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Sa poignée de main est chaleureuse. Quand Frank McCourt salue quelqu'un, il lance d'abord une petite phrase amicale à son attention. Hier, à la mi-journée, sur la lumineuse terrasse de l'Intercontinental Hôtel-Dieu, à Marseille, il s'est ainsi souvenu avec malice de sa première entrevue avec La Provence, le lundi 29 août. Ce jour-là, l'homme d'affaires américain nous avait reçu dans un bureau du Pullman, sur la Corniche, avant de se rendre à l'Hôtel de ville, pour annoncer, aux côtés de Margarita Louis-Dreyfus et Jean-Claude Gaudin, l'ouverture de négociations exclusives pour le rachat de l'Olympique de Marseille.
Vingt jours après, il a cette fois opté pour un déjeuner avec vue sur le Vieux-Port et Notre-Dame-de-la-Garde. Un rendez-vous très détendu au cours duquel il a pris le temps de développer plus en profondeur son projet pour l'avenir du club champion d'Europe. Accompagné de Jacques-Henri Eyraud, le futur président, et de deux membres d'Image 7, l'agence qui gère sa communication dans ce dossier, le Bostonien s'est montré très ambitieux.
Il sait parfaitement où il met les pieds et veut regarder vers l'avenir. Avec optimisme et sérieux. L'ancien propriétaire des Dodgers a bien l'intention de ne rien laisser au hasard. Il a le souci du détail : au moment de commander une grosse salade verte, il a ainsi demandé que la vinaigrette lui soit servie à part. Anecdotique, bien sûr. Son discours est en tout cas carré. L'élégant sexagénaire dit avoir appris des erreurs du passé. Il se souvient par exemple que son mutisme face à la presse lui a été préjudiciable à la fin de son aventure dans la franchise de baseball de Los Angeles, notamment au moment de son divorce, en 2009.
Frank McCourt a donc décidé qu'il expliquerait désormais clairement les choses. Histoire de ne laisser libre court à aucune interprétation. Si "une simple incompatibilité d'agenda" l'a conduit à annuler son rendez-vous avec le sénateur-maire de Marseille vendredi, ce n'est que partie remise. L'Américain se plaît dans la cité phocéenne, où il assistera ce soir à OM-Lyon (20h45). Après 48 heures dans la grisaille de la capitale, il apprécie ce climat méditerranéen qui lui rappelle la Californie. Entretien.
Cela fait trois semaines que vous êtes entré en négociations exclusives avec Margarita Louis-Dreyfus pour racheter l'OM. Aujourd'hui, où en est le processus de rachat du club ?
Frank McCourt : Le dossier évolue favorablement, les choses suivent leur cours. Dès que nous recevrons la réponse du comité d'entreprise, nous finaliserons la transaction. Le processus est bien enclenché et ça ne devrait plus durer très longtemps.
La semaine prochaine va être importante avec un rendez-vous devant la DNCG lundi puis la tenue du troisième comité d'entreprise le lendemain...
Nous avons bien rendez-vous avec la DNCG, lundi. C'est une procédure tout à fait standard et normale pour un investisseur qui achète un club. La DNCG veut savoir quel est notre projet, notre plan, nos ambitions en termes d'investissement dans l'équipe, ce que nous allons faire dans les trois ou cinq prochaines années, etc. Nous avons hâte de partager notre vision du club avec ses membres. Nous allons nous concentrer sur les détails de notre plan d'un point de vue financier.
Avez-vous prévu de rencontrer prochainement les associations de supporters ?
Bien entendu, mais cela ne se fera pas avant que je sois officiellement propriétaire du club.
Comment comptez-vous vous y prendre pour faire revenir les supporters au stade Vélodrome ?
