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Comment Andoni Zubizarreta prépare l'OM des prochaines années
Les derniers mois n'ont pas été de tout repos pour le Basque, qui se démène discrètement mais sûrement
Le monde du football est peuplé de dirigeants qui changent de discours en fonction de leurs interlocuteurs. Andoni Zubizarreta ne fait pas partie de ceux-là. Le Basque de 55 ans, arrivé à l'OM il y a quasiment un an jour pour jour, est un personnage que beaucoup considèrent comme droit. C'était déjà le cas en Espagne, lorsqu'il était directeur sportif de l'Athletic Bilbao (2001-04), puis de Barcelone (2010-15). Ça l'est encore aujourd'hui à Marseille.
Au moment de sa signature en France, à l'automne 2016, son numéro de téléphone a immédiatement été recherché par d'innombrables agents désireux de placer leurs poulains dans le fameux "Projet OM Champion". L'ex-gardien de laRoja a écouté les propositions, puis les a triées. Méthodiquement, poliment. Sans froisser personne.
Qu'ils soient de simples intermédiaires connus localement ou qu'ils aient pignon sur rue au niveau international, les conseillers avec lesquels "Zubi" échange ont tous droit au même traitement. "C'est un grand professionnel, un homme d'une grande discrétion et d'une grande éducation, souligne Stéphane Canard, qui gère les affaires d'Aymen Abdennour. Il est courtois et ponctuel dans ses rendez-vous."
Sous ses allures de colosse imperturbable, se cache néanmoins un homme d'une grande sensibilité. Artistique notamment. Grand amateur d'opéra, il est aussi féru de littérature. "On peut trouver un moment pour se poser, lire un livre, écouter de la musique, avec un bon verre de vin. Il y a un temps pour oublier le mercato", nous confiait-il au mois de février lors de sa première interview en France.
"Il doit quand même se dire : 'Qu'est-ce que c'est que ce job ?'"
Début septembre, à l'issue d'un marché estival des transferts particulièrement éprouvant, l'Ibère a ainsi pris quelques jours pour souffler. Il en avait bien besoin après avoir passé des heures et des heures à négocier. Souvent pour rien. "On sait très bien une chose : c'est surtout Rudi Garcia qui a eu le dernier mot sur le recrutement, indique un président de Ligue 1 qui a ses entrées dans la maison bleue et blanche. À Marseille, ce n'est pas comme au PSG, où Antero Henrique est le décisionnaire. Zubizarreta, c'est un brave mec, un bon gars, mais il doit quand même se dire : 'Qu'est-ce que c'est que ce job ?' L'OM travaille à la française, pas à la méthode des Espagnols, des Italiens ou des Allemands. Quand c'est l'entraîneur qui a la main sur le mercato, ce n'est pas bon : le jour où il n'est plus là, qu'est-ce qui se passe ? Garcia a une politique de court terme, il s'en fiche de jouer avec des trentenaires."
N'allez surtout pas croire, après avoir lu cela, que le rôle du directeur sportif olympien a été totalement réduit à néant par l'omniprésence de l'ex-coach de la Roma. Ce serait un raccourci erroné. Plusieurs de ses propositions (comme "Chicharito", Mariano Diaz, Carlos Vela ou Florian Lejeune) ont été retoquées par le système mis en place depuis un an à l'OM, où Jacques-Henri Eyraud, Andoni Zubizarreta et Rudi Garcia doivent tous les trois être d'accord sur le nom des renforts choisis. Certes. Mais l'influence de l'Espagnol a aussi été primordiale sur de nombreux dossiers.
