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[Entretien] Andoni Zubizarreta : « On oublie parfois le plus important dans le football »
Le directeur sportif de l'OM Andoni Zubizarreta dresse le bilan de ses six premiers mois à l'OM, de son acclimatation à son nouvel environnement au mercato d'hiver en passant par la question du gardien de but et de la prochaine étape du projet OM Champion qui s'écrira à partir du 1er juillet 2017.
En public comme en privé, Andoni Zubizarreta ne triche pas. Toujours souriant, disponible, avenant, et doté d'un sens de l'humour qui ne gâche rien, le Basque est ce qu'on appelle un « vrai gentil » comme on n'en croise de moins en moins dans le milieu du football professionnel.
Il faut dire que « Zubi » n'a plus rien à prouver. Son parcours et sa légende parlent pour lui. Gardien et capitaine emblématique du FC Barcelone puis de la Roja dans les années 90, celui qui était l'adepte du jogging, très prisé dans les buts à cette époque, a embrassé une carrière de directeur sportif au sein de son club de cœur, le Barça, où il a notamment fait venir Mascherano, Neymar ou Luis Suarez, pour ne citer qu'eux.
Dans les buts aussi, il a su gérer avec brio la succession de Victor Valdes, pur produit de la Masia, en recrutant Claudio Bravo (aujourd'hui à Manchester City), Marc Andre Ter Stegen (toujours en poste à Barcelone) et le jeune camerounais Andre Onana, aujourd'hui titulaire à l'Ajax d'Amsterdam.
A l'OM depuis fin octobre, le nouveau directeur sportif a pris ses marques. Le mercato d'hiver a été positif, l'heure est à présent venue d'attaquer celui, autrement plus important, de la prochaine intersaison. La direction a demandé à ce que le projet « OM Champion » soit avant tout jugé à l'issue de cette prochaine échéance. L'attente du peuple marseillais a beau être énorme, pas de quoi faire vaciller le solide Andoni, qui a pris le temps de répondre sur chaque thématique, le tout dans un français déjà impeccable.
Andoni Zubizarreta, quel bilan faites vous de cette nouvelle aventure à l'OM sur le plan personnel et professionnel ?
Sur le plan personnel, je me sens bien à Marseille. On m'avait dit que c'était une ville assez compliquée avec des trafics diaboliques et des situations peu communes. Mais ce n'est pas ce que je vois, peut-être parce que je pars de mon appartement à 8h du matin et que j'y reviens à 20h le soir. Vraiment, j'aime la ville, je sens qu'elle a sa personnalité, ses particularités. On me dit toujours que toutes les villes se ressemblent en Europe, avec les mêmes structures, les mêmes boutiques, les mêmes vitrines. A Marseille, il faut prendre le temps de découvrir, il faut marcher beaucoup pour bien la connaître. Au niveau professionnel, je pense avoir mieux compris ce que représente l'OM. Son histoire, ses besoins, l'attente, pas seulement des supporters marseillais ou de la ville mais de tout le football français.
Quelle est votre mission depuis la fin du mercato hivernal ?
C'est une grosse responsabilité. Je sens qu'on est entrain de franchir une nouvelle étape. On a quand même fait un mercato d'hiver intéressant, on va voir jusqu'où il va nous mener à la fin du championnat. Quand je suis arrivé au mois de novembre, l'idée n'était vraiment pas d'arriver jusqu'aux places européennes, mais je sais qu'à Marseille on ne peut pas dire ça. Il faut toujours soutenir l'idée que tu veux arriver le plus haut possible. La Ligue Europe est une compétition qui t'offre de l'exposition mais elle pose aussi des problèmes en terme d'organisation... Je travaille toujours dans le présent, mais je dois aussi organiser le futur proche, qui concerne le mercato d'été et le futur plus lointain avec la formation... Les trois différents points de vue dans la même tête ne sont pas toujours évidents à gérer, mais c'est mon travail ! Et c'est intéressant.
