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Soirée mousse dans les douches du vestiaire. À Saint-Denis, le Stade Français vient d'être sacré champion de France 2015 de rugby, alors on attrape son « P'tit marseillais », on le secoue façon Veuve Clicquot et on se vautre dans la mousse. Même le Brennus en est couvert. Surtout le Brennus. Cette année-là, c'était « la bande à Burban » mais, tous les ans au mois de juin, c'est le même rituel, le « bout de bois » se fait doucher le cuivre au milieu des joueurs trempés. « Et sans slip ! », sourit Pierre Rabadan, un des champions 2015. Si l'ancien deuxième-ligne international parisien précise, c'est que se doucher nu après le sport ne va plus de soi.
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Il y a vingt ans, il n'y avait pas débat, les pros, les amateurs, les petits, les grands, les bons, les méchants, c'était à poil, tout le monde à poil, même devant les caméras, coucou Véronique et Davina (le générique les montrait nues sous la douche), #toutouyoutou. « C'était un moment de détente où l'on se retrouvait, après les entraînements ou après un match, avec la déception d'une défaite ou la joie d'une victoire, où on déconnait, où on parlait de tout, entre joueurs, sans les coaches », se souvient Raymond Domenech, ex-footballeur de Lyon et Strasbourg, notamment dans les années 1970-80.
Pierre Rabadan dans le vestiaire du Stade Français rugby. (Y. Labrousse/L'Équipe)
C'était les douches d'avant, celles dont on voit des photos parce que les journalistes y avaient accès, celles sous lesquelles on lavait les crampons en même temps que le reste, celles où Pierre Rabadan a même vu des coéquipiers fumer. « C'était l'un de mes premiers matches pros, en 1999, dans l'ancien Jean-Bouin. Moi, je culpabilisais parce que je grillais trois clopes par jour et là, on venait de finir le match, les mecs, ils fumaient sous la douche ! » Aujourd'hui, les joueurs ne croisent plus de journalistes dans le vestiaire, ils fument plus discrètement et ont le savonnage pudique : on se douche de plus en plus en sous-vêtements. Partout. Dans le sport de haut niveau - l'ancienne footballeuse internationale Mélissa Plaza en estime la proportion à 50 % chez les filles du foot - comme à la salle de sport du coin. Yannick, client d'une grande enseigne low cost parisienne, qui se lavait en tenue d'Adam, a entendu deux jeunes hommes qui passaient devant lui lâcher : « Oh là, il y a des gens chelous ici, ils se douchent à poil ». Bienvenue chez Ubu. Il y en a même qui se font casser la figure pour ça.
L'équipe de rugby de Nouvelle-Zélande des moins de 20 ans en 2013 à Vannes après un entraînement en piscine. (B. Le Bars/L'Équipe)
« Au rugby, j'ai la sensation que c'est venu des joueurs étrangers, notamment avec la vague des Îliens, après la Coupe du monde 2007, se souvient Pierre Rabadan, 38 ans. Les Australiens, les Sud-Africains, aussi, ça doit être une question d'hémisphère ! Ils nous disaient qu'ils avaient toujours été habitués comme ça et ils hallucinaient de nous voir sans rien. C'était des gens très pratiquants religieusement. » Il semblerait en effet que la tendance jamais sans mon slip soit partie de la religion. Raymond Domenech date la bascule de l'époque où il coachait l'équipe de France Espoirs (1993 à 2004). « J'ai commencé à l'observer avec quelques jeunes musulmans au début des années 2000, puis c'est devenu plus important. En rigolant, j'avais demandé qu'ils me montrent le verset du Coran qui disait qu'il fallait prendre la douche en slip. Il y avait eu des sourires. Je n'ai pas d'opposition avec les religions. J'ai plus un problème avec les contraintes que certains se mettent et qu'ils peuvent mettre aux autres. »
Le danger, c'est que les « à poil » soient regardés de travers si les autres sont très nombreux, créant ainsi une pression sociale inversée. Ce que l'on voit déjà dans d'autres sports. Un lutteur de haut niveau affirme ainsi qu'à l'INSEP, « les douches, maintenant, c'est habillé ».