Ils ne veulent qu'une chose : que l'équipe gagne, qu'elle aille bien. Ils veulent la soutenir, aussi. Ils reviendront en grand nombre parce que notre envie de gagner est réelle, notre investissement est sérieux. Ils prendront connaissance de notre projet, nous répondrons à leurs questions. Je pense qu'ils seront très enthousiastes. Au final, les supporters veulent que leur équipe joue bien, c'est ce que nous voulons aussi. Nous sommes sur la même longueur d'onde. En ce qui me concerne, ce qui est arrivé appartient au passé. Nous voulons regarder vers l'avenir et mettre notre projet à exécution pour ramener le titre de champion à Marseille.
Concrètement, que voulez-vous faire avec les supporters ?
C'est l'un des quatre piliers de notre projet. Nous voulons qu'ils soient fiers de leur équipe et que celle-ci fasse partie de leur vie de tous les jours, encore plus qu'à l'heure actuelle.
La clé, c'est la victoire. Nous voulons également faire des choses entre les matches et même lors de l'intersaison, afin que l'OM soit vécu comme un véritable mode de vie. Nous voulons créer une expérience inédite pour eux, qui irait au-delà des matches au stade.
Avez-vous un message à leur adresser ?
Revenez au stade voir l'équipe, nous sommes ensemble dans cette aventure et nous allons remettre l'OM sur les rails du succès et du titre de champion de France.
Savez-vous que la plupart des supporters vous aiment déjà ?
Je suis heureux de l'entendre, je ne le savais pas. Merci. Ils m'aimeront encore plus quand on gagnera... ou peut-être moins si nous n'y parvenons pas.
Ils souhaitent que cette équipe joue correctement, fasse des efforts, obtienne des résultats et soit de nouveau sur le chemin pour redevenir une très grande équipe. Si nous tenons nos promesses, ils auront du respect pour moi. J'ai confiance en eux et ils nous donneront, en nous soutenant, l'opportunité de réaliser notre projet. Ils sont comme Jacques-Henri et moi : ils veulent que cette équipe réussisse.
Pourquoi avez-vous choisi de confier le poste de président à Jacques-Henri Eyraud ?
Il a de grandes qualités de management. Choisir quelqu'un d'expérimenté et de crédible est, à mes yeux, très important. Il a l'expérience des postes de direction, ne fait pas les choses mécaniquement. C'est aussi une personne créative. Nous nous entendons très bien, nous pensons de la même manière, comme des entrepreneurs. Nous ne pensons pas à ce que nous ne pouvons pas faire mais à ce que nous allons réaliser.
Nous avons une attitude positive. Enfin, nous sommes sur la même longueur d'onde. C'est important que le propriétaire et le management soient dans le même état d'esprit. Sinon, c'est comme deux personnes qui tirent une corde chacun de leur côté, cela ne mène nulle part. Voilà pourquoi je pense que Jacques-Henri est un très bon choix.
Il n'est pas issu du monde du football. Cela ne vous gêne-t-il pas ?
Il connaît très bien le monde du sport. Mais aussi celui du business. Jacques-Henri n'aura pas la responsabilité de composer l'équipe, ni de l'entraîner.
Pourquoi l'avez-vous nommé président alors que le club ne vous appartient pas encore officiellement ?
J'ai pensé qu'attendre n'avait pas de sens. D'un côté, nous respectons le processus légal avec le comité d'entreprise notamment ; de l'autre, nous devons être prêts à être propriétaire de ce club. On ne peut pas attendre sans y être préparé. J'ai estimé qu'il était important de prendre une telle décision.
Je souhaitais m'appuyer sur une personne qui connaît bien la culture et l'environnement français. Je voulais aussi rassurer les supporters en prenant les décisions nécessaires et en mettant quelqu'un en place pour être au contact du club et de ses équipes très rapidement. Je suis conscient des attentes des supporters. Ceci nous permettra d'avancer en douceur d'une façon réfléchie.
Avez-vous déjà en tête le futur organigramme du club ?
