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Aulas-Eyraud, l’entente cordiale
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT MATHIEU GRÉGOIRE (avec B. Gh.)
Sur la même longueur d’onde sur beaucoup de sujets, les présidents de l’OL et de l’OM ont tendance à s’épargner depuis dix-huit mois, à l’exception de deux ou trois tweets acerbes.
MARSEILLE – Ce jeudi 21 décembre, au Sofitel Vieux-Port, Jacques-Henri Eyraud termine l’interview avec une légère inquiétude : « J’espère que vous ne donnerez pas l’impression que j’attaque Lyon.» Pourtant, de la banane au Groupama Stadium lors de l’Olympico aller (*) au plongeon de Mariano à Toulouse, en passant par le sujet des pénos, le boss de l’OM s’est sciemment positionné sur des fronts chers à ses supporters. Piqué, Jean-Michel Aulas ripostera sur les réseaux sociaux et une querelle virtuelle égayera le réveillon des fans des deux camps. « On s’en est expliqués depuis, sourit le président de l’OL. Arrivant dans le football et à Marseille, où c’est plus difficile au niveau des supporters, il a voulu marquer son territoire. Et montrer qu’il n’était pas plus maladroit que moi dans l’utilisation de Twitter. Mais c’était un échange sportif, viril. »
De Diouf à Labrune en passant par Dassier, Aulas (68 ans) a vu défiler les patrons de l’OM, et les postures plus ou moins populistes. « Il faut être fort avec les forts, sinon, dans la savane du football, vous pouvez terminer rapidement en gibier, dit Eyraud. Mieux vaut donc annoncer la couleur. C’est ce que j’ai fait avec Jean-Michel. Je dois défendre mon club quand je l’estime nécessaire et juste. Il sait très bien le faire aussi. »
En coulisses, les deux hommes s’estiment. « Je l’apprécie en tant qu’homme, poursuit Aulas.Il a, sur le plan de la relation, une forme de loyauté. » Dès l’arrivée de Frank McCourt à l’OM, à l’automne 2016, Aulas a ressorti son thème du front commun des Olympiques face au « Qatar et à la Principauté de Monaco ». Il persiste: « Je ne pense pas que la famille McCourt et ses associés soient prêts à investir chaque année des centaines de millions pour rester en tête du Championnat. On se retrouve sur cette approche très loyale de développement de club à taille humaine et à taille entrepreneuriale. »
“Il est l’exemple le plus abouti du succès dans le football moderne
JACQUES-HENRI EYRAUD À PROPOS DE JEAN-MICHEL AULAS
Eyraud est de cet avis : « Nous sommes dans la même catégorie, la compétition sera acharnée entre nous. J’ai beaucoup de respect pour lui, et pour ce qu’il représente. Il est l’exemple le plus abouti du succès dans le football moderne. Performance sur le terrain, place de la formation au cœur du projet sportif, maîtrise de ses actifs stratégiques (comme le stade)… Il a montré la voie au service d’une ambition élevée. Lors de ses sept saisons magiques (2003-2010), l’OL a été trois fois en huitièmes de la Ligue de champions, trois fois en quarts, une fois en demies : le PSG n’a pas vraiment fait mieux, même si les conditions du succès sont aujourd’hui bien plus difficiles. Il l’a fait avec son argent. Ça change tout. Il n’est pas un État souverain qui choisit le football comme pilier de sa stratégie de développement. »
En coulisses, dans les instances françaises comme à l’ECA (European Club Association), où Aulas a introduit Eyraud, les deux hommes ont souvent des positions similaires, et veulent accélérer la mutation de la LFP en une société commerciale type Premier League. « Si, dans le cadre du fair-play financier visant l’OM, je peux aider à faire comprendre que c’est un point de passage obligé d’avoir un déficit sur un an supérieur à 30 M€ après la reprise d’un tel club, je le ferai », explique JMA. « Dépucelé » par Tapie, il aime parrainer les nouveaux visages de l’OM. Eyraud (49 ans) n’a pas la tête du padawan docile, mais il écoute : « Nous sommes nés le même jour (le 22 mars), à près de vingt ans d’intervalle. Il paraît que les astres nous rapprochent. C’est déjà beaucoup. J’essaie de me nourrir de son expérience, j’apprends de lui, du fonctionnement des instances, de la gestion des diverses parties d’un club, des vertus de la diplomatie, de la nécessité de l’affrontement, et aussi de l’intérêt et des limites de la mauvaise foi. » La suite sur le terrain, ou sur les réseaux. ‘
(*) « Ce n'est pas au Vélodrome que l'on voit une banane », a dit Eyraud, en référence à de supposées provocations à caractère raciste pendant l'échauffement de Mandanda.