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Le fiasco de l'OM en Ligue des champions pose questions
Pour l'OM, l'élimination dès la phase de groupes de Ligue des champions était probable, une telle bérézina beaucoup moins.
Quatre matches, quatre défaites, neuf buts encaissés, zéro inscrit. Seul club français à avoir gagné la Ligue des champions (en 1993), l'OM est bien le cancre de cette édition. Un fiasco qui pose des questions sur ses origines et sur la suite.
Était-ce prévisible ?
Si l'on retourne quelques mois en arrière, on se souvient que l'OM avait un certain élan et une vraie solidité, quand il a obtenu la deuxième place en L1 pour se qualifier en Ligue des champions, en mars dernier. Mais, déjà, la suite s'annonçait compliquée parce qu'il est une évidence, quand même, que cette campagne de C1 ne bousculera pas : une équipe qui se qualifie en Ligue des champions via la L1 n'est pas forcément une équipe capable d'y exister réellement.
Et puisque, à Marseille, la priorité du mercato était de faire des économies, si possible en rentrant 60 M€ sur les ventes, l'Europe dessinait déjà un sommet risqué. Pour gagner des matches à ces altitudes, il faut des joueurs habitués à ces soirées particulières, à cette intensité et cette attention de tous les instants, à cette pression qui peut vous exalter et vous écraser aussi. Ces joueurs-là ont un prix, et l'OM n'était pas disposé à le mettre, cet été.
L'effectif était très court, André Villas-Boas voulait l'étoffer parce que la C1 alourdit nettement le calendrier, et cinq joueurs sont arrivés (Cuisance, Gueye, Balerdi, Luis Henrique et Nagatomo). Parmi eux, seul le Japonais avait déjà connu une titularisation en C1. L'OM a touché les limites de sa politique sportive, de ce Champions Project devenu un « Trading Project » pile au moment où le club retrouvait le faste de la C1. Il misait sur la cohésion du groupe de la saison dernière, sur ce pacte entre AVB et ses joueurs, mais il ne pouvait pas prévoir la défaillance de certains cadres, Payet ou Thauvin et, surtout, il se méprenait sur l'écart de niveau entre L1 et C1.
Alors, à quoi bon se qualifier en Europe si le seul objectif est d'empocher les recettes de la C1 et de faire des économies sur les ventes, l'été venu ? Il n'est pas sûr, vraiment, que la stratégie évolue dans les mois à venir, vu le profil de Pablo Longoria, nommé head of football en juillet dernier.
L'OM va-t-il changer de politique ?
L'OM s'est engagé dans un virage de sa politique sportive, l'été dernier, ce n'est pas pour en changer au bout de quelques mois seulement même si les directions précédentes ont parfois essayé d'inventer des formules marketing (« le projet Dortmund ») chaque été pour masquer leurs échecs sur le terrain. La nomination de l'Espagnol s'inscrit dans cette stratégie-là. Les dirigeants entendent donc désormais miser sur des prospects, appelés à être bien revendus. En attendant de récolter, peut-être, des plus-values, il faudra être de fins équilibristes et d'habiles négociateurs car les caisses sonnent creux et l'actionnaire n'entend pas remettre indéfiniment la main à la poche.
Frank McCourt a eu beau se féliciter du « rôle sociétal de l'OM » dans une interview accordée au New York Times, la semaine passée, il ne faut pas se tromper. L'Américain est avant tout un businessman qui étudie scrupuleusement les lignes de ses comptes et il ne peut se satisfaire de la situation économique désastreuse, quatre ans après sa prise de pouvoir. Il l'a déjà rappelé à plusieurs reprises à Jacques-Henri Eyraud, le président, et aux directeurs qui se sont succédé à l'OM ces dernières années. Il se murmure qu'un rappel à l'ordre et aux priorités économiques aurait été effectué, récemment, en interne.
Compte tenu des finances déjà souffreteuses du club, qui ne se sont pas améliorées avec la crise liée au Covid-19, l'actionnaire exige des ventes lors des deux prochains mercatos - hiver et été. L'OM a déjà laissé filer une belle opportunité avec Duje Caleta-Car, qui a décliné l'offre de West Ham - elle s'élevait à plus de 20 M€ - cet été. Elle aurait pourtant été bien utile et les interrogations se multiplient désormais autour du rôle de Paul Aldridge. Nommé il y a près d'un an pour ouvrir les portes de la Premier League, le conseiller de JHE n'a toujours réalisé aucune vente.
Où est passé Jacques-Henri Eyraud ?
Jacques-Henri Eyraud, le président marseillais, se fait très, très discret auprès de son groupe. C'est un peu normal. En milieu de saison dernière, à la suite d'un désaccord sur des primes, les joueurs - alors que les anciens ne sont pas fans du personnage - lui avaient fait comprendre que sa présence dans le vestiaire n'était pas indispensable. L'épisode du vrai-faux départ d'André Villas-Boas n'a rien arrangé.
La relation actuelle avec l'entraîneur portugais est distante mais ce n'est pas que de sa faute. AVB a voulu les pleins pouvoirs sportifs et Eyraud le laisse donc se dépatouiller seul. Mais, au-delà des petites ambitions personnelles, l'image de l'institution OM aurait bien besoin d'être un peu plus défendue. Et sur ce terrain-là aussi, le médiatique, JHE, qui vit la plupart du temps à Paris, est absent. Quand il parle, son message apparaît comme froid, lointain, dilué dans une stratégie de communication, personnelle et globale pour le club, qui part un peu dans tous les sens (opérations humanitaires et sociales avec OM Fondation, e-sport, partenariats commerciaux, label de rap...). Un simple coup d'oeil au compte Twitter de JHE résume bien le virage entamé depuis un moment. Politique, caritatif, hommages en tous genres : le dirigeant olympien n'aborde finalement que très peu le sportif.
Et quand il essaye de défendre son club, les tentatives sont un peu maladroites ou incomprises, à l'image de ce communiqué, la semaine dernière, en forme de tribune sur la nécessité de protéger les « gros » clubs des nombreux reports de matches en période de Covid-19. Des propos finalement assez peu repris. Il faut dire qu'Eyraud a fait le tri chez les journalistes, mettant une barrière au quotidien entre lui et certains médias, par l'intermédiaire de son « impact director » (si, si), Grégoire Kopp. Sur les résultats, le mercato, le financier, le présent, l'avenir, on ne l'entend plus depuis bien longtemps et lui-même semble avoir renoncé à partager sa vision, y compris en off. L'OM peut-il avoir un président aussi effacé ?