Certains mettent un caleçon pour des raisons religieuses, d'autres le font juste par pudeur
Dans son livre-enquête Dieu Football Club, paru en 2014, le journaliste de RMC Nicolas Vilas avait consacré quelques pages au sujet. Notamment vu de l'Olympique de Marseille, où l'ancien directeur sportif, José Anigo, racontait combien les « avec » et les « sans » caleçon avaient toujours cohabité en se respectant. Joey Barton avait d'ailleurs un jour fait rire tout le vestiaire en se pointant en slip sous la douche et en criant : « Moi aussi, je suis musulman ! »
La seule anecdote négative revenue aux oreilles de Nicolas Vilas est celle de l'Algérien Saïd Meghni à Moreirense, au Portugal, en 1999-2000. « Les mecs ne comprenaient pas qu'il se douche ainsi (en sous-vêtement) et avaient fini par l'agacer à coups de remarques répétées pendant des mois. » L'histoire avait fini en bagarre entre le capitaine de l'équipe et Meghni, le second blessant sérieusement le premier à l'entraînement et finissant par quitter le club.
Le sujet est pris au sérieux par ceux qui se penchent sur la radicalisation dans le sport. Même s'il est bien évident que le caleçon ne fait pas l'islamiste. « Ce n'est pas celui qui ne veut pas prendre une douche qui attire notre attention mais celui qui intimide les autres », distinguait ainsi récemment Muriel Domenach, patronne du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). En 2015, les services de renseignements avaient même relevé des cas de clubs de sport de combat où les dirigeants faisaient pression pour que tous les sportifs portent un maillot pour se doucher. « Je ne suis pas d'accord avec ceux qui y voient du prosélytisme, tempère Nicolas Vilas. J'ai des potes musulmans qui gardent leur sous-vêtement, d'autres pas, pareil pour les non-musulmans. Et chacun doit pouvoir faire ce qu'il veut. Si certains mettent un caleçon pour des raisons religieuses, d'autres le font juste par pudeur. »
B. Desprez/L'Équipe.
Parce que, si l'historien spécialiste de l'hygiène et des représentations corporelles, Georges Vigarello, se souvient des années 1960 et de « la fierté à s'affirmer au-delà des pudeurs anciennes, qui consistaient traditionnellement à se couvrir », la pudeur est en pleine remontada. « L'exemple du sport témoigne d'une remontée générale de ses codes dans notre société, elle-même inscrite dans une remontée générale des valeurs traditionnelles et conservatrices, tournant le dos aux années 1970-80 où l'émancipation individuelle et la liberté corporelle étaient mises au premier plan, analyse le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Le corps était devenu comme invisible pour permettre un maximum de liberté. Aujourd'hui, au contraire, tout ce qui dépasse de la norme accroche le regard, réinvente l'impudeur et provoque des interdits. »
Résultat, dans les vestiaires des salles de sport où les douches sont individuelles mais pas équipées pour permettre de s'y rhabiller, on préfère se planquer. On assiste alors à des ballets de gens rivalisant de souplesse pour enfiler australien de Dim ou Aubade leçon 122 (« se montrer ferme ») sans lâcher la serviette, comme à Palavas-les-Flots au mois d'août.
Ces visions rappellent même ceux qui n'ont aucun souci avec la nudité à une pudeur (pudibonderie?) qui ne leur était pas venue à l'esprit. « Pour moi, le corps qui fait du sport n'est pas sexualisé, il est un outil, explique Serena, cliente d'une salle de sport. Quand j'ai commencé, l'année dernière, je me mettais nue pour me changer. J'ai peu à peu réalisé que j'étais la seule, alors j'ai commencé à faire attention, je me suis dit que les autres filles devaient me prendre pour une grosse exhibo ! » Et elle a fini, comme tout le monde, par se démettre huit vertèbres pour passer ses dessous sans que l'on ne voie rien au-dessus.
