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ÉTAT-MAJOR; Ouvrard croise les doigts; Empêtré malgré lui dans le divorce avec les supporters, le "Head of business" de l'OM, signataire des mises en demeure des groupes et porteur du projet Agora, espère ne pas suivre le même chemin que "JHE"
Les supporters de l'OM n'avaient pas encore savouré le départ de Jacques-Henri Eyraud, officialisé vendredi soir dans un torrent de soulagement, que certains réclamaient déjà la tête du "Head of Business", Hugues Ouvrard. "On ne l'oublie pas", disaient-ils, en substance, alors que d'autres n'ont pas manqué de déployer une banderole "Ouvrard out" hier matin à l'entrée de Marseille. Restera-t-il au club ? Sera-t-il lui aussi poussé vers la sortie ? Les questions sont légitimes, mais le suspense reste entier en attendant de voir Frank Mc Court arriver à Marseille.
"J'ai eu une journée de merde..." Pour sa première apparition télévisuelle dans le costume de directeur général de l'OM, la semaine dernière dans l'émission Quotidien, Hugues Ouvrard avait marqué contre son camp. Flanqué d'antisèches, briefé par une salariée, le désormais célèbre "Head of business", au bout du rouleau sous sa chemise blanche, s'exprimait sur la situation à Marseille après les incidents à La Commanderie, le 30 janvier, et l'envoi de mises en demeure aux groupes de supporters, le 15 février. Deux événements qui l'ont propulsé sur le devant de la scène olympienne.
Précurseur pour les "gamers", fossoyeur pour les supporters
Envoyé au feu par Eyraud, le signataire des lettres de la discorde est apparu comme le pompier de sévices aux yeux des supporters. Pris en grippe par les groupes, insulté et menacé sur les réseaux sociaux (ainsi que sa famille), l'ex-bras droit de "JHE" a découvert avec stupeur l'envers du décor de la ferveur marseillaise. A priori, rien ne prédestinait ce dirigeant venu du monde des jeux vidéo, mais habitué aux coulisses du football, à se retrouver au coeur du conflit entre la direction de l'OM et ses supporters. "Je ne suis pas venu pour ça. La violence, je n'en veux pas. Ce n'est pas une vie ! Ma mission n'est pas de sortir les supporters du stade. Je n'aurais jamais signé pour ça", martelait ces derniers jours celui qui incarne toujours, à tort ou à raison, "le petit soldat d'Eyraud". "JHE lui a savonné la planche", persifle-t-on, en écho, au centre RLD. Hugues Ouvrard, lui, est un homme marqué, voire choqué, par les débordements au centre d'entraînement, comme on le dit en interne.
À peine nommé, déjà épuisé ? Intronisé début juillet, il a pourtant très vite été plongé dans le bain à remous marseillais. D'anciens tweets laissaient croire à un amour présumé pour le PSG. Une étiquette qui lui colle à la peau, comme le sparadrap du capitaine Haddock. "Je ne vais pas revenir sur le fait que je ne suis pas supporter du PSG. C'est ridicule pour ceux qui me connaissent", expliquait-il encore la semaine dernière au cours d'une conférence téléphonique avec les membres du programme OM Nation. Un participant a eu le malheur d'en plaisanter : "On ne s'en bat pas les couilles ! J'en ai marre d'entendre ça. Je n'ai jamais été supporter (du PSG, ndlr) ! C'est clair ?", éructait-il, loin d'être zen. "Il est supporter du FC Metz. Il me racontait qu'il allait à Saint-Symphorien avec son grand-père. Quand je parlais de l'OM, il me branchait toujours sur Robert Pirès, un joueur qu'il adorait", dégonfle un ancien collaborateur, supporter de l'OM et marseillais.