Nous ne sommes pas encore propriétaires de l'OM. Nous prendrons le temps. Une fois que nous aurons pris connaissance de tous les éléments, on prendra les décisions nécessaires à partir de ce moment-là. Le faire maintenant un peu au hasard serait prématuré. Être réfléchi sur ce genre de choses est important. Quand nous aurons le privilège d'être propriétaires, avec Jacques-Henri, nos consultants et moi-même, nous commencerons à analyser la situation et ce que nous devons faire pour l'améliorer.
Et le personnel en place ? Que va-t-il se passer pour lui ?
C'est la même chose. Je veux attendre d'être en place pour rencontrer les salariés du club, avoir un meilleur niveau de connaissance et d'information, avant de prendre des décisions.
Venons-en au poste de directeur sportif qui suscite bien des fantasmes. Le nom de Leonardo circule depuis une semaine. Fait-il partie de vos plans ?
Ce n'est pas vrai. Notre volonté est de soutenir les personnes actuellement en poste, cela inclut les joueurs, l'entraîneur et le directeur sportif. Nous avons des matches à jouer, je suis ici ce week-end pour le grand rendez-vous de demain (aujourd'hui). Nous avons besoin de gagner. Pour y parvenir, nous devons être sur la même longueur d'onde. Je regarde attentivement ce qui se passe. Prendre des décisions prématurées ne serait pas la bonne manière d'agir. Nous devons respecter les équipes actuellement en place et les laisser travailler. Souvenez-vous que le but est de bâtir une équipe capable de remporter le championnat, compétitive saison après saison. Nous voulons gagner tous les matches, mais nous devons le faire correctement, sans être dur ni imprudent dans nos décisions. Croyez-moi, la passion est forte en moi (il porte les mains à son ventre) !
Le poste de directeur sportif est central dans votre réflexion et votre réussite, non ?
Bien sûr. J'en ai parlé avec Jacques-Henri. En tant que propriétaire d'équipe, j'ai retenu deux ou trois leçons. L'une d'elles - et je considère ça comme un credo -, c'est que le propriétaire, le président et le directeur sportif doivent tous aller dans la même direction, partager la même aspiration, vous savez, d'être le numéro 1.
Un ancien directeur sportif, José Anigo, est toujours sous contrat. Le connaissez-vous ? Qu'allez-vous faire de lui ?
Je le connais de nom, je sais qui il est mais je ne l'ai pas rencontré. Encore une fois, mes décisions importantes interviendront quand je serai propriétaire. J'essaie d'être clair. Quand l'OM m'appartiendra et que je serai plus au fait de certaines choses, je pourrai partager plus clairement la manière dont nous allons parvenir à nos objectifs. Nous devrons faire beaucoup de choses. Il y a un temps pour en évoquer certaines, mais ce n'est pas avant d'être officiellement propriétaire du club.
Vous voulez défier et battre le PSG. Comment comptez-vous vous y prendre pour que l'OM arrive au niveau de Paris ?
Dans mon esprit, quel serait le but ou l'intérêt d'être 2e ? Où est la passion, l'excitation, l'envie, le défi ? Nous voulons être le club N.1. Pour y parvenir, nous devons être aussi bons... non, meilleurs que le PSG. Nous devons aussi être réalistes sur la situation dans laquelle le club se trouve actuellement. Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain. Nous devons assembler les pièces du puzzle pour être compétitifs et battre Paris systématiquement. C'est le but ultime du sport. Nous n'accepterons rien de moins bien que ça. Tout le monde doit aller dans cette direction, travailler le plus dur possible.
Comment avez-vous trouvé l'ambiance du stade Vélodrome lors de France-Allemagne ?
Fantastique ! J'ai hâte d'être à demain (aujourd'hui). J'ai assisté à deux matches de l'Euro (Portugal-Pologne aussi), mais on m'a dit que l'ambiance était encore mieux quand l'OM joue. Je suis très excité, nous avons la chance d'avoir une si belle enceinte. Maintenant, nous avons juste besoin de gagner.
Ce soir-là, avez-vous repéré des joueurs ?
Oui. Mais je ne vais pas répondre à cette question (rires).
