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Marseille : la communication de Bafé Gomis à l'épreuve
Publié le : samedi 17 septembre 2016
Surprenante, l'attitude de Bafétimbi Gomis vis-à-vis de Mario Balotelli, le week-end dernier dernier à Nice, rappelle, avant OM-OL ce dimanche (20h45), que l'ancien Stéphanois et Lyonnais soigne sa communication... Sauf quand elle dérape.
J.LB
Mais quelle mouche l'a piqué ? Bafétimbi Gomis en a surpris plus d'un dimanche dernier à l'Allianz Riviera en invectivant Mario Balotelli pour tenter - en vain - de déstabiliser la star italienne de Nice au moment de son penalty, premier but de la victoire (3-2) des Aiglons sur l'OM. Plus d'un, parce que «Bafé» renvoie l'image d'un joueur fair-play sur le terrain et d'un homme policé en dehors, mais pas pour tout le monde non plus car ses contempteurs - il y en a - inscrivent sa «provocation» comme ses déclarations d'après-match dans la lignée des ratés d'une communication millimétrée.
Des avis très tranchés sur sa communication
S'il est naturel d'être diversement apprécié, il est moins courant que les avis s'opposent tant. Le nom de l'ancien Stéphanois passé à Lyon en 2009 est de ceux qui déclenchent ce genre de réactions, aux antipodes les unes des autres. Comme si le joueur prêté par Swansea pour un an était un roi de la com' pour les uns, un personnage par trop fabriqué par les mots et les images pour les autres.
Un coup de fil à l'Hôtel Bel Horizon permet déjà de vérifier que l'international de 31 ans possède une science du contact irréprochable. Cet établissement trois étoiles est situé au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, à une soixantaine de kilomètres de Saint-Etienne. Les Verts y ont longtemps eu leur rond de serviette lors de stages d'avant-saison en moyenne altitude.
«Avoir Bafé à l'hôtel, c'était juste du bonheur pour tout le personnel, se souvient Guillaume Chazot, le propriétaire des lieux où huit équipes de football, hand et rugby se sont encore succédées cet été pour s'entraîner en respirant. C'est un garçon bien élevé, croyant, qui a des valeurs. Cool et décontracté, mais pas du tout le mec qui va brancher les gonzesses à tort et à travers par exemple. Je me souviens qu'il faisait la panthère avec mes gamins dans les couloirs de l'hôtel. Vraiment adorable, très gentil.»
«Sa prétendue grande classe»
En redescendant des contreforts des Cévennes vers la plaine du Forez, le discours n'est plus si laudateur. Surtout à proximité des tribunes occupées par les ultras de l'ASSE. «Il a une communication vis-à-vis des médias et il y a ce qu'il pense ou fait réellement derrière. Il aurait fait un bon politique, tranche Tom Dufieu, vice-président de l'association Lutte pour un football populaire et supporter des Verts. C'est le Top 1 des joueurs qu'on déteste ici, pire que Grégory Coupet à l'époque (lui aussi formé à Saint-Etienne et passé chez l'ennemi lyonnais, en 1997).» Pourquoi tant de haine ?
Pas seulement pour sa «trahison», assurent les ultras stéphanois, mais pour la façon dont il s'était comporté lors du derby de mars 2012 à Geoffroy-Guichard. Son but de la 81e minute avait battu les Stéphanois (1-0). Et sa célébration féline avait abattu ses anciens fans.
«Quand on a été formé au club et qu'on y a passé quatre ans au top, on ne s'amuse pas à faire la panthère - le lion, plutôt - devant notre tribune après avoir marqué le seul but du derby, en frémit encore de colère notre témoin. Il aurait eu un minimum de sa prétendue grande classe et de respect pour le club et ses supporters, il aurait pris le ballon et l'aurait reposé dans le rond central en fermant sa g... Mais son attitude était aussi très fûtée dans le sens où il a réussi à se faire accepter après ça à l'Olympique lyonnais.»