Tout dépend aussi du rang de l'OM, s'il est qualifié directement en phase de poules ou pas...
Exactement. C'est une bonne nouvelle, mais ensuite ça pose beaucoup de questions de structure et d'organisation. Quand tu parles avec les clubs qui ont joué le tour préliminaire qualificatif pour la Ligue Europe, tu vois que ce n'est pas toujours facile. J'ai beaucoup d'amis à Bilbao, qui s'est retrouvé dans cette situation. Ça donne un visibilité européenne, ça leur a notamment permis de jouer contre Marseille, mais ça a demandé une planification différente. Mais je ne cherche pas d'excuse, globalement ce serait positif ! Quand je suis arrivé, l'OM était 13e, on est monté jusqu'à la 5e position, ça veut dire que ça a bien marché quand même.
Vous étiez à Barcelone la semaine dernière avec le président Eyraud. Qu'est ce qui l'a le plus marqué ?
On avait parlé au sein du comité exécutif de la possibilité de connaître ce qu'on pourrait appeler la « face cachée » du Barça. Ça a bien marché, le président a beaucoup apprécié de pouvoir échanger dans tous les domaines et écouter les positions de chacun en terme de marketing
de communication, ou sur la partie sportive, de voir comment tout le club est structuré, dans quel projet il est entrain de travailler. On a aussi vu dans quelle mesure on pouvait partager nos expériences. Même entre un grand club et un plus petit il y a quand même des similitudes. Le but était de faire connaissance. On a visité aussi le centre sportif, on a vu les idées qui sont actuellement mises en place comme le « Masia 360 » qui peut aussi être utile pour nous en terme de formation même si c’est un projet qui a mis 30 ans à se mettre en place. On a toujours des questions, et des idées qu’on peut importer chez nous. On a fini par le match contre le FC Séville qui était très intéressant aussi.
Qu’est ce que votre poste de directeur sportif à Barcelone vous a appris ? Avez-vous fait des erreurs qui vous servent aujourd’hui ?
On fait toujours des erreurs. Parfois même tu vas faire tellement attention sur certains aspects que tu feras des erreurs sur d’autres. C’est la vie. Barcelone, c’est un club avec 100 millions d’abonnés sur Facebook, un budget de plusieurs centaines de millions d’euros, un marketing spectaculaire, des droits télé conséquents. Mais tout ça part du terrain de football. Tout se tient et on l’a vu la semaine dernière, mais à la fin, tu retrouves 80 000 spectateurs au bord du terrain. Les premières 45 minutes ont été magnifiques, avec un jeu spectaculaire, une idée de jouer au foot différente, et c’est vrai aussi des joueurs qui ne rentrent pas vraiment dans notre projet. Si Messi veut venir jouer avec nous, ce serait très bien, mais on n’est pas dans cette idée là... On oublie parfois le plus important dans le football, mais même un grand club comme le Barça se juge à la fin de ces 90 minutes. On parle beaucoup de ce qu’on a dit après en conférence de presse, d’un joueur qui n’a pas joué ou je ne sais quoi encore. Mais le principal, il se joue sur le terrain. C’est aussi notre but ici, à notre niveau. Si le Barça peut sortir 50 joueurs, nous on va peut-être en sortir 10, mais on veut bien le faire. Après on verra si on est capable de faire plus. C’est ce qui est essentiel, de ne jamais oublier le jeu. Le Barça est un club qui est toujours parti du jeu, des systèmes de jeu, et de la formation de ses joueurs, pour grandir. Quand je vois un joueur comme Ben Arfa, je vois le football, et pour moi c’est le plus important. Je pense que c’est une bonne idée de partir de la pelouse non ?
Dans quelle mesure le Barça peut vous inspirer pour le projet marseillais ?