L'OM pourrait-il, par exemple, recruter un élément comme Antoine Griezmann ? (En français) Impossible n'est pas marseillais ! Nous devrions regarder les choses plutôt comme de l'ordre du possible que le contraire.
Quel type de joueurs appréciez-vous ?
Ceux qui pensent au collectif, qui placent l'équipe en premier et le font de manière significative ; j'aime les joueurs qui se donnent à 100% à chaque match et sont professionnels dans l'approche de leur métier. Beaucoup de gens comptent sur eux, mettent leur coeur et leur âme pour les supporter et veulent être fiers d'eux. Nous avons donc besoin de joueurs qui rendent les supporters fiers.
La devise de l'Olympique de Marseille est "Droit au But". Les supporters aiment le football offensif, avec du spectacle. C'est aussi ce que vous voulez ?
Cela fait partie de la personnalité du club et du football français en général. La devise y fait référence. Nous voulons accomplir cette ambition.
Vous avez expliqué que vous alliez être très exigeant sur la qualité de la formation. Ce sera l'un de vos principaux objectifs ?
Très bonne question. J'ai regardé les statistiques sur ce sujet. Nous sommes 22e, c'est tout à fait inacceptable. Nous devons être au sommet du classement. Vous savez, certains peuvent dire que cela n'a pas d'importance. Être dans les premiers chaque saison est un objectif. Nous voulons avoir un "pipeline" de jeunes talentueux issus de notre système, qui apprennent à jouer au foot à la manière de l'OM, qui arrivent progressivement dans l'équipe première. Nous avons besoin de ça, de joueurs formés chez nous. Car au moment où ils arrivent au Vélodrome, ils savent ce que nous attendons d'eux, comment nous voulons qu'ils jouent, quelles sont les attentes... Nous faisons ensuite une association avec des stars ou des joueurs plus expérimentés qui vont être des meneurs et montrer la voie. On ne peut pas prendre un jeune, le jeter dans un match et lui demander de prendre des bonnes décisions à 100%. Rien ne remplace l'expérience. Ce type de combinaison donne les résultats les plus élevés et les plus constants. C'est elle qui va nous faire avancer. Ce n'est pas l'un ou l'autre, mais ce n'est pas l'un sans l'autre. Je veux que nous progressions dans le "scouting", qu'on trouve les talents, y compris localement.
Ce projet ne se fait pas en un claquement de doigts...
Oui. Là, nous devrons donc nous pencher plus vers le marché des transferts. Nous n'allons pas attendre quatre ou cinq ans pour être compétitifs. Nous allons l'être maintenant et nous devons avoir une stratégie à court terme en même temps que nous bâtissons notre stratégie à long terme avec de jeunes talents.
Allez-vous octroyer davantage de moyens à la formation ?
Nous allons nous donner les moyens nécessaires. Nous devons d'abord déterminer si nous avons les ressources adéquates et si elles sont investies de la bonne manière. Et mon engagement, c'est d'apporter ces ressources pour atteindre l'objectif que j'ai évoqué.
Comment allez-vous suivre le match ce soir ? Allez-vous parler aux joueurs ou resterez-vous plus discret ?
Je vais rester discret. J'ai beaucoup à apprendre à propos de cette équipe, je vais surtout la regarder jouer et l'étudier. Je serai avant tout un grand supporter.
Que savez-vous de Lyon et son président-propriétaire Jean-Michel Aulas, qui est sans doute le dirigeant le plus expérimenté du foot français ?
J'ai beaucoup de respect pour ce club. Jean-Michel Aulas fait du bon travail. J'ai d'ailleurs entendu de très bonnes choses à son propos. C'est un leader du football français. Mais cela ne change rien à mon envie de voir l'OM battre l'OL.
Vous allez investir dans un club de Ligue 1, un championnat beaucoup moins riche que la Premier League. Pourquoi avoir choisi la France ?