Selon l'ex-footballeuse internationale Melissa Plaza (ici en 2013, lorsqu'elle évoluait à Lyon), 50 % des joueuses de foot se douchent en sous-vêtements. (S. Thomas/L'Équipe)
Les millenials, notamment, ont beau être parfois parfaitement impudiques en 2.0, ils tiennent «IRL» à garder le matos à l'abri des regards. Ou une moitié du matos : Mélissa Plaza explique qu'il y a des filles qui gardent le bas mais pas le haut. « J'ai posé la question parce que je n'ai pas compris le principe ! Je n'ai jamais vraiment obtenu de réponse. Après, elles ont droit à leur pudeur propre. » D'autant qu'un vestiaire de sport n'est pas forcément le royaume du câlin. L'ancienne footballeuse raconte, dans son livre Pas pour les filles ?, ses années cauchemardesques. Page 64 : « Impossible de se planquer. Tout est passé au crible : épilation ou rasage, graisse, cellulite, vergetures, muscles, forme des seins... Pas étonnant qu'aujourd'hui beaucoup de joueuses optent pour la douche en culotte et en sous-vêtements. Si l'on ne peut même pas avoir un peu de répit sous la douche ! »
Au téléphone, elle nous explique qu'à 13 ans, quand elle est arrivée en sport-études, et que, pour la première fois, elle a pu se comparer à d'autres, elle s'est aperçue qu'elle avait « un corps d'enfant ». Pas de seins, pas de poils, pas de règles, la puberté se faisait attendre. « Les moqueries m'ont fait prendre conscience des injonctions à une féminité particulière. Après ça, il n'y a plus eu une fois où je me suis sentie bien dans mes baskets. » D'autant que, même devenue adulte, elle n'a pas le bon corps. Elle qui n'était pas assez est devenue trop. Son corps « d'enfant » est devenu «d'homme». À Montpellier, elle se douche face au mur, en trois minutes. Ce n'est qu'en arrivant à Lyon que ça va mieux. « Parce qu'autour, j'avais des athlètes comme moi, avec des muscles, le V, les tablettes de chocolat. J'avais l'impression d'être dans la normalité. »
(B. Desprez/L'Équipe)
Les garçons ne sont pas épargnés. Pierre Rabadan se souvient des commentaires, chez les jeunes. « À cet âge-là, tu as moins de filtres, tu ne penses pas à l'impact de ce que tu dis. Certains ont dû souffrir de ça et développer des petits complexes sous la douche, une gêne qui perdure. » Pas lui. «Moi? Pour les calendriers des Dieux du Stade, j'ai dû me foutre à poil devant un photographe et vingt personnes. En termes de gêne, une fois passé ça, t'es plus emmerdé avec la douche ! »
Il y a quand même l'autre souci des garçons, celui qui, dit-on, fait compenser en achetant une grosse voiture. Parce qu'il y a beau ne pas y avoir que la taille qui compte, le docteur Sylvie Abraham, spécialiste en agrandissement du pénis (la pénoplastie, pour ceux qui veulent faire Questions pour un champion), explique que le « complexe du vestiaire » lui amène beaucoup de clients. « On s'en fout un peu d'être à poil, on est rodés, on ne se mate pas, affirme pourtant le handballeur champion olympique Samuel Honrubia. Tu chambres un peu mais y a pas plus que ça. Mais c'est vrai que s'il y a des joueurs qui ont des problèmes de taille, trop gros ou trop petit, je comprendrais que ça les gêne », concède-t-il avant de lâcher, dans un éclat de rire : « Après, dans le hand, des petits, j'en n'ai pas vu ! »
Pourtant, le docteur Abraham a vu, elle, « beaucoup de grands mecs musclés venir pour un problème de petit kiki. » Mais aussi à cause de « disproportions physiques importantes. Comme un grand costaud du rugby avec un tout petit appareil. » Rapport au fait que selon que l'on mesure 1,60 m ou 1,95 m, la vie est injuste, la même verge ne produit pas le même effet.
Tout est passé au crible : épilation, graisse, cellulite, vergetures, muscles, forme des seins...
Ce qui ne produit pas non plus le même effet, c'est se laver avec ou sans sous-vêtements. Déjà que les douches fixes ne sont pas d'une franche ergonomie pour rincer tous les recoins humains, alors à travers du tissu... « Sans entrer dans les détails, je ne trouve pas ça très hygiénique, confie Pierre Rabadan. D'autant que, souvent, ils se lavent avec le moule-bite utilisé à l'entraînement. »
Pourtant, tout ça n'est pas forcément une histoire de saleté. L'historien Georges Vigarello explique au contraire que l'hygiène classique a même été dépassée, qu'elle a revêtu un caractère psychologique, qu'il n'est plus seulement question d'être propre mais carrément de se sentir mieux, plus affirmé. « En revanche, récemment, la crainte de la promiscuité s'est développée, avec une exigence d'autonomie individuelle, expose-t-il. On le voit dans le métro, où l'on préfère parfois rester debout plutôt que s'asseoir trop près de quelqu'un. Cela aboutit à quelque chose de totalement paradoxal, qui va à l'encontre de la propreté : repartir du sport avec sa transpiration. Mais, davantage qu'un recul de l'hygiène, ces comportements disent l'affirmation de l'individualisation. »
Qui aboutit, hors sport pro, à la raréfaction des douches collectives. Qui sont pourtant l'origine même des douches. Quand, en 1872, le docteur François Merry Delabost, médecin chef de la prison Bonne Nouvelle, à Rouen, invente « la pluie d'eau », c'est pour pouvoir faire laver plus de prisonniers en même temps et avec moins d'eau que dans les bains, d'où les jets collectifs. Aujourd'hui, même dans les « urbans », où l'on fait un sport co, il n'est plus rare de se doucher en solo. Les clients réclament l'intimité d'une cabine individuelle. Et la douche fait désormais partie des choses mises en avant pour les attirer.