Cela ne l'a pas empêché d'arriver plein d'énergie, non sans avoir passé seize entretiens avant son embauche. Le cuir tanné par ses expériences chez Canal +, SFR, EA Sports et Microsoft, le Messin savourait son retour à Marseille, vingt ans après y avoir passé quelques mois pour son premier job : le développement du projet "OM TV". Et tant pis si son (ex) nouveau boss est celui qui a éteint ce canal historique, lancé le 16 janvier 1999. Aujourd'hui agent de joueurs, Yvan Le Mée était à ses côtés à ce moment-là : "Je l'ai connu en 1998, quelques mois avant. C'est un garçon charmant, brillant et travailleur, quelqu'un de sérieux et compétent. On avait de très bonnes relations. Son parcours a ensuite prouvé sa valeur, il a bossé dans de grosses sociétés et y a réussi. Il m'a toujours dit que le club numéro 1 était l'OM. Il avait conscience de la force de ce club et de son image, détaille le Marseillais. C'est une personne qui vaut la peine d'être connue. Après, je pense qu'il n'était pas le seul à décider... Mais pour moi, il est capable, comme ça a été fait à Barcelone, au Real ou à l'Inter, de développer l'OM au niveau international. Je pense qu'il a été pris pour ça. Peut-être que ces derniers temps, il s'est retrouvé sur des dossiers qui ne sont pas ceux pourquoi il a été recruté."
Chargé de superviser "l'ensemble des fonctions opérationnelles et fonctionnelles du club hors football", décrit comme un "gros bosseur, très exigeant dans le boulot mais super simple dans la vie", il n'a pas fui ses responsabilités, comme il le répète. "Juridiquement, Hugues était le seul habilité pour être le signataire de la mise en demeure", éclaire un dirigeant du club. Reste que, au bout du compte, cet adepte de jeux de stratégie, qui ne rechigne jamais devant une partie de Fifa, ne s'attendait pas à vivre une telle expérience. Songez qu'il n'a toujours pas vu un match de l'OM dans un Vélodrome plein. "Il n'était pas préparé pour ça", abonde une autre source.
"Notre priorité, c'est Aldebert"
"Dans le gaming, il a été précurseur pour tout ce qui touche à la communauté, notamment chez Electronic Arts, rembobine son ancien prestataire. Il a été un des premiers à miser sur de jeunes influenceurs issus de la communauté. Il a fait un programme pour permettre aux personnes handicapées d'avoir des manettes spécifiques pour pouvoir jouer. Il a organisé la seule fan-fest en France avec Xbox. Ça ne rapportait pas grand-chose à la marque, mais ça permettait de développer la communauté. C'est pour cela qu'il est venu ici. Je le sentais Marseille compatible. Quand il a signé, j'étais content pour l'OM, mais je ne m'attendais pas à ce phénomène d'opposition entre lui et les supporters. Entre la volonté et le résultat, c'est l'opposé."
Le comble pour un homme de dialogue, tel qu'il se définit. Quand il était à la tête de Xbox France, sa marque de fabrique était de répondre directement aux "gamers" sur Twitter. En seulement huit mois à l'OM, il a déjà passé son compte en privé et bloqué plus d'un supporter. C'est le coeur de son problème : être bien perçu à l'intérieur et à l'extérieur du club (ce qui n'était pas tout à fait le cas de "JHE"...) tout en restant ciblé par la vindicte populaire. Car si la crise sanitaire, conjuguée à celle du foot français, n'a pas facilité ses débuts, à La Commanderie, ses premiers pas sont bien vus.
Mais en quelques mots couchés dans un communiqué, "pour créer et impulser un nouveau mode de supportérisme", il a rendu tout Marseille agoraphobe. "Ils parlent d'un truc qu'ils ne connaissent pas", peste un ancien du club. "Pour lui, lancer l'Agora le jour de la mise en demeure des groupes, c'était pour bien montrer qu'on n'accepte pas les violences, mais que le dialogue reste ouvert", tente de décrypter un connaisseur du dossier. "La phrase importante dans la mise en demeure, c'est : 'Je privilégie la voie de la discussion'", insistait-il dans son "conf-call" avec OM Nation. "J'essaie d'oeuvrer pour rapprocher l'OM et ses groupes de supporters", assurait-il aussi. "Ouvrard n'est pas notre priorité. Notre priorité, c'est Thierry Aldebert (directeur général adjoint, ancien responsable de la sécurité désormais en charge du stade)", pointe un leader d'association.
Dans son courrier, Hugues Ouvrard évoquait la date du 1er mars, soit demain, pour faire le point. Qu'en est-il ? Aujourd'hui, tout le monde se pose la question. Et pendant ce temps, le "Head of Business" croise les doigts.
La Provence