C'était une grande opportunité. J'ai un penchant naturel pour les défis et les situations d'outsider. Je suis combatif. Tout ne tombe pas du ciel, il faut se battre. C'est la manière dont j'ai été éduqué, grâce à laquelle j'ai connu le succès dans ma vie. J'aime soutenir l'outsider. Celui qui travaille dur, qui se bat, surprend les gens. Dans le sport, cette attitude compte. Vous devez vous accrocher pour obtenir les choses. Ce que je vois, c'est que la France est un pays où on aime beaucoup le football et qui forme de très bons joueurs. Des joueurs qui vont en Angleterre ou dans d'autres pays pour jouer. Cela me laisse donc penser qu'il y a ici une possibilité pour faire encore progresser la qualité des joueurs évoluant au sein du championnat de France. Le football est une religion à Marseille. Cela fait partie de la culture. Mon objectif, c'est de faire revenir l'OM au meilleur niveau, que cette équipe redevienne la meilleure en France. Si nous y arrivons, nous ferons progresser la Ligue 1.
Vous savez qu'à Marseille, les gens ne sont pas beaucoup patients...
Je ne le suis pas moi-même. Mais je suis réaliste. Nous allons prendre des décisions réfléchies, intelligentes pour remonter le club à son meilleur niveau, là où les supporters veulent qu'il soit. C'est ma mission. Mon travail, sans être irrespectueux, ce n'est pas de faire ce que les médias disent, c'est de faire ce qui est le meilleur pour l'équipe afin d'atteindre notre but. Pour y arriver, nous allons être totalement clairs sur nos objectifs. Ce qui m'importe, ce sont les quatre piliers de mon projet (OM champion). J'ai grandi en étant moi aussi un fan. Je comprends donc l'impatience des supporters. Je sais ce que c'est, ce n'est pas un concept abstrait, j'ai ça aussi dans mon ADN.
L'OM est le seul club français à avoir gagné la Ligue des champions, en 1993. Votre objectif est-il de la gagner à nouveau un jour ?
Bien sûr ! C'est un rêve. Nous allons procéder étape par étape.
Les vingt dernières années ont été marquées par des affaires judiciaires autour de l'Olympique de Marseille. Ce contexte difficile ne vous effraie-t-il pas ?
Non. Je ne passe pas mon temps à regarder vers le passé. Je me focalise sur le futur et me concentre sur nos objectifs. Je vais m'assurer que tout le monde aille dans ce sens-là. Mais ce qui s'est passé, c'est du passé. Ce qui m'importe, en revanche, c'est ce qui se passera à partir du moment où je serai propriétaire du club. Je n'aurai aucune tolérance (il est ferme et se répète). Je ne supporterai pas les mauvaises conduites. Dans chaque aventure, l'intégrité est très importante. Notre réputation compte profondément.
Vous avez été beaucoup critiqué aux États-Unis lorsque vous étiez propriétaire des Dodgers. Comprenez-vous ces attaques ?
Je comprends. Si vous regardez la situation, vous constaterez que les critiques ont été émises dans des périodes difficiles, durant les dernières années. Quand j'ai acheté le club, il n'allait pas très bien. Financièrement, il était classé dernier de tous les clubs de la MLB. La marque en souffrait. Entre 2004 et 2009, nous avons été capables de retourner complètement la situation. Nous sommes passés du statut de club le moins performant financièrement à celui de plus performant. Cela a été mis en évidence par la somme record pour laquelle je l'ai vendu (2,15 milliards de dollars). La marque a été restaurée et a retrouvé ses lettres de noblesse. Les fans ont retrouvé les raisons de s'enthousiasmer. Les spectateurs sont revenus au stade. C'était une superbe époque. Malheureusement, j'ai rencontré des problèmes dans ma vie personnelle. Quand c'est arrivé, ce fut le point de rupture. Les choses ont radicalement changé. Il faut séparer la période d'avant 2009 et celle concomitante à mon divorce. La décision de vendre le club a été difficile mais nécessaire. J'en ai donc tiré des enseignements.
Votre nom était à peine sorti en France que, déjà, vous étiez critiqué. Cela vous a-t-il blessé ?
