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Didier Poulmaire, maître en bonnes affaires
L'ancien avocat de Laure Manaudou ou Yoann Gourcuff est désormais très actif dans la vente de clubs. Après avoir conseillé Frank McCourt pour l'achat de l'OM, le voilà impliqué dans l'arrivée d'un nouvel investisseur au RCT.
Le soir du 14 août 2016, Didier Poulmaire, l'avocat du richissime homme d'affaires américain Frank McCourt, était un anonyme dans la foule du Stade-Vélodrome. Un père venu assister avec l'un de ses fils au premier match de l'OM de la saison à domicile, contre Toulouse (0-0). Mais si ses voisins du virage Nord avaient eu l'idée de s'intéresser un moment à ce quadra élancé et tenté en douce d'écouter ses conversations téléphoniques, ils auraient été surpris. Ce jour-là, Poulmaire était en train de finaliser la vente de leur club, officialisée deux semaines plus tard par la propriétaire de l'OM, Margarita Louis-Dreyfus. Un coup magnifique, qui signait l'entrée sonore de l'ancien conseiller de sportifs célèbres, comme Yoann Gourcuff et Laure Manaudou, dans un domaine qu'il défrichait discrètement depuis quelques années, la vente de clubs.
Pour un avocat formé aux subtilités des fusions et acquisitions, il y a une forme de logique à se retrouver dans ce genre de dossiers. Mais vu son ancien rôle de conseiller en image, la révélation de son activité autour de la vente de l'OM, quelques mois avant la cession, avait pu susciter quelques doutes. L'ancien sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech, avait par exemple évoqué une «intox» sur un plateau télé : «Il s'est fait un coup de promo en inventant un truc. Il aime bien ça.» «Il aurait pu se renseigner», glisse suavement Poulmaire en évoquant l'épisode, assis sur la terrasse gazonnée de son cabinet, à quelques pas des Champs-Élysées.
Même si l'avocat a beaucoup travaillé à faire fructifier l'image des sportifs (Manaudou, Gourcuff, mais aussi Gaël Monfils ou Amélie Mauresmo), il ne s'est jamais limité à cette seule activité. «S'occuper des athlètes, ce n'était pas ce qu'on faisait le plus, mais c'était ce qu'il y avait de plus visible», explique Poulmaire, qui était par exemple intervenu sur le contrat de création de l'écurie ART, en GP2, en 2005, ou le rachat d'une écurie de GP2 par le pilote portugais Tiago Monteiro en 2008.
L'avocat a commencé à s'intéresser au financement des clubs il y a un peu moins de dix ans. «C'est quelqu'un d'extrêmement intelligent et toujours curieux des changements dans l'univers du sport, décrypte Virgile Caillet, vice-président de Sporsora, un groupement d'intérêt d'acteurs de l'industrie du sport. C'est pour ça que je ne suis pas étonné de le voir sur ces sujets-là. Il a parfaitement compris qu'avec l'évolution des modèles économiques des clubs et l'intérêt d'investisseurs étrangers, il y avait de nouvelles opportunités.» «En France, tous les clubs sont plus ou moins à vendre», ironise Luc Dayan, l'ancien président de Lille, qui a donné quelques conseils à Poulmaire, notamment quand l'avocat s'est occupé, sans succès, du dossier de la vente d'Arles-Avignon.
«Grand séducteur dans les affaires», selon l'un de ses anciens associés, l'agent de joueurs Anthony Costard, l'avocat travaille en ce moment sur plusieurs projets de vente, en foot et en rugby. Et pour le Rugby Club Toulonnais, sur l'arrivée d'un nouvel investisseur, l'homme d'affaires Bernard Lemaître, aux côtés de Mourad Boudjellal. Mais vu les règles de confidentialité de ce genre d'opérations, Poulmaire se garde prudemment de donner des détails : «On est sur quelques beaux dossiers, dont on a envie qu'ils aboutissent.» Si possible en vue d'un mariage à long terme : «Trouver quelqu'un qui veut acheter et quelqu'un qui veut vendre, c'est facile. Ça s'appelle être courtier. Nous, on n'est pas courtier. Ce qui nous intéresse, c'est la pérennité des histoires, des clubs.»
