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CADRES SOUS PRESSION
L’entraîneur, le président et le directeur sportif symbolisent l’« OM Champions Project ». Un projet qui pourrait se solder par un sacré raté en cas de non-qualification en Ligue des champions. BAPTISTE CHAUMIER et MATHIEU GRÉGOIRE
Au plus fort de la contestation, fin janvier, ils ont serré les rangs, seuls contre tous. Jacques-Henri Eyraud, le président, Andoni Zubizarreta, le directeur sportif, et Rudi Garcia, l’entraîneur, ont eu le mérite de ne pas se désunir, par conviction ou simple opportunisme peut-être. L’OM a redressé un peu la barre depuis, même si l’écart avec le podium (8 points) semble rédhibitoire à ce stade de la saison. Ce n’est pas encore l’heure des comptes pour les trois hommes forts du projet marseillais mais elle approche.
Et même une première victoire à Bordeaux, ce soir, depuis bientôt quarante-deux ans, risque de ne pas suffire à enjoliver le bilan général. Il risque même de piquer, que ce soit sur le plan sportif – en cas de nouvelle absence de la Ligue des champions – ou économique, alors que la publication des comptes des clubs par la DNCG a révélé un déficit de 78 M€ au 30 juin 2018 du côté de l’OM. Un club qui est aussi dans le viseur de l’UEFA dans le cadre du fair-play financier.
Rudi Garcia
Le tout-puissant en première ligne
L’entraîneur marseillais (55 ans) a essuyé une sacrée tempête, en début d’année, quand sa démission a souvent été réclamée par les virages frondeurs du stade. Il n’a pas très bien vécu cette période tendue, c’est un euphémisme, tout comme les critiques sur son management ou les questions sur son avenir, lui qui a été prolongé jusqu’en 2021, le 27 octobre. La longueur des discussions et le timing de cette prolongation ont surpris alors que tout aurait pu être réglé plus tôt. Garcia a gardé une certaine rancœur de ces épisodes et il supporte mal de se voir rappeler son bilan dans les grands matches, comme sa toute-puissance dans le domaine sportif. Mais il a résisté, ce qui n’est pas si courant pour un technicien à Marseille, grâce à l’appui de son président, pour qui un changement sur le banc était inenvisageable, grâce aussi au durcissement provisoire de sa méthode. Il était en première ligne et il ne s’est pas (plus ?) embarrassé des statuts.
Habitué à s’appuyer sur les cadres, il les a écartés de l’équipe de départ et les tauliers ne semblent plus aussi fidèles à leur entraîneur, dans un mécanisme logique où désormais chacun joue sa carte personnelle. Un peu plus esseulé dans le vestiaire, où les ficelles de son management sont désormais bien connues, l’ancien coach de l’AS Rome peut encore compter sur le soutien absolu de son staff, constitué de nombreuses personnes qu’il a choisies. Avec le public marseillais, en revanche, la passion n’a jamais vraiment pris, les supporters le considérant comme trop distant et trop calculateur.
Jacques-Henri Eyraud
L’entrepreneur doit performer
Samedi dernier (2-2 contre Angers), la prestation de son équipe l’a profondément agacé. Rationnel et précis, le président de l’OM (51 ans) souffre souvent pendant les matches, quand sa formation semble à la merci d’un comportement nonchalant ou d’une approximation technique. Il ne s’est jamais départi de son credo originel : un club de foot est une entreprise comme une autre. Encore interrogé lundi sur les contacts entre Arsenal et Zubizarreta, il a ainsi commenté : « Dans toutes les entreprises que j’ai dirigées, j’ai toujours été très flatté qu’un leader dans son secteur s’intéresse à l’un de mes collaborateurs. »
Cette vision du monde était aussi perceptible dans son interview au Dauphiné Libéré, à propos de son effectif : « On arrivera probablement au bout d’un cycle dans quelques mois, où il y aura des départs. » Un discours de manager, une perception logique – il est le premier à avoir noté le banc aux revenus XXL de ces dernières semaines (Strootman, Payet, Luiz Gustavo, Rolando, Rami) –, mais qu’il a exprimée très tôt dans la saison, trop tôt pour son coach, qui essaye de garder tout le monde concerné, quitte à mettre les vérités sous le tapis. En privé, Eyraud reconnaît que la grille salariale de l’OM devra être allégée. Peu fan du trading de joueurs, même si la vente d’Anguissa l’été dernier (30 M€ à Fulham) a nuancé le propos, il devra s’y atteler cet été. Relais principal, voire unique, de Frank McCourt sur le sujet OM, il aura des comptes à rendre après ces trois premières saisons du projet, sur les résultats sportifs, sur la prolongation et les objectifs de Garcia, sur le bilan financier aussi, avec des recettes en hausse mais qui sont loin de compenser les pertes, et obligent l’actionnaire à remettre au pot. Le président s’apprête déjà à se séparer de son DG adjoint, Jean-François Richard, un intime. Et lui ? Certaines personnes de son entourage, qui le trouvent trop attentif aux attaques et aux remarques sur les réseaux, lui imaginent un destin au sein de la firme McCourt Global, à un poste moins exposé.
Andoni Zubizarreta
S’affirmer ou s’en aller
Discret et bonhomme, le directeur sportif de l’OM (57 ans) concentre moins les critiques que Garcia et Eyraud, les deux hommes forts du club. Il a été récemment approché par Arsenal pour devenir son nouveau directeur du football. Avant cette prise de contacts, l’Espagnol était celui dont l’avenir au club semblait le plus flou. Pour certains cadres, il avait tout du fusible idéal en fin de saison, son empreinte sur les derniers mercatos étant trop minime. Pour d’autres, au contraire, il aurait l’occasion de développer un peu plus sa philosophie dans la seconde phase du projet olympien, axé sur des jeunes joueurs, la formation et la post-formation, une stratégie qu’il évoque depuis plus de deux ans. Aura-t-il l’occasion de sortir de l’ombre du commandeur Garcia, qui l’a préféré à Luis Campos en octobre 2016 ? « On m’a beaucoup rapporté de propos cette semaine, et je n’aime pas l’ambiance qui traîne en ce moment, le fait d’essayer de diviser les dirigeants, a tancé Garcia hier. On envoie Andoni je ne sais pas où, mais vous n’arriverez pas à nous diviser. » Cet été, il ne sera pas question pour Frank McCourt de les diviser, mais de jauger leur bilan et leurs responsabilités respectives. Le grand patron n’hésitera pas à faire des choix.
L'Equipe