(B. Desprez/L'Équipe)
Fin de cours de cycling chez Dynamo, à Paris. Une cinquantaine de forçats du watt sortent de la salle du studio Lafayette en mode fontaine à transpi. Dans le vestiaire femmes, la buée se forme sur le miroir en même temps que la file d'attente devant la dizaine de douches. Taux d'utilisation de la douche dans les quatre spots Dynamo : 80 % à 90 %. « Au début, nos clients s'attendaient à un club de base, alors ils rentraient chez eux après le cours. Peu à peu, ils se sont mis à se laver ici. » C'est que tout a été pensé pour. Les douches sont individuelles, fermées jusqu'en bas, histoire d'être dans sa bulle, ce qui est plus compliqué quand des bouts de pieds d'à côté s'invitent dedans. Les serviettes sont fournies, comme tout le reste, du savon au lait pour le corps, de l'après-shampoing au lisseur à cheveux. « On se pose comme un business d'hospitalité avec un service plus proche d'un hôtel de luxe que d'un gymnase, explique l'un des cofondateurs, Jonathan Garret. On a voulu casser tous les freins à la pratique du sport. » Et, ancien rugbyman aux souvenirs d'installations pas vraiment trois étoiles, il sait que la douche peut en être un.
(B. Desprez/L'Équipe)
Les enfants, eux, n'ont pas le choix du nombre d'étoiles. Quand il y a douches, ce qui est très loin d'être le cas pour tous, elles sont collectives. Selon les âges, selon les sports, les habitudes ne sont pas les mêmes. Kader, éducateur dans une école de foot de banlieue parisienne, explique: «Depuis dix ans, j'ai un peu renoncé. Beaucoup de parents nous ont demandé de ne pas l'imposer à leur gamin et, avec toutes les histoires qu'il y a eu, on ne se voyait pas trop insister. »
Ce sont ces histoires qui ont inquiété Élodie. Quand elle inscrit son fils Léon au SCS FC, dans les Landes, en U8, elle se rend compte que la douche est obligatoire. « Ça m'a bloquée, explique-t-elle. Je ne comprenais pas, la maison est à dix minutes. Mon fils se lave, merci ! Mais chez moi. Ça a été un grand sujet de dispute avec l'entraîneur. Dans notre famille, on fait beaucoup de sports mais individuels, on n'a pas cette culture d'aller se coller à poil dans le vestiaire ! Je ne vois pas ce que ça apporte, cette nudité imposée.» Elle poursuit : « Mais ce n'est pas ça, le problème. Mon fils fait du surf, il se change sur la plage. Filles et garçons sont nus, personne ne se cache, mais tout le monde est dans son coin. Il y a une bulle privée invisible qu'il n'y a pas dans un vestiaire de foot. Mon problème, c'est la pédophilie. Tu ne sais pas ce qui se passe là-bas. »
Alors, quand l'association «Colosse au pied d'argile», qui lutte contre la pédophilie, passe, Élodie interroge. Et on lui confirme qu'il faut être attentif. Quand on lui en parle, le secrétaire du SCS FC, Jean-Pierre Noël, est clair : « On ne va pas dans les douches ! Même dans le vestiaire, quand les enfants se rhabillent, les éducateurs ne restent pas, c'est l'une des choses primordiales ! On ne VEUT pas que les éducateurs restent dans le vestiaire, et s'ils doivent y être, c'est minimum à deux. On avait imposé la douche pour des questions d'hygiène et d'esprit d'équipe, mais on respecte la volonté des parents. »
« C'est ça qui fait la vie d'une équipe. La douche et ce qu'il y a autour », dit Samuel Honrubia, champion olympique de handball. (A. Mounic/L'Équipe)
On finit par se demander si la douche influe vraiment sur un groupe. Pierre Rabadan : « Je n'irai pas jusqu'à dire que ça abîme la construction d'une équipe, mais c'est vrai que ça met un peu de distance. On commence à s'interroger sur des choses qui ne méritaient pas réflexion avant. Tu finissais l'entraînement, tu te mettais dans ton plus simple appareil, c'était la même chose pour tout le monde, aussi différents soit-on au rugby, de morphologie, d'origines. » Et la douche est le lieu de l'intimité d'une équipe. Quasiment le seul où les joueurs sont isolés. Pas de supporters, pas de dirigeants, presque jamais de coachs.
