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OM : aux sources d'un malentendu entre Villas-Boas et Eyraud
Le projet vendu à l'entraîneur portugais par son président, à son arrivée à l'OM il y a un an, s'est vite heurté à la réalité des faits, accroissant la distance entre les deux hommes.
Il y a du soleil dans le ciel et des sourires sur les visages en ce mercredi de mai 2019. André Villas-Boas a signé la veille un contrat de deux ans avec l'OM, il est présenté aux journalistes à la Commanderie. Un vent de fraîcheur et d'espoir souffle sur le club, au sortir d'une saison délicate. À cette époque, le Portugais (42 ans) a une idée claire des moyens de l'OM, limités par le fair-play financier et par la volonté de son actionnaire, Frank McCourt, qui ne veut plus investir. Il a discuté avec l'Américain et avec Jacques-Henri Eyraud. Son président lui a présenté un projet attractif qui, sportivement, repose sur Andoni Zubizarreta, directeur sportif et ami d'AVB, à l'origine de sa venue.
JHE n'a pas caché la réalité. Le mercato s'annonce austère, la masse salariale doit être allégée, les déficits de l'exercice 2018-2019 comblés. Deux joueurs sont sur le marché, expliquent les dirigeants à l'entraîneur : Morgan Sanson et Florian Thauvin. Dès le début avril 2019, lors d'une réunion du Comex, ils ont été identifiés par "Zubi" comme étant les principales valeurs marchandes du groupe.
Cet effectif est limité en nombre, AVB apprécie le profil de ces deux joueurs, mais il accepte l'idée de leur départ. Il est encouragé, aussi, à intégrer des jeunes issus du centre de formation et il s'y attelle : en stage aux États-Unis, en juillet, il emmène 14 joueurs de moins de 23 ans. Dans leur grande majorité, on ne les verra plus avec les pros, durant la saison, parce que la marche est un peu trop haute aux yeux de l'entraîneur.
Gustavo et Ocampos, entorses aux premières annonces
Dès les premiers jours, celui-ci responsabilise ses cadres, Payet devant, Mandanda dans le but, et Luiz Gustavo au milieu. Il compte beaucoup sur le Brésilien, mais celui-ci finira par partir à la toute fin du mercato, attiré par une belle offre de Fenerbahçe. Un peu plus tôt, c'est Lucas Ocampos, sur qui le staff comptait dans son 4-3-3, qui s'était envolé vers le Séville FC : il lui restait un an de contrat, l'OM n'avait pas les moyens de lui offrir une prolongation.
Sur ce mercato estival, quelques entorses aux premières annonces apparaissent donc, mais les désirs de Villas-Boas sont pris en compte, aussi. Le Portugais veut un défenseur central d'expérience, l'OM prend Alvaro Gonzalez, il veut Benedetto, l'OM prend Benedetto. Zubizarreta, lui, bade Rongier depuis 2017, et il est exaucé. La situation du directeur sportif est pourtant bancale, déjà : dès septembre, JHE explique au Basque qu'il recherche un « directeur général en charge du football ». L'Espagnol avait pour mission de vendre Thauvin et Sanson, mais les offres fermes ne sont pas arrivées. AVB n'apprécie pas du tout la remise en question du travail de son ami, et une première cassure s'opère : la confiance est ébranlée.
Le 30 décembre, Eyraud appelle "Zubi" pour lui indiquer que Paul Aldridge arrive. L'Espagnol présente sa démission ; Eyraud, qui sait qu'un départ du Basque entraînerait celui de son entraîneur en pleine saison, la refuse. Quelques jours plus tard, face à la presse, le Portugais ne mâche pas ses mots et laisse planer le doute sur son futur au club à moyen terme.
Au-delà d'une méthode qui ne passe pas, celle d'affaiblir Zubizarreta et de le pousser vers la porte, la nomination d'Aldridge renforce chez l'entraîneur l'impression que le financier a pris le pas sur le sportif, dans les priorités des dirigeants. Au quotidien, l'obsession de faire des économies devient pesante pour le staff technique, qui constate que la réalité de l'OM de 2019 n'est plus tout à fait celle d'un club ambitieux. Et qui s'étonne de certaines particularités, comme le fait que des joueurs aient à payer pour des frais médicaux, ou qu'il faille batailler pour obtenir un nouvel ordinateur ou du matériel GPS.
La qualification en Ligue des champions arrive, le fossé entre l'entraîneur et le président est important, déjà. Après une réunion tumultueuse à la Commanderie, le 20 janvier, il prend même une tournure très personnelle. En sortant de son bureau, JHE dit à voix haute : « Personne ne m'a jamais parlé sur ce ton ! » Virulent pendant l'échange, AVB aura plus de mal que son président à passer à autre chose.
Eyraud veut 60 M€ de ventes
Fin mars, les deux hommes n'ont jamais encore évoqué la saison prochaine quand AVB part au Portugal pour près de deux mois de confinement. Avant de se pencher sur les contours de l'effectif, l'entraîneur veut une garantie : que "Zubi" reste directeur sportif, et avec une vraie marge de manoeuvre. C'est ce qu'il déclare sur RMC, le 5 mai : « Le plus important pour moi est de comprendre ce qu'il va se passer sur le plan structurel. Je dois comprendre qui seront les personnes à mes côtés, si Andoni et Albert (Valentin, responsable du recrutement) auront toujours du pouvoir ou non. »
À l'époque, AVB sait déjà que l'avenir de Zubizarreta à l'OM est plus qu'incertain. Mais la Ligue des champions a de l'attrait, aussi. Jeudi dernier, quand il rencontre son président avec Zubi, Eyraud annonce la couleur pour ce mercato : il veut vendre pour 60 M€. « Ce n'est plus un projet sportif, c'est devenu de la finance », soupire-t-on dans l'entourage du Portugais.