«Pour nous, sa communication est très bien résumée par la banderole qu'on avait déployé lors du derby suivant : "Gomis, en panthère ou en lion, ce que t'aimes, c'est être à quatre pattes." On voulait signifier, un peu crûment, c'est vrai, mais on le croit toujours, qu'il ne fonctionne que par opportunisme. Partout où il passe et en toutes circonstances.»
Une communication soigneusement travaillée
Au service communication des clubs, à Sainté comme à Lyon, on retient du passage de Gomis l'appétance du personnage pour l'exercice et même un certain talent. A l'OL, Pierre Bideau, le chef de presse, regrette «un bon client pour les médias». «Bien sûr, il peut avoir un discours un peu lisse, mais il s'exprime plutôt mieux que d'autres. Je pense qu'il a dû un peu souffrir d'un parcours scolaire inabouti et qu'il a voulu rattraper le temps perdu. Il attache beaucoup d'importance à son image auprès des gens et il a fait de vrais efforts pour améliorer sa communication. Il a beaucoup appris de son entourage.»
Nous n'avons pas pu vérifier auprès de ses conseillers, et en particulier de Mathias Miller, qui aide les joueurs de l'écurie de Pierre Frelot dans leur communication, si le joueur recevait une assistance pour gérer ses comptes Twitter, Facebook et Instagram. En tout cas, ils n'ont pas pu lui éviter une boulette diplomatique à son arrivée au pays de Galles, lorsqu'il avait localisé son compte Twitter à «Swansea, England»... Une chose est sûre : il fait partie des pionniers des 140 signes dans le football français (un compte dès octobre 2011) et enregistre presque autant de suiveurs sur Facebook (400 000 environ).
«Il a pris les réseaux sociaux par le bon bout, le crédite Philippe Lyonnet, le directeur de la communication de l'AS Saint-Etienne. Il s'en sert d'ailleurs souvent pour apaiser. Pour expliquer. Comme un outil pédagogique.» Les fans découvrent au fil de ses posts un homme pieu, cierge à la main, fidèle à ses racines toulonnaises et africaines, ou encore attaché à la valeur travail. On se souvient qu'il avait repris des cours dans le but de passer le Bac, sans aller (pour l'instant) au bout de l'intention toutefois. A Swansea, il a aussi soigné la mise en scène de son apprentissage de l'anglais auprès de Madame Françoise Robert.
«Il aime la lumière»
Joint vendredi à Madrid, où il avait rendez-vous avec ses clients Raphaël Varane (Real) et Kevin Gameiro (Atlético), Frank Hocquemiller, fondateur de l'agence marketing VIP consulting, a croisé Bafétimbi Gomis «deux fois sur les opérations d'une marque vidéo» et en garde le souvenir d'«un garçon gentil se pliant à ses obligations sans rechigner».
«C'est un joueur qui a toujours bien aimé la communication, le marketing, sans aller très loin dans la signature de partenariats, ce qui a fait qu'il n'a pas toujours été dans la lumière. Je pense que cela lui aurait plu de l'être davantage parce que je crois qu'il aime ça. Je trouve qu'il s'exprime plutot pas mal derrière des airs un peu nonchalants. Ce qu'il dit est argumenté, même si on peut ne pas être d'accord. Son analyse est cohérente.»
Son langage recherché, souvent ampoulé, limite pédant ? «Mais quels footballeurs veut-on ? Quand ils parlent mal, ça ne va pas. Quand ils parlent bien, ça ne va pas non plus !»
Des déclarations controversées
A Nice, c'est moins son geste criticable sur Balotelli qui a pu agiter les réseaux sociaux que sa déclaration d'après-match. Gomis explique d'abord au micro de Canal+ que l'OM «a fait preuve de naïveté» sur l'égalisation à 2-2 de Balotelli (78e), peu après que lui-même a donné l'avantage à l'OM sur penalty (72e). Puis il cite le nom de l'ancien Messin Bouna Sarr, l'ailier gauche, dans une petite phrase qui irrite aussitôt certains twittos.