Des précautions qui n'ont pas empêché Poulmaire de se trouver un moment embarqué avec un personnage fuyant, le mystérieux homme d'affaires omano-ivoirien Charles-Kader Gooré, tout proche de reprendre le RC Lens il y a deux ans. «Je lui avais dit notamment que [...], s'il avait des associés, je voulais les voir. À chaque fois, ça m'a été refusé. Une fois, lors d'un rendez-vous à l'hôtel George V, il m'a dit qu'ils étaient dans leurs chambres. J'ai demandé qu'ils descendent, pour les voir. Ils ne sont jamais descendus et j'ai trouvé ça très bizarre », avait raconté Poulmaire à France 3.
L'avocat, qui avait fait jouer son droit de réserve, avant que Tracfin, l'organisme de lutte contre les circuits financiers clandestins, ne stoppe la vente, ne donnera pas plus de détails sur cette affaire que sur celles en cours : «Je suis soumis au secret sur ce dossier-là.»
Maître Poulmaire, qui s'est aussi retiré de la vente d'un «club anglais de taille moyenne» en cours de route («Je n'ai pas senti les choses et je suis sorti») est conscient que le besoin de financement des clubs peut parfois pousser à des rapprochements périlleux : «Il y a des choses caricaturales et des choses plus subtiles. Il y a une bulle spéculative liée aux transferts de joueurs, qui amène des entités ou des personnes dont on n'est pas certains qu'ils viennent pour investir durablement.»
Même si le cabinet Poulmaire continue d'entretenir une activité autour du sponsoring de personnalités, aujourd'hui l'avocat ne s'occupe plus d'athlètes. Il assure d'ailleurs qu'il ne le refera plus, quand bien même il croiserait la route d'une nouvelle Laure Manaudou (dont il a des nouvelles aujourd'hui... via Philippe Lucas, son ancien entraîneur) : «Comme je fais du triathlon (au Stade Français), oui ça peut m'intéresser pour m'entraîner, plaisante-t-il. Mais je ne le ferai plus à titre personnel. Je veux garder cette indépendance et m'adresser aux clubs sans représenter en même temps des athlètes.» Pour la même raison, l'avocat explique ne jouer aucun rôle à l'OM, malgré sa proximité avec Frank McCourt, à qui il a soufflé l'idée de l' «OM champions project».
On imagine Poulmaire squatter les loges de stade pour y nouer des relations d'affaires, mais c'est tout le contraire. «Je ne passe pas ma vie à l'OM ou au RCT, raconte-t-il. On me demande même au contraire parfois de ne pas trop me montrer.» Histoire de ne pas éveiller les soupçons sur l'éventualité d'une vente. «C'est peut-être l'âge, mais je suis plus excité par ce que je fais sur le plan professionnel que par le sport lui-même», confie l'avocat, qui a gardé un filet d'accent du Sud de son adolescence avignonnaise.
Celui-ci est en revanche très présent dans les institutions qui gravitent autour du sport. Il a été particulièrement zélé dans la conférence sur le sport professionnel français, dont le rapport a débouché en 2017 sur la loi Braillard, qui comportait plusieurs mesures facilitant l'arrivée d'investisseurs dans les clubs. Il s'occupe aussi des relations institutionnelles de Sporsora et a créé récemment un think tank, le Sport executive club, qui tiendra sa première session le 28 mai dans les salons du Stade de France, en marge du match de football amical France-Irlande. Un activisme qui ne doit pas desservir les affaires de Poulmaire, par ailleurs arbitre au Tribunal arbitral du sport : «Je crois que je ne travaille avec aucun des membres du conseil d'administration de Sporsora, je ne vends pas ma soupe», se défend l'avocat, qui veut peser pour faire évoluer le modèle du sport français : «J'ai dit, une fois, qu'on pouvait rattraper la Premier League et ça m'avait valu les moqueries d'un de vos collègues. Mais je le pense toujours.» Il faudra sans doute trouver pas mal d'autres investisseurs comme Frank McCourt pour réaliser ce prodige, mais on ne demande qu'à y croire.