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Ligue 1 : jusqu’à quand Eyraud peut-il rester à la tête de l’OM ?
Les groupes de supporters ont demandé à l’unanimité son départ. Soutenu par le propriétaire, le président marseillais s’accroche. Jusqu’à quand ?
Jacques-Henri Eyraud a longtemps pratiqué le taekwondo. Mais c'est un principe du judo qu'il applique depuis qu'il est contesté par les supporters de l'OM : utiliser la force de ses adversaires. « Plus les Ultras le critiqueront, plus ça le confortera », confiait récemment un membre du premier cercle. En privé, Jacques-Henri Eyraud assure qu'essuyer la colère des fans « fait partie du travail. » Il est servi : la contestation des groupes du Vélodrome, qui a commencé à l'hiver 2018, est plus forte que jamais avec en point d'orgue l'envahissement et les incidents au centre d'entraînement samedi dernier.
Dans un (rare) communiqué publié mercredi, les six groupes de supporters assurent qu'ils poursuivront leur « combat » tant qu'ils n'auront pas obtenu son départ. Ils critiquent la « méconnaissance du football » de l'ancien communicant de Disney. « Le supporteurisme marseillais était très divisé, mais il s'est ressoudé contre la politique de Jacques-Henri Eyraud, analyse l'historien Sébastien Louis, spécialiste du milieu Ultra. A plusieurs reprises, les dirigeants ont réussi à diviser pour mieux régner. Ce n'est plus le cas, et, donc, sa position à moyen long terme n'est plus tenable. »
«Il ne va pas lâcher l'affaire parce que le bateau tangue»
Mais Jacques-Henri Eyraud va-t-il accepter de partir ? « Il pourrait quitter le club avec un joli chèque et prendre un an de vacances, glisse Patrick Chêne, qui a travaillé pendant neuf ans avec lui chez Sporever. Mais ce n'est pas le genre du bonhomme. Il est courageux et tenace, il ne va pas lâcher l'affaire parce que le bateau tangue ! »
Officiellement, Frank McCourt lui fait encore confiance. Dans son dernier communiqué, envoyé dimanche dernier, l'homme d'affaires américain assure que « JHE » est toujours chargé « d'assainir et de redresser le club ». Selon un conseiller de McCourt, les deux hommes « ont une relation très franche, très directe. Jacques-Henri a tout le soutien de Frank. » Jean-François Richard, ancien directeur général de l'OM, estime qu'il serait « très surprenant que Frank change de manager en pleine crise ».
« Avec McCourt, ils forment un vrai tandem, ils sont solidaires », affirme Richard Caillat, membre du conseil d'administration de l'Association OM. Pour le plus grand malheur des supporters révoltés. Guillaume Barthélémy, porte-parole des Yankee, estime que « personne ne peut avoir la tête de JHE. Il préférerait mourir plutôt que partir. »
Le groupe de Michel Tonini, écarté du Vélodrome par Jacques-Henri Eyraud en juin 2018, fait partie de la fronde des supporters. L'emblématique René Malleville en est aussi. « Eyraud est dans la même situation que Jean-Michel Roussier (NDLR : poussé à la démission en 1999). Mais lui ne part pas, soupire le vétéran du Vélodrome. On ne comprend pas qu'il reste, ça devient intenable pour tout le monde. »
A la mairie aussi, on commence à lâcher le président marseillais. L'adjointe Samia Ghali, qui a rencontré les groupes de supporters mardi, semble se placer de leur côté : « J'ai dit à Monsieur Eyraud qu'il faudrait organiser une table ronde pour apaiser les choses. Je n'ai pas eu l'ombre d'une réponse. Peut-être que ça ne le dérange pas que ce soit le feu ? » Et l'ancienne sénatrice socialiste de s'agacer : « Quand on a la mairie de Marseille qui demande une discussion, on ne l'ignore pas. »
«L'OM n'est pas seulement un business»
Le maire Benoît Payan vient d'ajouter un sujet complexe à la pile de dossiers qui s'entassent sur le bureau du président de l'OM. La mairie souhaite vendre le stade Vélodrome. « Eyraud a peut-être été le bon interlocuteur pendant un moment, mais, pour passer à cette nouvelle étape, il faut peut-être quelqu'un de différent », esquisse un ancien responsable politique. Il estime que Jacques-Henri Eyraud a très mal géré la colère des supporters : « Il faudrait qu'il intègre enfin que l'OM n'est pas seulement un business, mais aussi une passion qui anime des milliers de gens. »
Très pragmatique, voire « froid » selon d'anciens collaborateurs, Jacques-Henri Eyraud est souvent décrit comme un homme avec qui il est difficile de négocier. « Il déteste la contradiction, lance un ancien salarié. Il est brillant mais il manque d'humilité. Et il n'est jamais dans la concession. » C'est ainsi que le divorce s'est consommé avec les supporters.
Jacques-Henri Eyraud a peut-être approfondi le fossé qui les sépare, le week-end dernier, en critiquant « l'OM des magouilles ». Les Ultras n'ont pas digéré cette pique contre leur intouchable « boss » Bernard Tapie. Richard Caillat tente de justifier cette sortie maladroite : « Il reçoit une énorme charge d'agressivité. Mais je le trouve très calme et toujours à l'écoute. » Ce proche de JHE estime qu'il tire son « sang froid » de sa « pratique des arts martiaux ». Visiblement, le président est encore sur le ring pour un moment.
Le Parisien