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Que de péripéties depuis ce mois d’octobre 2016, quand Jacques-Henri Eyraud s’est retrouvé à la tête de l’OM. Via l’entregent de Didier Quillot, ancien directeur général de la Ligue, «JHE» (52ans) avait été présenté à Frank McCourt durant l'été précédent et avait charmé le milliardaire bostonien.
Mais, après la phase de découverte et l’opération séduction des premiers mois, quand le président s’essayait à chanter du IAM en plateau ou tapait dans le dos de René Malleville, le charme s’est vite rompu. Au-delà des résultats sportifs, de sa gestion chaotique des entraîneurs et des hommes au quotidien, de son côté cas- sant, estampillé parisien, trop marqué «business school of Harvard» pour les fi- dèles de l'OM, ses premiers discours sur la «fan experience» laissaient présager que le mariage serait difficile. À Marseille, cette approche très mercantile est un péché ori- ginel dont il n’a jamais su se défaire avec la
base des supporters, qui lui reproche aussi sa méconnaissance de l’histoire du club et de ses racines, ou sa façon de balayer les voix discordantes.
En conflit avec les Yan- kees, Eyraud n’a pas hésité à les expulser du Vélodrome, en juin 2018. Les nouvelles habitudes – plaintes contre ses propres supporters ou décision de leur faire payer les dégâts au Vélodrome – ont bousculé les groupes, véritable État dans l’État avec à peu près 25000 abonnés en virages.
Ses partisans se raréfient dans tous les milieux
Et même ses derniers soutiens l’abandon- nent. Depuis près de trois ans, JHE était proche de Rachid Zeroual, le boss des Win- ners. Jusqu’à cette semaine, ce groupe préférait d’ailleurs cibler les joueurs plutôt
que la direction. Les Winners ont fini par rejoindre les plus hostiles à Eyraud, comme les Fanatics, le Commando Ultra
et la Vieille Garde qui, eux, manifestaient
leur hostilité en ville depuis longtemps. Au- jourd’hui, le dialogue est totalement rompu, alors que JHE avait proposé la semaine dernière une réunion entre les diffé- rents leaders et les joueurs.
Au-delà de la base, l’image du président est écornée un peu partout. Elle a été noircie encore par ses propos sur les salariés de l’OM origi- naires de Marseille, tenus en décembre. Même s’il clame avoir reçu beaucoup de messages de réconfort ces dernières heu- res, ses partisans se raréfient dans tous les
milieux.
En politique, par exemple, Jean- Claude Gaudin, l’ancien maire de la ville, a été chagriné après avoir eu vent de propos peu amènes à son encontre. Beaucoup d’illustres anciens, comme Jean-Pierre Papin, lui reprochent de n’avoir jamais tenu ses promesses de les associer au projet. Chez les sala-
riés éconduits récemment, même sévérité envers un président qui les cajolait à ses débuts. Ces derniè- res heures, des messages criti- ques à son encontre se multiplient en public ou en privé. Adil Rami, avec lequel il est en procès aux prud’hommes, n’a pas été tendre sur les réseaux sociaux hier.
Des plaintes ont été déposées par le club hier et la voie judiciaire va suivre son cours. « On a énormément d’élé- ments parce que le site est largement équipé de vidéosurveillance, nous a expli- qué le président olympien hier. On va parta-
ger tous ces éléments avec les enquêteurs. Les gardes à vue vont aussi nous apprendre des choses sur leurs motivations et leur or- ganisation.» (1) Malgré ce climat insurrec- tionnel, Eyraud n’a pas l’intention de partir et ne semble pas menacé à court terme. Sans contre-pouvoir entre McCourt et lui, les deux dirigeants parlent d’une seule voix. Et cela s’explique. L’homme d’affaires, très loin du quotidien du club, s'informe uniquement par le prisme de son prési- dent délégué, qui a fait le ménage entre son boss et lui. Depuis plusieurs années, et malgré des résultats financiers très alar- mants avant même la crise sanitaire, McCourt le soutient.
L’Américain a évoqué hier matin dans un communiqué des « groupuscules de voyous » et « des actions incontrôlées et pourtant orchestrées par des forces mal- veillantes». C’est la rhétorique de JHE, per- suadé que l’ancien monde lui en veut. Quand il cite «l’OM des magouilles» sur Té- léfoot hier, la référence vise clairement Bernard Tapie. Eyraud dans L’Équipe, le 23
décembre, cinglait : «À l’OM, nous voyons,
de temps à autre, des bandes désorganisées fondre sur nous.
Ce sont les coalitions baro- ques d’anciens salariés licenciés, de diri- geants à la retraite qui pensent que l’OM leur appartient toujours, de supporters ultras ex- clus du stade, de prestataires écartés, de po- litiques locaux en mal de notoriété, d’anciens joueurs frustrés de ne pas avoir décroché de contrat avec le club. Là, cela a été mené avec une intention profondément négative, on les a assignés en justice, les juges diront le droit, et on ira jusqu’au bout pour démasquer les imposteurs, les haineux qui se cachent der- rière les comptes Twitter anonymes, bref, tous ceux qui ont cherché à nous déstabiliser, que nous avons identifiés. »
Il se veut impitoyable avec les contestataires
Brandissant la menace judiciaire pour mu- seler la critique, Eyraud semble particuliè- rement obsédé par son image, sur les ré- seaux sociaux ou dans les médias. On ne peut pas dire que sa cote de popularité y soit très élevée et il le rend bien à ses oppo- sants, dans une vision assez binaire du monde : on est avec lui, ou contre lui. Après avoir découvert l’étendue des dégâts à son arrivée à la Commanderie (2), samedi après-midi, Eyraud a fait le tour des mé- dias généralistes hier et s’estime soutenu jusqu’à l’Élysée.
En interne, il semble assez isolé, alors qu’il vient de se séparer de Gré- goire Kopp, son directeur de la communi- cation, recruté en avril et présenté avec en- train comme son relais attitré. Il prône désormais une attitude impitoyable avec les contestataires. Jusqu’où peut-il aller ? « J’entends des comparaisons avec le plan Leproux (en 2010 au PSG), confie un cadre du club. Mais il y a deux grandes différences : le degré de violences à Paris à l’époque, avec des morts lors d’affrontements entre sup- porters du même club ; et le fait que JHE n’a pas de plan, de stratégie précise sur ses tri- bunes. » Eyraud ne s’interdit pourtant rien avec les supporters les plus virulents. Le président a trois groupes dans le viseur : la Vieille Garde, le Commando Ultra et les Fa- natics. É