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Depuis une semaine, les bureaux de verre de beIN Sports Espagne, à Barcelone, sont habités par la tristesse. Dirigeants et journalistes sont peinés car ils viennent de perdre l'un des leurs : Andoni Zubizarreta, consultant vedette de la chaîne qatarie avec Jorge Valdano, a décidé de les quitter pour relever le challenge proposé par l'OM et retrouver le costume qui lui sied le mieux, celui de directeur sportif. Il n'avait pas encore quitté officiellement la Diagonal, à deux pas de la Plaça de les Glòries Catalanes, que tous regrettaient déjà son expertise, son implication et sa gentillesse. Son apparence froide de prime abord avait rapidement laissé apparaître une simplicité authentique doublée d'un grand professionnalisme.
Zubizarreta : "Je commence à apprendre à être un Marseillais"
Appelé à commenter les rencontres de Ligue des champions aux côtés de Miguel Ángel Román, il effectuait les déplacements avec ses nouveaux partenaires de jeu. Sans aucune exigence. Sans le moindre passe-droit. Et, surtout, il ne laissait rien au hasard, voulait connaître plusieurs jours à l'avance les affiches qu'il allait couvrir afin de les potasser et d'être incollable. Ainsi, pour Dinamo Zagreb - FC Séville, qui allait être son ultime intervention, il avait englouti plusieurs matches des Croates. Et, au moment de prendre l'antenne, il s'était pointé avec quantité de fiches et de notes. Fidèle à ses habitudes.
Angloma : "C'était un meneur"
Tout au long de son parcours, Zubizarreta a également connu quelques couacs. Notamment à Barcelone avec une série de transferts ratés (Affelay, Douglas, Song ou Vermaelen). Mais ils n'ont pas terni son image, celle d'un homme loyal et travailleur. "Il est très intègre, révèle Laurent Colette, ancien directeur marketing et commercial du Barça. C'est un homme de club et de principes. Ce n'est pas un fanfaron qui dit blanc un jour et rouge le lendemain. J'ai toujours apprécié sa cohérence. Il a des valeurs et croit en sa méthodologie."
Jocelyn Angloma l'a côtoyé pendant une saison à Valence. C'était en 1997-98, le dernier tour de piste du gardien, à près de 37 ans. "Dans sa tête, il savait que c'était la fin, mais il continuait d'être performant et de bosser pour s'améliorer, confie l'ancien Olympien qui appréciait qu'il essaie de lui parler en français. À l'entraînement, il poussait les autres. Et il poussait des coups de gueule s'il prenait un but. Sans se mettre en avant ni trop parler, c'était un meneur. On ne pouvait que lui faire confiance." Son passé d'immense joueur au palmarès aussi long que ses bras plaide autant en sa faveur que son CV de dirigeant. "Il a marqué l'Espagne et est très apprécié du public, rappelle Angloma. Quand on parle de lui, on se rappelle de la fameuse équipe du Barça avec Romario ou Stoichkov qui a presque révolutionné le foot." "Zubi" n'en a jamais joué, même s'il ne rechigne pas à distiller quelques anecdotes sur sa riche carrière. Mais toujours de façon discrète, sans fanfaronner.
Zubizarreta : "Je vois le football comme Rudi Garcia"
Devenu dirigeant en 2001, trois ans après avoir raccroché les gants, le natif de Vitoria a regagné son pays basque natal pour devenir directeur sportif de l'Athletic Bilbao. Trois années durant, il oeuvre surtout à la formation, socle de l'atypique modèle bilbaino. L'encadrement du développement des jeunes talents a aussi été l'une de ses spécialités au Barça. "Nous n'oublierons jamais son sérieux et son professionnalisme. Il a toujours oeuvré avec rigueur, en ayant une vision à long terme", confie un membre de la Masia, la célèbre pouponnière blaugrana.
Une description confirmée par l'ancien responsable marketing du club catalan. "Il allait souvent voir les jeunes et avait un regard important sur le centre de formation, où son bureau était basé, se souvient celui qui occupe aujourd'hui le même poste à l'AS Rome. Il a impulsé le développement d'une sorte de bibliothèque de la méthodologie du Barça. Il a toujours développé l'idée d'un style, qui aille de l'équipe A jusqu'aux plus jeunes catégories. Il a voulu le documenter afin qu'il y ait une empreinte, que les enfants d'une dizaine d'années bénéficient déjà d'un entraînement de type Barça. C'est un pionnier sur ce thème. Il ne voulait pas que les entraîneurs passent et qu'on oublie tout ce qu'ils ont fait une fois qu'ils n'étaient plus là..."
Tout planifier, voilà l'une des caractéristiques du nouveau dirigeant de l'OM. "Il aime voir arriver les choses, poursuit Colette. Il est toujours concentré sur les objectifs qu'on lui donne. Pour un directeur sportif, il y a des moments plus difficiles que d'autres, notamment dans la période des transferts. Les plans A ne sont toujours réalisables, il y a donc les plans B, C, D. Il est conscient de cela et offre toujours une image apaisée vis-à-vis de la presse et de son entourage. Il ne cède pas à la panique."
Un grand amateur de littérature
Un agent ayant discuté avec lui confirme : "Je l'ai eu à de nombreuses reprises au téléphone pour l'un de mes joueurs. Il connaissait ses qualités et ses défauts. Il ne l'a pas pris car il s'interrogeait sur son aptitude à répéter les efforts. Rares sont les directeurs sportifs à mettre le doigt sur ce genre de chose. Quand tu lui laisses un message, il rappelle toujours, alors que des directeurs sportifs de National ne décrochent pas. Zubizarreta, c'est un Monsieur, c'est la classe."
L'Ibère est un homme aussi courtois que réservé. "Ce n'est pas un comique troupier, mais ce n'est pas ce qu'on lui demande", glisse l'un de ses anciens collaborateurs.
OM : Andoni Zubizaretta, "un Basque à Marseille"
Il est par ailleurs un grand amateur de littérature. "Quand on voyageait pour les matches, on avait tendance à plaisanter dans l'avion, se rappelle Colette. Lui était dans son coin, tranquille, avec un livre. C'est un fan de lecture. Mais pas des romans de gare, il aime les essais de bonne facture. Parfois, lorsqu'il veut émettre un jugement, il utilise des citations d'une chanson ou d'un écrivain."
Si "Zubi" ne se livre pas au premier venu, il sait aussi travailler en équipe, tout en gardant la tête froide lorsque la pression est forte. Un profil idéal à Marseille.