodrome.
Accordez-vous autant d'importance à tous ces moments, aussi différents soient-ils ?
Andoni Zubizarreta : Tu dors un peu moins avec les problèmes du secteur professionnel qu'avec ceux de la formation (sourire). On a bâti des réseaux à tous les niveaux. Quand tu vois la joie de ces petits lorsque tu viens signer une convention avec le président, tu sens ce que ça signifie pour eux. Ça te donne quelque chose de plus à l'intérieur. On veut développer notre formation, mais la plupart de nos supporters veulent surtout que les grands gagnent. C'est le moteur du club. Une part importante de mon travail consiste à rester auprès des pros, à les écouter, à connaître les besoins et à savoir quels sont nos problèmes. Ce n'est pas seulement de rester dans mon bureau où tout le monde vient raconter ses histoires. Je dois aller chercher la connaissance, la relation, sentir quels sont les problèmes sur le terrain, au niveau des joueurs. Quand je suis arrivé, on avait un besoin clair à La Commanderie de (terrain) synthétique, de vestiaire. On doit rester à l'écoute des problèmes qu'on peut rencontrer, voir si on doit se renforcer dans les moments plus difficiles. Les pros doivent sentir que tu es proche d'eux, dans la victoire comme dans la défaite. Peut-être plus quand tu perds...
A contrario, quel est le jour le plus difficile ?
Andoni Zubizarreta : Le match contre le PSG (1-5). Celui contre Monaco était dur aussi. Mais contre Paris, il y avait tellement de passion avant le match. Et puis plus rien. On était 5e (7e en fait, ndlr), on pensait qu'on pouvait rivaliser face au PSG. Nos supporters pouvaient nous pousser dans ce genre de match. Quand tu arrives avec une envie, une énergie et une passion aussi grandes, c'est dur quand tout cela disparaît comme par magie au bout de quinze minutes. Ça a été une grosse déception. Mais le jour d'après, on recommence le projet. On apprend de ce qui s'est passé et on continue notre chemin. On a rebondi assez bien par la suite. L'équipe s'est bien comportée en deuxième partie de saison. On était en avance sur notre objectif de jouer la Ligue Europa.
Mesurez-vous le chemin parcouru entre cette gifle et le dernier clasico où vous avez été tout proches de la victoire ?
Andoni Zubizarreta : Le problème du football, c'est que quand les bonnes nouvelles arrivent, on pense que c'est normal. On a beaucoup travaillé, on a une bonne équipe, un bon entraîneur, un stade qui nous soutient. J'ai dit à Jacques-Henri (Eyraud) que si on nous avait dit avant la rencontre qu'on allait faire match nul, on aurait dit oui. Mais à la 92e, on avait les trois points et on fait match nul. Le contraire peut aussi se produire, on l'a aussi connu.
Si on fait le bilan de l'année écoulée et si on excepte le match de Monaco, l'équipe est plus capable de rivaliser avec celles de la partie haute du championnat. À mon arrivée, la demande était d'être compétitif à ce niveau-là ; contre le PSG et son projet différent, c'est plus difficile. Ce match reste tout de même un bon souvenir. On a beaucoup travaillé pour en arriver là. Et quand les choses se produisent, tu penses que c'est la conséquence de tout le travail effectué. Quand on perd, c'est plus difficile.
Si vous deviez refaire une chose différemment, ce serait quoi ?
Andoni Zubizarreta : C'est difficile de jouer un match au passé. Si on demande à Steve Mandanda ce qu'il ferait différemment à Lyon, il donnerait trois réponses. Il y a des choses que l'on peut faire d'une autre manière. J'essaie d'apprendre de chaque situation pour l'avenir. La plupart d'entre elles ont une relation avec un joueur, une communication difficile et trop tardive. Avoir le bon timing, c'est très compliqué. C'est une exigence trop spécifique, de trouver le bon équilibre entre la part professionnelle et la part personnelle du joueur qui a aussi sa famille.
Vous êtes discret médiatiquement. Considérez-vous que cela fait partie de votre rôle ?
Andoni Zubizarreta : Peut-être qu'après cette interview, je vais penser que j'en ai trop dit. À d'autres moments, on a envie de parler, d'expliquer des choses. Au quotidien, quand tu joues autant que nous cette saison, celui qui parle, c'est l'entraîneur. C'est le porte-parole du club. Puis on arrive à une deuxième ligne plus stratégique. Elle concerne toujours le quotidien comme la question des arbitres (lire par ailleurs). Normalement, cela ne doit pas avoir beaucoup d'intérêt pour les médias. Je peux prendre le temps d'expliquer des choses lors des trêves internationales, où on a plus de temps, on prend un peu de distance sur le quotidien. Ce sera peut-être un moment plus intéressant pour parler. Mais j'essaie toujours de rester en deuxième ligne. J'aide aussi Rudi dans la construction de son message. Il le fait bien mais tout le monde a toujours besoin d'aide. Puis je le soutiens. À Rennes, j'ai vécu quelque chose que je n'avais jamais connu en 40 ans de football (il évoque l'arbitrage).
