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Paul Aldridge, le conseiller très spécial qui rejoint l'OM
Il a la mine joviale, le visage rond, un accent londonien impeccable et ceux qui l'ont côtoyé s'accordent à le trouver « très sympathique », « avenant » ou « extrêmement agréable », ce qui donne une première idée plutôt positive du personnage. Habitué du football anglais, où il officie comme dirigeant depuis plus de vingt ans, mais méconnu du plus grand nombre, parce que les fonctions qu'il occupe l'ont toujours maintenu à l'abri des premiers rangs, Paul Aldridge s'est fait remarquer dès son entrée en scène, à l'OM, quand sa nomination a fâché l'entraîneur, André Villas-Boas, furieux de l'apprendre par la bande plutôt que par la bouche de son président, Jacques-Henri Eyraud. Une semaine plus tard, JHE et AVB ont pris le temps de s'expliquer, la pression est retombée mais le nouveau venu intrigue toujours : qui est-il et, surtout, que vient-il faire au club ?
Pour Eyraud, la réponse est claire : « Il arrive en tant que dirigeant, pas du tout en tant qu'agent », explique le président, et les états de service d'Aldridge vont dans ce sens. Aujourd'hui âgé de 54 ans, il n'en avait que 34 quand il est nommé « managing director » de West Ham, en 1999, sous la présidence de Terry Brown, patron du club londonien de 1992 à 2006. Il travaillera ensuite à Leicester (2006-2008), Manchester City (2008-2010), Sheffield Wednesday (2011-2016) puis Bolton (2016-2019).
Les expériences ne se terminent pas toujours bien, et notamment la dernière, à Bolton (relégué cet été en League One), marquée par de grandes difficultés financières et des retards de paiement sous la gestion très critiquée de Ken Anderson. « Paul n'était pas toujours d'accord avec Anderson mais il est resté très loyal envers lui et il s'est retrouvé à faire en son nom des trucs insensés, raconte un agent anglais. C'est Paul qui a dû affronter seul les joueurs dans le vestiaire, pour leur annoncer un vendredi de mi-mars 2019 qu'ils allaient être payés le lundi suivant de leur salaire de février, ce qui n'a finalement pas été le cas. C'était une période affreuse pour le club. Sans surprise, Paul était détesté par les joueurs et le staff. Mais humainement, c'est un type bien. »
Un personnage clé pour les arrivées de Tévez et Mascherano à West Ham en août 2006
Qui a rebondi à chaque fois, tissant un réseau solide dans le milieu du foot anglais et traînant quelques anecdotes au passage. À West Ham, par exemple, il avait dû faire le taxi pour la star de l'équipe, Paolo Di Canio, qui, pris d'une phobie subite, avait exigé qu'on le débarque de l'avion avant un match à Sunderland : Aldridge avait emmené l'Italien en voiture, soit un petit périple de plus de cinq heures. À West Ham, encore, il fut l'un des personnages clés pour les arrivées de Carlos Tévez et Javier Mascherano en provenance des Corinthians, en août 2006 ; un transfert qui avait surpris tout le monde puis défrayé la chronique, parce qu'il ne respectait pas les règles de la Premier League sur la tierce propriété, qu'Aldridge avait « oublié » de mentionner. Le club londonien paiera une lourde amende (5,5 millions de livres).
L'épisode le plus drôle de sa carrière britannique arrivera plus tard, à Manchester City, qui appartenait encore au Thaïlandais Thaksin Shinawatra. Aldrige appelle le collaborateur du président, Pairoj Piempongsant, en compagnie du directeur exécutif du club mancunien, Garry Cook, en plein mercato hivernal 2008. « Pairoj, dites-moi quoi faire, ce marché part dans tous les sens », demande Aldridge. « Oui, c'est compliqué, compliqué, c'est très compliqué », répond Piempongsant en anglais : « Very messy, it's getting very messy. » Un accent incertain peut-être, ou alors une mauvaise connexion téléphonique, en tout cas le message passe mal. Cook et Aldridge comprennent qu'il faut qu'ils prennent Messi. Le lendemain, ils font une offre au Barça. Quelques heures plus tard, Dave Richards, le patron de la Premier League, appelle Cook : « Barcelone m'a appelé, c'est vrai cette offre de 70 millions de livres pour Messi ? » C'était vrai, mais elle sera retirée très vite.
Un fixe très bas pour son poste de conseiller mais une part variable, aussi, en fonction de « ses résultats », selon l'OM
Garry Cook, qui a révélé l'anecdote à la presse anglaise le mois dernier, l'aura sans doute aussi racontée à Jacques-Henri Eyraud, puisque c'est lui qui a suggéré le nom d'Aldridge au président marseillais. Ce qui pose la question de l'origine de sa venue : Eyraud dit avoir pris la décision seul, mais Cook, américain, ancien dirigeant de Nike, connaît Frank McCourt et collabore à McCourt Global.
Derrière l'arrivée de l'Anglais, certains imaginent aussi l'influence de Willy McKay, agent influent et controversé du marché anglais, qui connaît Aldridge depuis son passage à West Ham. Si McKay a bien reçu un SMS d'Eyraud, qui venait aux renseignements, il n'a rien fait de plus, à l'écouter : « Je n'ai eu aucun rôle dans son recrutement, assure-t-il. Paul est un bon mec, très respecté dans le milieu du foot et en Grande-Bretagne. Il a de l'expérience sur la façon dont fonctionne un club. Je pense que le rôle initial pour lequel ils l'ont choisi, c'est pour le stade et l'événementiel, comme l'organisation de concerts. Je ne le vois pas passer des coups de fil et faire le boulot d'un agent. »
Peut-être, mais il vient quand même pour ouvrir des portes sur le marché anglais, faire profiter à l'OM de son réseau pour placer des joueurs en Premier League. Le nom de Sanson revient régulièrement, celui de Caleta-Car est apparu, aussi. En toile de fond, les finances dans le rouge de l'OM et les exigences du fair-play financier de l'UEFA, qui restent la priorité de JHE. Ce budget serré dicte également le salaire du nouveau conseiller, qui aura un fixe très bas pour ce poste mais une part variable, aussi, en fonction de « ses résultats », dit-on à l'OM. « Je ne vois pas en quoi il y a besoin de lui pour vendre des joueurs en Angleterre », témoigne, sceptique, un dirigeant habitué de la Premier League. Sur ce point, il sera facile de le juger : à la fin de l'été, ce sera déjà l'heure des comptes.