Ce serait une erreur de prendre le modèle et de vouloir le retranscrire à Marseille. C’est une société, un pays, une culture différente. Il n’y a que la Méditerranée qui nous rassemble. Tu peux prendre des idées et les apporter. Mais pour moi,la priorité est d’abord de comprendre ce qu’est l’OM, à Marseille, et en France. Quand tu comprends ça, tu peux commencer à t’inspirer de ce qui peut venir d’ailleurs. Ce serait une erreur de dire aux supporters qu’on va copier ce qui se fait à Barcelone, qu’on va apporter la Masia ici dans un projet de football formateur. La première Masia qui a été fondée il y a 35 ans environ (depuis 1979). Ça veut dire qu’il faut beaucoup de temps. Tu apprends, tu fais des erreurs, tu tombes, tu changes, tu essaies des choses. Avant c’était uniquement pour les joueurs catalans.
Quand un joueur était à 50 kilomètres de Barcelone, on avait pas les outils de communication d’aujourd’hui, et la Masia permettait de t’entraîner sans retourner à la maison. Guardiola est de SantPedor, à une heure en voiture. L’idée, c’était qu’il ne fasse pas les aller-retours tous les jours. Ça a beaucoup changé depuis, à nous de profiter de leur expérience, de partager la nôtre et de prendre ce qui nous intéresse. Barcelone a une très grosse expérience, une grosse culture de développement des joueurs locaux. Mercredi contre Séville, Carles Aleña n’est rentré que pour les 10 dernières minutes, mais il a été très applaudi parce qu’il représente la continuité dans le projet du Barça. Nous n’avons pas cette ligne directrice dans notre histoire. On peut l’entamer, le développer mais on n’en tirera les fruits peut-être que dans 100 ans. On va essayer de bien le faire mais il nous faudra de la patience.
Avec le recul, comment jugez-vous le mercato hivernal de l’OM ?
C’est curieux parce qu’on peut penser que notre mercato a été le fruit d’une étude qui nous a poussé à ne prendre que des joueurs français pour des raisons d’adaptation. Mais ce n’était pas vraiment ce que nous avions comme idée au départ. On a fait une liste de différents profils expérimentés, des habitués du haut-niveau comme Patrice Evra, ou Dimitri Payet, des joueurs qui connaissent bien la Ligue 1, comme Grégory Sertic. Pour la plupart des clubs, le mercato d’hiver sert plus à faire des ajustements, même si tu peux toujours trouver une pépite. L’été tu peux mieux travailler, le championnat débute en août, ça te donne plus de temps d’adaptation au joueur. En hiver, si tu prends un joueur le 4 janvier, il faut qu’il puisse jouer le 5 et être bon tout de suite.
C’est un élément important et ça change beaucoup la capacité de progression de l’équipe. Pour Rudi (Garcia), les recrues hivernales lui offrent des possibilités tactiques un peu différentes. Je pense que ça a été un bon mercato.
Quelle est la recrue dont vous êtes le plus fier ? Votre coup de cœur ?
Chaque joueur a son histoire. Avec Sanson c’est un travail sur le présent et aussi le long terme. Sertic a eu la possibilité de partir de Bordeaux, un club où il a joué durant toute sa carrière, c’est une caractéristique différente, comme pour Evra. C’est celui avec qui on a le plus échangé. Sa première question a été : Tu pars de Barcelone, pourquoi venir à Marseille ? Ça a été une discussion de plus de deux heures et demi avec pizzas... On a parlé de l’OM mais aussi de foot en général, des idées de jeu. Je peux comprendre ces interrogations de la part d’un joueur qui a déjà une grosse expérience. Je me sens assez proche d’un joueur comme lui. Pour Dimitri, la première fois que le président m’a appelé pour me dire qu’on pouvait travailler sur le dossier, je lui ai dit : « Bon, je commence pour l’été », et lui me répond : « Non, c’est pour cet hiver ».