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"Pas à Marseille pour tout changer"
Comment vous sentez-vous au sein du club ?
Andoni Zubizarreta : La relation Jacques-Henri, Rudi et moi marche bien. On peut avoir des divergences, mais c'est pareil chez moi avec mon épouse. On travaille ensemble, on prend les décisions ensemble. Chacun peut avoir un point de vue différent. Mais on essaie qu'à la fin la décision soit celle de l'OM même si quand j'arrive à la maison, je peux avoir une interprétation plus personnelle. Dans cet équilibre, je me sens bien, je sais où est ma place. J'apprends la manière dont sont structurés le football français et le club, ce que signifie un président ou un entraîneur en France.
C'est si différent de l'Espagne ?
Andoni Zubizarreta : Oui, un peu. En Espagne, on pense qu'on a 18 ou 20 joueurs pour gagner, essayer de se qualifier pour les différentes coupes. Celui qui n'est pas titulaire au début peut le devenir en fin de saison. On pense plus collectif ; en France, on raisonne plus hiérarchie, le numéro 1, le numéro 2... Ça a été un peu surprenant. J'essaie de comprendre, je lis dans la presse ce que fait le président de telle ou telle équipe, quelle est la relation avec les arbitres. Je dois m'adapter. Je ne suis pas venu à Marseille pour tout changer dans le football français.
N'êtes-vous pas lassé d'être toujours présenté et perçu comme un homme du collectif ?
Andoni Zubizarreta : Peut-être. Mais j'ai toujours agi ainsi. Quand tu es gardien de but, c'est quelque chose de normal. Marseille a battu Milan 1-0 à Munich et tout le monde parle de Basile Boli. Demandez aux non-supporters de l'OM qui était gardien ce jour-là et vous verrez. Au musée du Barça, on peut trouver le but de Koeman à Wembley (en finale de la C1 1992) mais pas tous mes arrêts. Rester en retrait, c'est un peu mon travail. Tu apparais seulement dans les grandes phrases ou les grandes photos quand tu te trompes comme moi face au Nigeria , Arconada au Parc des Princes, ou Mandanda l'autre jour. Il y a des moments où ce serait plus facile pour moi de parler avec quelqu'un, de sortir une interview pour dire que je ne suis pas d'accord avec ça. Mais je ne fonctionne pas comme ça.
Ce recul vous permet-il de mieux gérer les désaccords ?
Andoni Zubizarreta : Peut-être. D'abord parce que j'apprends de moi-même, sur ce que je suis capable de faire ou pas, ou de supporter dans le temps. J'apprends aussi de la relation avec les autres, comment je peux soutenir ma position devant eux.
Il faut laisser la partie personnelle à l'écart des discussions professionnelles. En football, un problème n'a pas une seule solution, on peut trouver différentes possibilités. Quand tu prends une décision, c'est pour la saison. Kostas Mitroglou va peut-être marquer le but vainqueur en finale de la coupe de France et devenir le nouveau Basile Boli pour les supporters. Mais on est en décembre, ce qu'on pense aujourd'hui ne durera pas toute la saison.
L'été dernier, vous avez proposé beaucoup de joueurs qui n'ont pas retenu l'attention du staff avant de choisir Mitroglou à la fin de l'été. N'est-ce pas décourageant tous ces "non" ?
Andoni Zubizarreta : Non, car ce n'est pas la première fois. Je laisse de côté l'Athletic Bilbao, un club spécial au niveau du recrutement. J'ai eu des débats similaires à Barcelone. Je pensais que des joueurs seraient intéressants pour l'équipe, l'entraîneur avait une autre idée, peut-être parce qu'il espère développer un petit jeune. On essaie toujours d'avancer pour prendre la bonne décision sans la pression de la dernière minute. Dans la vie, personne ne peut prendre une bonne décision dans ces conditions. C'est le plus difficile. On essaie de travailler en amont pour arriver à une décision plus tranquille, avec une perspective plus grande. On évoque toujours plusieurs possibilités ; à la fin, un seul joueur arrive. Il faut comprendre et apprendre de ce qui s'est passé pour nous aider à la prise de décision future.
Mitroglou est un achat de dernière minute...