« Un vestiaire, c'est très bruyant, mais ça peut devenir un lieu presque de méditation, décrit Samuel Honrubia. Je ne suis pas le gars qui va vite se laver pour rentrer le plus vite chez lui. Je suis souvent le dernier. Tu te retrouves seul sous la douche, avec l'eau qui te coule dessus, c'est apaisant. Je suis en fin de carrière, je sais que ces instants sont précieux, maintenant. C'est ça qui fait la vie d'une équipe, la douche et ce qu'il y a autour. Ces moments-là, ils comptent. C'est là que tu construis les relations que tu peux avoir sur le terrain. »
C'est pour cette raison que Raymond Domenech se fout bien du dress code sous les jets. « C'est en se focalisant sur certains points qu'on peut les rendre sensibles. L'essentiel, c'est que le sportif prenne sa douche. S'il veut la prendre tout habillé, qu'il la prenne tout habillé, car c'est important dans la sociabilité et la vie de groupe. Sinon, c'est la vie du mec qui va au bureau : on fait son match et hop on repart. »
« Je me suis retrouvé accroupi dans une mare de sang »
Ancien éducateur sportif, Olivier, 43 ans, s'est fait agresser en février 2017 parce qu'il s'est douché nu dans le vestiaire d'un centre de foot en salle.Olivier (il souhaite rester anonyme) a une fine cicatrice sous l'oeil gauche. Là où, il y a un peu plus de deux ans, on lui avait posé huit points de suture. Et six sur la paupière. Il avait le nez cassé, aussi. Comme tous les jeudis, l'ancien éducateur sportif de 43 ans était allé faire un foot en salle avec ses copains, dans un centre dont il était un habitué, à la Bocca, à Cannes. Comme tous les jeudis, il avait pris une douche. Mais ce jour-là, alors qu'il en sort en se séchant les cheveux avec sa serviette, un autre client lui lance : « Tu es fou, qu'est-ce que tu fous à poil ? » Olivier lui explique qu'il n'a pas de problème avec ça, qu'il ne le regarde pas, que lui n'a qu'à pas le regarder. « Il y a trente ans que je fais du sport, il y a trente ans que je me douche nu après avoir transpiré », hausse-t-il les épaules. Le jeune client appelle des copains qui « se mettent à râler ». Olivier se retourne pour enfiler son caleçon. La première insulte fuse. Il est question de sa mère, de « PD ». « Je ne suis pas une victime, le ton est monté. » D'autres jeunes arrivent - « ils étaient quatre, dont trois actifs » - l'un d'eux assène un coup de poing, par-derrière. « Il m'a arraché la tête. Je me suis retrouvé accroupi dans une mare de sang. Je me demandais ce que j'avais. » Olivier finit dans un camion des pompiers. C'est de là qu'il prévient la police. Finalement arrêté pour un autre délit, le jeune homme a été condamné à un an et demi de prison et 3 000 euros d'amende pour l'agression d'Olivier (Le prévenu a fait appel, un nouveau procès est prévu en octobre.). « Pendant le procès, il a dit qu'il passait par là et qu'il m'a vu sous la douche nu, que ça l'a choqué. Il a dit "il y a des enfants". » Olivier avoue que «psychologiquement, c'est compliqué». « Je ne sais pas pour quelles raisons ils ont fait ça. Certains sont plus pudiques que d'autres. J'ai entraîné longtemps, des mômes préfèrent se doucher en caleçon, par convictions ou par pudeur - il faut une certaine confiance en soi pour être à poil dans des douches collectives -, mais je n'avais jamais eu de soucis. »