Parce qu’en hiver, en général, il n’y a pas de gros noms qui changent de club. Des joueurs peuvent partir de France pour l’Angleterre, mais l’inverse est plus compliqué. Ça s’est bien fini. Chacun a son histoire, pour moi il n’y a pas de préférence. Ils sont tous arrivés pour nous aider.
Quel est votre regard sur les performances de Dimitri Payet ?
Je le trouve de mieux en mieux. Il a été presque arrêté pendant un mois, il a dû revenir en meilleure condition. Il a fallu aussi se réadapter au foot français même s’il n’était pas en Angleterre depuis très longtemps, c’est un football un peu différent. Il est entrain de prendre ses responsabilités aussi dans l’équipe. Dans les coup-francs, les coups de pieds arrêtés mais aussi dans le jeu. Il comprend que pour nous c’est très important, car il a un jeu dynamique, vertical. Les joueurs sont entrain de mieux le connaître aussi dans le jeu avec la ligne du milieu qui est aussi capable de se projeter et d’apporter le danger dans les 30 dernières mètres. L’idée n’est pas de laisser toutes les responsabilités à Dimitri, de dire, c’est lui qui va tout faire dans l’équipe. Le foot, c’est le travail de tout le monde.
Avez-vous discuté avec Rudi Garcia du fait qu’avant que Payet parte de Marseille, il avait été exclusivement replacé en n°10, un poste qui n’existe pas dans son système de jeu ?
Non, car avant cela, l’idée générale c’est d’avoir une attaque dynamique, pas spécifique à des positions. On veut trouver une animation plus complexe, avec plusieurs possibilités. L’incorporation de Sanson par exemple nous donne un profil au milieu, un peu anglais, «box to box», capable de travailler dans la finalisation du jeu. Le football tout en contrôle de Maxime Lopez, le côté très offensif de Thauvin mais aussi l’incorporation de Sakai... C’est un peu plus complexe que ça. Et Payet aussi, voit sa position évoluer selon les situations, si le latéral attaque plus en face ou pas. Il comprend bien le jeu, où il doit jouer selon chaque situation.
Ça lui arrive d’ailleurs souvent de repiquer dans l’axe, ce qui lui permet d’’avoir plus d’influence dans le jeu...
Il prend toujours ses responsabilités, et apporte avec sa qualité de tir, de passes de façon assez magnifique. A chaque fois qu’il arrive dans les 25 dernières mètres, il a une puissance de tir très intéressante, mais aussi de dernière passe, sa vision de jeu.
Au sujet de votre poste de prédilection, comment analysez-vous la saison de Yohann Pelé?
Je dois vous avouer que je le connaissais très peu avant mon arrivée. D’après moi, il fait une très bonne saison en réalisant de nombreux arrêts décisifs. Je ne parle pas que de celui de Lille mais aussi d’autres en début de partie qui nous ont maintenu dans le match. Derrière tu gagnes 2 ou 3-0 et ces arrêts là, on les oublie. Il est régulier et nous apporte beaucoup. De plus, il a une très bonne connexion avec ses défenseurs, il a un bon jeu au pied et travaille énormément à l’entraînement.
C’est un miracle qu’il puisse rejouer après avoir contracté une embolie pulmonaire en 2010...
Je sais qu’il revient de très loin. Rudi, qui le connaissait bien, m’en a parlé. C’est énorme qu’il soit revenu au top . Quand un sportif de haut-niveau a un problème de santé de ce type, il faut déjà te soigner, et récupérer ta condition physique, puis revenir pour prétendre au plus haut niveau. Ce n’est pas facile. En plus dans la position du gardien, où le mental joue beaucoup. Quand tu es arrêté longtemps, ça tourne beaucoup dans la tête, tu réfléchis même trop. Lui a su gérer tout ça, et quand tu le vois maintenant, tu ne peux pas deviner qu’il a eu des soucis comme ça...
Vous discutez avec lui de son avenir en vue de la saison prochaine ?