Andoni Zubizarreta : Il arrive le dernier jour. Mais, pour moi, la question est autre : c'est un bon joueur, un bon buteur, il a la capacité pour jouer sous la pression d'un club comme l'OM. Il est un peu arrêté, mais ça ira.
Racontez-nous la manière dont ce dossier a été traité...
Andoni Zubizarreta : Avec Jacques-Henri et Rudi, on avait défini nos besoins. En janvier, on pensait déjà à l'été et à la continuité du projet. On avait listé les profils qui nous intéressaient : Mandanda, puis Rami, Luiz Gustavo. Et Valère Germain car on ne savait pas si Bafé Gomis restait ou pas. On a fait une offre à Bafé, on a discuté avec lui et son agent, ça nous a pris un peu de temps. À la fin, il a décidé de partir à Galatasaray. C'était son droit. On a alors réactivé les autres dossiers, on a discuté de différentes possibilités. On a trop longtemps attendu un joueur. Giroud ? Non. Bacca ? Non. Je ne vais pas dire son nom. Quelquefois, tu négocies avec un joueur, mais tu dois conserver les autres possibilités. Si ça marche, parfait ; mais si ça ne marche pas... On avait assez avancé sur le dossier de cet attaquant, on attendait et le nom de Mitroglou est alors apparu. Il voulait quitter Benfica. On a regardé si son profil correspondait à nos recherches et on l'a ajouté. Quand le dossier prioritaire s'est arrêté, on a réétudié son profil. Tout cela nous a menés à la dernière semaine du mercato. On était pressé même si on avait Clinton Njie et Valère Germain qui avait inscrit un hat-trick au premier match. Ça nous a mis la pression de prendre une décision dans les derniers jours, ce qui est un peu difficile comme je l'ai dit. Cette année, le marché a été particulier. Il a commencé à prendre de la vitesse en juillet ; les quinze derniers jours, c'était la folie. Normalement, quand tu arrives au dernier moment dans une boutique, il reste beaucoup moins de produits. Mais le dossier de Kostas figurait dans ceux étudiés lors des trois dernières semaines d'août.
Êtes-vous surpris par ses difficultés ?
Andoni Zubizarreta : Non parce que les buteurs ont un profil spécial. Ils dépendent des buts qu'il marque. Peut-être que si on refait le match, il marque à Rennes, nous qualifie et ça change quelque chose. Il a longtemps été à Benfica, une équipe assez spécifique dans un football dans lequel l'écart entre Benfica, le Sporting, Porto, Braga et les autres est assez grand. Il doit s'adapter à un nouveau pays, une nouvelle langue. L'adaptation n'est pas si facile. À mon arrivée en novembre 2016, personne ne disait que Bafé Gomis était le plus grand buteur de l'histoire du club. À la fin de la saison, ça a été différent.
Regrettez-vous de ne pas l'avoir conservé ?
Andoni Zubizarreta : Swansea nous l'avait prêté. On lui a fait une offre, on a discuté. On a fait une deuxième offre. Son agent m'a dit que Bafé préférait l'offre de Galatasaray.
Mitroglou peut-il partir cet hiver ?
Andoni Zubizarreta : Non, ce n'est pas du tout l'idée.
Et aussi...
LA FORMATION. "Durant les six premiers mois, j'ai essayé de comprendre comment cela fonctionnait, quels étaient les besoins, notamment matériels, pour la développer. On a investi sur les terrains, les vestiaires. Avec Jean-Luc Cassini (le responsable du centre), on a mis en place une méthodologie d'entraînement pour toutes les catégories. C'est la première fois que cela se fait à Marseille. Ce n'est pas la perfection mais on se développe. On travaille aussi avec un logiciel dans lequel on regroupe toutes les références des joueurs. C'est un peu plus simple que le "Cor" ("Connaissance, Organisation et Performance") de Barcelone, mais on commence à apprendre. Les entraîneurs passent de nouveaux diplômes, il y a maintenant un bon lien entre la réserve et l'équipe première. On va aussi voir jusqu'où on peut développer le projet OM Next Generation. Ça roule. On commence à prendre un peu de vitesse sur toutes ces questions."
L'ARBITRAGE. "Le plus important, à mes yeux, c'est de considérer que l'arbitrage fait partie du jeu. L'arbitre peut se tromper pour toi ou ton adversaire. Puis il faut parler pour essayer de hausser le niveau de l'arbitrage et l'aider. Mais ce type de discussions doit plus avoir lieu en privé que dans les médias. Jouer au football sans joueurs, c'est impossible ; c'est la même chose sans arbitre. J'arrive en France, je ne connais pas la culture ni la structure de ce foot-là. Je dois m'adapter et apprendre avant de faire partager mon expérience sur ces questions."
Par Alexandre Jacquin et Fabrice Lamperti