Si Steve Mandanda est revenu au bercail après une saison à Crystal Palace, c'est d'ailleurs en grande partie grâce à l'abnégation du Basque. "Il a su se montrer patient et être incisif quand il le fallait, confirme l'agent du gardien désormais légendaire de l'OM. Je l'ai vraiment trouvé très bon. D'ailleurs, s'il ne l'avait pas été, il y aurait eu de grandes chances que ça ne se fasse pas. Il sait exactement ce qu'il veut. Après, il a les moyens ou non de le faire, mais il est très déterminé dans ce qu'il a en tête. Des centaines de gardiens de but lui ont été proposées, mais il voulait absolument faire revenir Steve : il savait pourquoi, il connaît le poste. Il n'a pas bougé d'un iota alors que plusieurs fois, ça a failli capoter. Il n'a pas bronché d'un centimètre. C'est quelqu'un de très humain. Il ne se met pas en avant."
"Il faut des travailleurs de l'ombre"
Chez Zubizarreta, sous contrat jusqu'en 2019, le collectif passe donc avant tout le reste. Les quelques incompréhensions de ces derniers mois en interne n'ont que peu d'importance face au challenge proposé par l'OM, où il reste un personnage clé, même s'il se fait discret dans la presse. "Il y a une forme d'équilibre qui s'est mise en place, constate Stéphane Canard. Il faut des travailleurs de l'ombre, Andoni en est sûrement un, mais il y a ombre et ombre... Qu'entend-on par là ? Doit-on donner du poids médiatique à celui qui vocifère pour un oui ou pour un non, ou à celui qui va au bout des dossiers, les prépare, les transmet, les valide ? Je préfère cette deuxième catégorie, et il en fait partie."
Et le conseiller d'Abdennour de poursuivre, au sujet de la méthode olympienne : "J'ai eu à la fois des échangesavec la direction sportive, l'entraîneur et le président. En fonction du degré d'intérêt pour un joueur ou un autre, la communication entre les trois circule. De la meilleure des façons, à mon avis. Nous avions aussi parlé d'autres joueurs, mais il faut qu'il y ait l'unanimité. On a tout intérêt, même si on a eu un premier contact avec Andoni, et même si lui a eu l'aval de sa présidence et de son coach, qu'il y ait quand même une discussion entre le joueur et l'entraîneur. Chaque cas est particulier. Mais pour Aymen, bien sûr qu'il y a eu des discussions avec Andoni, et aussi Rudi."
La formation, son cheval de bataille
Le travail de "Zubi" ne se limite évidemment pas au mercato. Depuis qu'il a débarqué dans la cité phocéenne, le Basque porte une attention toute particulière à la pouponnière olympienne. Il est d'ailleurs fréquent de le croiser aux côtés de son adjoint, Albert Valentin, sur les terrains où se produisent les équipes de jeunes du club. "Nous travaillons main dans la main, insiste Robert Nazaretian, vice-président de l'OM Association. Ils nous apportent leur expérience et nous, notre connaissance locale."
Au-delà de son apport dans le secteur pro, l'ancien international espagnol (126 sélections) a un objectif très clair à l'OM : laisser une trace de son passage. Histoire que tout ne soit pas à reconstruire le jour où il quittera ses fonctions. C'est ainsi qu'il met progressivement en place un système informatique où toutes les données sur les joueurs du club sont répertoriées. Il avait fait de même à la Masia, avec le logiciel nommé C.O.R. (Connaissance, Organisation, Rendement). "C'est l'endroit virtuel où sont regroupées toutes les informations, expliquait-il dans nos colonnes il y a quelques mois. Il y a également une partie sur la méthodologie de l'entraînement. Chaque fois qu'une nouvelle méthode a marché, on l'a ajoutée pour la partager.L'idée, c'est de tout mettre en commun. Comme ça, si tu pars, tout reste dans le club."
"Zubi" a aussi organisé la refonte de la cellule de recrutement, où de nouveaux collaborateurs sont arrivés (Georges Santos et Emmanuel Clément, alors que Sébastien Pérez dirige celle de la formation). L'Espagnol prépare d'ores et déjà l'OM des prochaines années. Avec ou sans lui, peu importe en fin de compte. Et c'est bien là où le changement est radical par rapport à nombre de ses prédécesseurs dans l'organigramme marseillais : lui a compris que l'institution phocéenne est bien plus forte que les hommes.