Antho'o @AnthooAlgodon
Le magnifique Gomis qui balance sereinement que le 2eme c'est de la faute de Sarr. Quel grand homme <3
22:42 - 11 Sept 2016
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Quaresma Grosskreutz @Suuper_Pipoo1
Grand capitaine Bafé Gomis qui défonce Bouna Sarr avec le sourire dans l'interview d'après match. Mais il ne se fait aucune autocritique…
07:06 - 12 Sept 2016
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Qu'a dit exactement Gomis au micro de Laurent Paganelli ? «Sur le centre (de Ricardo Pereira) qui arrive à destination de Mario, on doit faire une prise à deux. Malheureusement, Bouna (Sarr) qui avait fait beaucoup d'efforts pour remporter le penalty, n'a pas eu les jambes pour aider son latéral (Karim Rekik) et on prend ce but.»
A Saint-Etienne, Philippe Lyonnet a entendu cette phrase sans tiquer, au contraire. «Je l'ai plutôt analysé comme l'encouragement du grand frère qu'est devenu Gomis dans le vestiaire de l'OM. Je l'ai trouvé très bon, y compris quand il a répondu sur ce qu'il avait dit en match à Balotelli en lui souhaitant bienvenue dans le Championnat de France.»
L'appréciation publique de Gomis sur le travail de son coéquipier en rappelle d'autres, dans des circonstances bien différentes et concernant cette fois des advsersaires, mais qui avaient, elles aussi, fait débat. Gomis avait notamment mené une attaque, via Twitter, contre Alaixys Romao, qui l'avait insulté selon lui lors d'un OM-OL en mai 2014 (4-2).
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Bafétimbi Gomis ✔ @BafGomis
Je reste cependant surpris de l'attitude inacceptable et immature de Romao qui à fait preuve d'une vulgarité envers @pierremenes et moi
02:22 - 5 Mai 2014
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Bafétimbi Gomis ✔ @BafGomis
En ne trouvant rien d'autre à dire apres m'avoir fais 1 faute de m'insulter,que :Je vous cite "Va su..r ce gros de @PierreMenes" inadmisible
02:29 - 5 Mai 2014
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Problème : en rompant la loi du silence sur ce qui peut se dire entre joueurs, Gomis avait joué dès la semaine suivante un remake de l'arroseur arrosé, ciblé à son tour par le Lorientais (et ami de Romao) Mathieu Coutadeur après un OL-Lorient (0-1) : «Bon ben Mr @BafGomis, pour "le fils de p. Et le clochard" que tu m as balancé sur le terrain hier, faut donc le tweeter c ca ?? Tout ceci est quand même une vaste blague, non ?»
Dans Planète Lyon, à l'été 2014, Gomis avait soldé son histoire avec Romao : «Romao, après ce qu'il a vécu avec le Togo lors de la fusillade de Cabinda (deux morts dans l'attaque du car de la sélection par des indépendantistes, lors de la CAN 2010 en Angola, dans la province de Kabinda), ne peut plus se permettre de parler comme ça.»
Disparu de la liste pour le «Ballon d'eau fraîche»
La communication de Bafétimbi Gomis, c'est aussi prendre parfois un peu de liberté avec les faits comme lorsqu'il expliquait à notre site en avril 2015 qu'il avait «l'habitude de marquer vingt-cinq buts par saison» quand il n'a atteint en réalité cette barre qu'une seule fois dans sa carrière, toutes compétitions confondues, en 2011-2012.
Il s'était aussi un peu emballé devant les caméras en assurant qu'il avait «fortement contribué à (la) qualification» de l'équipe de France pour la Coupe du monde 2014 alors qu'il n'avait joué... qu'une seule minute en Finlande (0-1, en septembre 2012).
Longtemps nommé au «Ballon d'eau fraiche» des Cahiers du football, ce trophée qui récompense «les joueurs qu'on aime aimer», Gomis a normalement quitté la liste des prétendants puisqu'il n'évoluait plus en Ligue 1. Mais Les Cahiers, dans leur style caractéristique par antiphrases, ont aussi expliqué il y a un an que le natif de la Seyne-sur-Mer «fait toujours le plein sur les quatre critères du trophée : fidélité à son club, lucidité sur son niveau et son environnement, sens du collectif et du fair-play».
L'équipe du 17-09-2016