Bien sûr. Cela fait toujours du mal. Si intérieurement, vous êtes une personne, attentionnée et respectueuse des autres, cela vous touche. Je m'y attendais. Je savais que cette série d'articles sur moi ferait du bruit à Marseille. Mais j'avais confiance. Je savais aussi que j'aurais l'opportunité d'en parler et d'expliquer les choses. Parmi les enseignements que j'ai tirés de ma précédente expérience, je suis sûr d'une chose : une famille propriétaire d'un club, c'est une bonne chose. Mais le management familial, ce n'est pas nécessairement bien... Car lorsque nous rencontrons un problème familial, cela devient le problème de l'équipe. Ce fut donc une leçon difficile à apprendre, mais importante.
La deuxième leçon est que tout prend des proportions énormes lorsque cela devient public. Cela n'est plus seulement traité dans les pages sports, mais aussi dans les pages people des tabloïds. Tout devient hors de contrôle, ce n'est même plus réel, c'est fantaisiste. À l'époque, j'avais pris la décision, par respect pour mes quatre fils, de ne pas parler. Commenter alimentait l'histoire. Je suis resté stoïque, silencieux, j'ai laissé faire. Je savais que j'allais en payer le prix, mais je ne pensais pas que celui-ci serait aussi important. Je vais citer Aristote : "La nature a horreur du vide". C'est d'autant plus vrai avec les médias. Si vous ne parlez pas, d'autres le feront à votre place. C'est pourquoi je prendrai la parole quand cela s'avérera nécessaire.
Pourquoi avoir choisi le football ?
Cela vous surprendra peut-être, mais j'ai joué au soccer au lycée. Il n'y avait pas d'équipe de foot américain. Je ne dis pas que je suis un expert, mais sachez que c'est un sport pratiqué depuis longtemps aux USA. Mes quatre fils y ont joué à l'école. C'est une discipline très populaire chez nous, beaucoup plus importante que vous ne pouvez le croire, notamment parmi les femmes. Les résultats de l'équipe féminine américaine sont bons depuis plusieurs années, et elles sont très compétitives sur la scène internationale.
Allez-vous demander conseil à des anciens dirigeants, voire à des anciens joueurs de l'OM, pour connaître leur vision du club ?
Évidemment. Il est important de comprendre ce qu'ils pensent. J'ai beaucoup à apprendre, comme je l'ai dit. Parler à des anciens sera une bonne chose.
Nous avons croisé Basile Boli dans cet hôtel. Allez-vous le rencontrer ?
Oui, je l'espère prochainement. Il fait partie de l'histoire de ce club avec son but de la tête, le 26 mai 1993.
Beaucoup de gens demandent si vous venez à Marseille pour remonter l'OM ou pour y faire des affaires. Voire les deux...
Je viens ici principalement pour gagner. Je dirais que c'est une fantastique opportunité. Ma priorité n'est pas de gagner de l'argent. Je serai sûrement très populaire quand nous gagnerons... (rires). Mais il ne faut pas se focaliser sur ça.
Marseille est une ville pauvre. Beaucoup de supporters craignent donc une augmentation du prix des places au stade. Quelle sera votre politique à ce sujet ?
Quand j'étais propriétaire des Dodgers, à Los Angeles, il était très important pour moi de maintenir les places à des prix abordables. Bien sûr, il y avait des places plus chères. Nous devons garder un stade Vélodrome accessible. Surtout pour les supporters les plus passionnés, qui ont l'OM dans le sang. Nous devons les respecter et être sûrs qu'ils pourront venir encourager leur équipe.
Quel rôle avez-vous tenu lors de la fin du mercato. Avez-vous été décisif dans les dossiers Diarra et Vainqueur ?
Je l'espère. Mon intention était d'envoyer un signal afin de montrer ce que nous pouvions faire dans un laps de temps très limité, en deux jours. Il y a urgence à gagner. Je suis content que nous ayons pu réaliser quelques petites choses.