Nous sommes entrain de discuter. Le poste de gardien est assez particulier. On dit toujours que tous les postes doivent être doublés pour anticiper tous les matchs d'une saison, mais pour les gardiens de but, il faut penser différemment, entre le n°1 et le n°2. Tu dois toujours avoir la possibilité d'avoir un bon n°2, qui te donne la sécurité au moment où tu en auras besoin. Il doit se sentir important alors qu'il passe beaucoup de temps sur le banc, c'est une question d'équilibre qui est difficile à trouver. Mais j'ai l'impression que ça évolue. De mon temps, il y avait le gardien titulaire, et le remplaçant ne jouait presque jamais. Maintenant, il y a tellement de compétitions que j'ai l'impression que les deux gardiens peuvent se partager plus de minutes. Mais c'est toujours une discussion un peu particulière. On est entrain de parler de tout ça.
Dans le contexte marseillais, le gardien n°1 de l'OM doit-il être confirmé ou un espoir?
Ça dépend de la structure de ta défense, de ton jeu défensif, de l'équilibre, il n'y a pas de formule unique. Quand j'étais au Barça, on a fait le choix de ne pas en faire : on a pris un jeune, Andre Ter Stegen, et un confirmé, Claudio Bravo. Mais tu peux aussi avoir des jeunes gardiens qui jouent comme s'ils avaient 10 saisons derrière eux. Chaque situation est particulière pour chaque joueur, et aussi selon l'équipe dans laquelle tu te trouves. Si tu décides de changer toute ta ligne défensive et d'y mettre que des jeunes, c'est mieux d'avoir un gardien plus âgé, et inversement. Certains pensent que la jeunesse dans les buts constitue un risque. C'est une théorie, mais c'est faux car c'est justement le meilleur moyen de prendre de l'expérience. Si tu ne joues pas, tu resteras un jeune espoir, même à 30 ans. Il y a un moment, où il faut dire : « C'est bon, on part avec toi, on te fait confiance et on va voir ce que ça donne ».
Les Russes disent que la jeunesse est un défaut qui passe avec le temps...
(Sourire) C'est toute la complexité du poste de gardien. Un joueur de champ, tu peux le garder sur le banc, le faire jouer les 20 dernières minutes comme ce fût le cas pour Carles Aleña l'autre jour. Il a fait le dernier quart d'heure, face à une équipe de qualité, globalement c'est positif pour sa progression. Pour un gardien, c'est impossible. En tout cas je n'ai jamais vu un entraîneur faire ça ! Même si tu gagnes 5-0. Mais les gardiens connaissent ça, ils savent depuis qu'ils sont gamins que c'est une position particulière, ça s'en ressent aussi dans notre personnalité, notre mentalité.
Que pouvez-vous dire des rumeurs qui envoient Casillas ou Mandanda à l'OM ?
Je sens qu'après notre visite au Barça, il va y en avoir encore un peu plus ! Je ne fais pas de commentaire sur les joueurs sous contrat ailleurs. Si je dis non sur un nom, un autre nom va sortir. Vous savez mieux que moi comment cela se passe sur Internet, avec les réseaux sociaux...
On nous reprocherait de ne pas vous poser la question...
Je comprends, et ce serait même peut-être plus facile pour moi de dire, « lui non, lui oui... ». Mais on n'en finirait pas. J'ai même des appels d'agents qui me disent « j'ai lu dans la presse que mon joueur est dans ta liste... ». C'est difficile parfois de répondre, car parfois ce sont des joueurs très intéressants. C'est difficile de dire : « Non, ton joueur ne m'intéresse pas. Je préfère écouter, lire et travailler dans l'ombre ».
Que pensez-vous du potentiel d'un jeune gardien comme le Toulousain Alban Lafont ?
