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Entrepreneuriat, digital... Les confidences de Jacques-Henri Eyraud, président de l'OM
Par Damien Chédeville (Lire tous ses articles)
30.04.2019 à 14h07
INTERVIEW - Présent en clôture du 1er sommet des start-up d'Aix-Marseille, organisé jeudi 25 avril par Challenges, le président de l'Olympique de Marseille, Jacques-Henri Eyraud, est revenu sur sa vision de l'entrepreneuriat. Il livre également sa philosophie concernant la révolution digitale qu'il a imposée dès son arrivée à la tête du club en octobre 2016.
On ne devient pas du jour au lendemain président de l'Olympique de Marseille, seul club français encore à ce jour à pouvoir se vanter d'avoir une étoile sur son maillot, signe distinctif de vainqueur de la Ligue des champions (Marseille a remporté la C1 en 1993), la plus prestigieuse des compétitions de clubs. Avant sa nomination en octobre 2016, au moment du rachat du club par l'investisseur américain Franck McCourt, Jacques-Henri Eyraud avait ainsi fait ses armes en tant qu'entrepreneur. Ce diplômé de Sciences-Po, Dauphine et Harvard, a co-fondé en 2000, Sporever, un groupe de média digital spécialisé dans le sport. Présent en clôture du 1er sommet des start-up d'Aix-Marseille, organisé jeudi 25 avril par Challenges, le président de l'OM est ainsi revenu sur sa vision de l'entrepreneuriat, ainsi que sur la révolution digitale qu'il a imposé au club phocéen.
Challenges - Pourquoi avoir accepté de venir à la rencontre de jeunes entrepreneurs au sommet des start-up d’Aix-Marseille ?
Jacques-Henri Eyraud - C'est toujours un plaisir de rencontrer des entrepreneurs. On le fait au sein de l'Olympique de Marseille. A la fois avec des start-up, mais il ne faut pas l'oublier, l'entrepreneuriat ce n'est pas que des start-up et de la technologie. C’est aussi quelqu’un qui est issu des quartiers et qui a envie de créer un restaurant ou un concept de boutique. En tout cas on aime ça, et moi à titre personnel je suis baigné dans ce milieu, dans cet écosystème depuis maintenant plus de 15 ans. Et donc c'est toujours un plaisir de rencontrer ces entrepreneurs, de discuter avec eux de leurs défis, et peut-être de leur donner quelques conseils. Même si je n'ai rien à leur apprendre.
Avez-vous quand même un conseil à donner aux jeunes entrepreneurs qui se lancent ?
Si je dois me lancer sur un conseil, c'est d'abord au niveau du temps passé pour décider des personnes qui vont vous entourer. Et ce thème de l'association, je crois qu'il est majeur. Cela a été mesuré, je crois que deux tiers des start-up qui échouent, n'échouent pas parce que leur produit est défaillant ou parce que le marché s'est retourné. Elles échouent parce que l'association, à un moment donné, s'écroule. Il faut donc être capable de choisir le bon associé ou les bons associés, quand on décide de se lancer et d'entreprendre.
Qu’est-ce que votre passé d’entrepreneur chez Sporever vous apporte aujourd’hui dans votre mission de président de l’Olympique de Marseille ?
Pour répondre, je vais peut-être partager avec vous la définition que j'aime bien de l'entrepreneur. C'est quelqu'un qui saisit des opportunités sans se soucier des ressources tangibles qu'il possède. Ça c'est important, et notamment la deuxième partie de la phrase. Dans le football on a l'impression qu'il y a beaucoup d'argent. Alors oui quand on est un État souverain, on a beaucoup d'argent. Mais quand on est un club comme l'Olympique de Marseille ou comme d'autres, alors il ne faut pas regarder forcément les ressources comme la clé de la réussite. Parce qu'il y en aura toujours, des concurrents, qui auront plus d'argent que vous. Donc il faut essayer d'être malin, de penser peut-être différemment avec des codes et des grilles de lecture qui peuvent être plus originales. C'est tout l'enjeu pour nous, comme pour d'autres clubs, pour rester compétitif. Et puis le monde de l'entrepreneuriat, c'est aussi cette philosophie, cet état d'esprit qui consiste à tester, toujours tester des hypothèses, et voir si elles fonctionnent ou pas et être capable de pivoter. Voilà, ça c'est une mentalité d'entrepreneur, qu'on essaye aussi d'appliquer à l'Olympique de Marseille. C'est difficile, parce que le sport professionnel et le football en particulier, c'est le règne de l'aléa. Mais c'est comme ça, et en tout cas on y prend beaucoup de plaisir.
Pourquoi avez-vous décidé à votre arrivée en octobre 2016 d’imposer une révolution digitale au club ?
Cette révolution digitale à l'Olympique de Marseille, c'est absolument fondamental. Un club de football, ça doit d'abord gagner des matchs sur le terrain. Grâce à une équipe compétitive, performante, qui affiche des valeurs. Mais un club de football c'est aussi un média, qui s'adresse à une communauté, extrêmement large. Pour nous, sur les réseaux sociaux, c'est plus de 10 millions de supporters qui nous suivent au quotidien, partout dans le monde. Et c'est vrai que la stratégie de l'Olympique de Marseille dans ce domaine, ça a été longtemps une chaîne de télévision, diffusée sur le câble et le satellite, qui s'appelait OM TV. Alors pour moi c'était un peu le média du XXe siècle, mais certainement pas celui du XXIe. Donc on a refondu la stratégie média du groupe, en étant beaucoup plus actifs, beaucoup plus dynamiques, beaucoup plus présents sur le digital. Et aujourd'hui on passe à la deuxième étape qui est la digitalisation pour le coup plus profonde, du club, de l'organisation. Avec évidemment une attention forte autour de la donnée. C'est plus qu'une mode. Je crois qu'on est parti pour des années et des années à étudier la donnée, pour comprendre mieux les aspirations de nos joueurs, leurs performances, leurs niveaux de performances, mais aussi celles de nos clients, celles de nos supporters qui viennent au stade. Donc cette analyse de la donnée, c'est quelque chose de fondamental, que l'on met en place depuis maintenant quelque temps et qu'on va continuer à implémenter dans les années qui viennent.
Justement, l’internationalisation de la Ligue 1 passe par le digital. Que pouvez-vous nous dire de l’action de la Ligue de Football Professionnel sur ce point, en tant que membre du conseil d’administration ?
Aujourd’hui, la LFP s’active fortement pour faire sa promotion, la promotion du football professionnel français dans le monde entier. On a des représentants qui vont en Asie, aux États-Unis. Ils rencontrent d’ailleurs des investisseurs potentiels là-bas et parlent des nouveautés, des innovations. Et c’est aussi une démarche qui permet de s’adapter. Cette saison, quelques matchs ont eu lieu le samedi à l’heure du déjeuner pour les téléspectateurs chinois. Et je crois qu’un de ces matchs a généré près de 10 millions de téléspectateurs, ce qui en Chine paraît peu, mais qui à l’échelle de la France est beaucoup. Donc il faut aussi être capable d’être flexible, ouvert, et de s’adapter pour que non seulement les supporters continuent évidemment d’apprécier leurs matchs, les matchs de leur équipe, mais qu’aussi des supporters, des fans de foot puissent découvrir les acteurs du foot français, les grands clubs, les joueurs emblématiques. C’est quelque chose de très important et moi je me réjouis de cette adaptation en cours, pour nous ouvrir toujours davantage au monde. Parce que c’est ce que font encore une fois nos concurrents.