On parlait d'erreurs tout à l'heure... J'ai appris dans ma carrière que quelque fois, on peut être trop enthousiaste sur un mercato. C'est un bon gardien, vraiment, quand il est sur le terrain, on ne voit pas qu'il est si jeune. On le sent quand un gardien affiche de la sérénité, de la sûreté. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il faut parfois rester dans le présent. Quand Gianluigi Donnaruma a commencé au Milan AC, on a dit qu'il n'était que de passage, que ça n'allait pas durer. Après deux saisons, on sent maintenant qu'il est là pour un bout de temps ! S'il reste aussi longtemps que Buffon à la Juve, il va y rester au moins 25 ans ! C'est difficile pour moi de faire une prévision du futur, mais quand quelqu'un commence à jouer en première division à 17 ans, à être titulaire, ça veut dire quelque chose. Après de dire s'il va continuer à progresser, s'il va entrer en équipe nationale ou non, c'est trop difficile à dire...
En tout cas le recrutement du futur gardien de l'OM doit vous tenir particulièrement à cœur ?
Non, pas plus que ça. Disons, que ce soit le gardien de but, l'attaquant ou l'ailier gauche, pour moi c'est pareil, j'y dédie la même énergie, avec l'idée de construire la meilleure équipe possible. Pourquoi je m'intéresserais plus au futur gardien de but qu'à l'attaquant ou à un défenseur ?
Au niveau du travail, c'est la même chose. Peut-être dans la connaissance du jeu, de la position, je peux comprendre un peu mieux ce qui entoure le poste de gardien. Mais pas plus que ça. Dans la cellule de scouting, on attend un peu plus de moi en ce qui concerne les gardiens, c'est sûr. On a plutôt tendance à me demander mon avis. Mais quelque fois, je leur dis qu'un nouveau regard peut aussi être intéressant. Mon regard sera assez travaillé, sur des points très précis, et il peut parfois laisser passer un élément criant qu'un autre aura décelé avant moi.
Le président Eyraud a déclaré que la nouvelle direction voulait être jugée sur le mercato à venir. Ressentez-vous cette pression, cette attente de la part du public ?
Non, l'idée c'est de faire du bon travail, de trouver les bons joueurs au vu de nos possibilités. Il y aura peut-être des déceptions, on ne trouvera peut-être notre bonheur qu'au 2e ou au 3e choix, ça a été le cas parfois à Barcelone aussi... Le problème de mon travail c'est qu'on fait toujours l'analyse avant. S'il arrive un joueur, connu ou pas, les observateurs et supporters diront dès le 1er août s'il est bon ou pas alors qu'il faudrait sans doute attendre en novembre pour tirer un premier bilan. C'est mon travail, j'ai l'habitude. Il y a parfois aussi des recrues qui se développent un peu plus tard, d'autres qui s'adaptent très vite. A ma place, il faut prendre un peu de distance par rapport à cette pression. La première chose c'est de réfléchir à ce qui est possible de faire, de comprendre ce qu'est le milieu du foot, de prendre un peu de distance et aussi de laisser au joueur le temps de se développer. Ma vraie pression, c'est ça. Dans le scouting, on dit toujours qu'on travaille un peu comme dans le monde de la mode, il faut toujours anticiper et préparer la nouvelle collection.
Est ce que le chantier le plus difficile ne sera pas de dégraisser ?
Il faudra tout faire. Un travail avec toute l'équipe dirigeante pour cibler les positions que l'on doit absolument renforcer, voir avec quels joueurs et quels agents ont peut discuter, et comment on peut le faire sans changer la stabilité du vestiaire aujourd'hui alors qu'on arrive dans la partie finale de la compétition.
Savez-vous déjà combien de joueurs vous désirez garder pour la saison prochaine ?
Non. Ce que l'on sait c'est qu'il n'y aura pas de compétition internationale majeur même s'il y a la coupe du Monde U20 et en Europe aussi. Il y aura quand même un rassemblement en équipe nationale au milieu du mois de juin et la question de la prés-saison à gérer si on se qualifie en Ligue Europe. On verra comment on va organiser le travail.