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SECRETS ET MYSTÈRES; Frank McCourt, une ombre sur Marseille
Attention, événements ! Ces jours-ci ont été traversés par un moment rarissime : deux prises de parole de Frank McCourt ! Oui, vous avez bien lu. L'homme d'affaires américain s'est enfin extirpé de son habituelle réserve pour, en début de semaine, délivrer un premier message qui lui tenait à coeur. Le sujet ? Roulement de tambour... Son projet Liberty censé révolutionner internet pour "construire un écosystème plus sain" ! Et l'Olympique de Marseille dans tout ça ? Patience... Quelques heures plus tard, l'énigmatique Américain a volé au secours de Pablo Longoria, chahuté par le journaliste Stéphane Guy sur les ondes de RMC. Il a apporté "tout (s)on soutien" à l'homme qu'il a porté au pouvoir, voilà trois ans, et dont l'intégrité a été remise en question. Ces attaques le font plus tiquer que les performances déplorables de l'un de ses principaux actifs embourbé dans une saison cauchemardesque.
L'exaspération est pourtant à son zénith chez tous ceux qui aiment cette institution en perdition et souffrent à mesure qu'elle s'enfonce dans la médiocrité, voire l'indifférence. Comme si son propriétaire semblait continuer à se désintéresser de ses résultats et de son avenir, alors que le microcosme olympien guette la moindre de ses réactions et se désespère de ne toujours rien voir venir.
Sa dernière apparition publique avec la casquette de propriétaire de l'OM ? Il faut remonter au début de la saison, pour les trois coups de cet exercice éprouvant, avec la victoire contre Reims (2-1) au Vélodrome qu'il imaginait comme un cadeau avant l'heure pour son 70e anniversaire, célébré deux jours plus tard. Venu avec son fidèle Barry Cohen, président du conseil de surveillance depuis seize mois, il ne s'est pas attardé à Marseille. Lorsqu'il veut recevoir, McCourt préfère souvent le calme et la discrétion de sa plage tropézienne, l'Épi, acquise en 2018 et qui serait déjà en vente. Dans ce cadre voluptueux, il a notamment fait connaissance avec l'éphémère Marcelino, le 9 juillet dernier, venu depuis Marseille pour un aller-retour express en hélicoptère avec Pablo Longoria et Javier Ribalta.
Il ne veut plus injecter d'argent après avoir englouti des centaines de millions d'euros dans le club
Cette année, il n'a même pas daigné assister au Clasico, un rendez-vous pourtant cerclé de rouge dans son agenda les saisons précédentes. Difficile de se montrer dans un contexte explosif, avec un OM au bord du chaos après la réunion du 18 septembre qui a abouti à la mise en retrait de la direction et à la présence de l'improbable duo Abardonado-Friio sur le banc, une soirée de fessée au Parc des princes (4-0). Tout juste a-t-il pris la peine de s'exprimer, trois jours plus tôt, à travers un communiqué transmis par Image 7, l'agence qui gère sa communication en France, pour soutenir Longoria et le club dans son ensemble. Depuis ? Silence radio, jusqu'à cette semaine. Il est apparu à Lisbonne, en novembre dernier, pour un Web Summit où il a - encore - disserté sur l'avenir d'internet. Ces temps-ci, il fait polémique à Los Angeles où il porte un projet de télécabine au coût élevé (500 millions de dollars) et où certains redoutent que ce chantier ne serve qu'à l'enrichir. Mais à Marseille et pour l'OM, toujours rien, ou trop peu.
Les heures précédant la réception de Metz, des supporters influents ont fait courir le bruit que l'Arlésienne originaire de Boston prendrait place dans la corbeille du Vélodrome. Intox, évidemment, sa prochaine venue n'étant toujours pas planifiée. Il avait prévu de venir en France à la fin du mois de janvier avant qu'un problème d'agenda n'annule ce déplacement au dernier moment, sans que l'on connaisse l'objectif réel de ce voyage transatlantique. À des milliers de kilomètres, ses oreilles ont dû siffler. Il en a pris pour son grade lors d'OM-Metz, avec une banderole sans équivoque déployée dans les travées clairsemées d'un Vélodrome figé dans une colère froide : "McCourt : 8 années d'échecs et de négligences". Le message cinglant est l'oeuvre des Fanatics. Mais sa portée dépasse le cadre des sympathisants de ce groupe du Virage "Depé". Il résume le sentiment général et l'exaspération du peuple marseillais. Qui a d'abord cru à ses boniments. Mais qui ne comprend pas son absence récurrente ni sa manière de déléguer, alors que la cote de Pablo Longoria s'érode à mesure que le nombre de transferts s'envole et que les résultats sont en berne.
Avant lui, un autre propriétaire-milliardaire procédait pourtant ainsi : Robert Louis-Dreyfus. Sa présence à Marseille était tout aussi épisodique. Mais le Franco-Suisse avait un atout dans sa manche : il connaissait mieux le football, ce qui ne l'a pas empêché de commettre des erreurs et d'être condamné par la justice. McCourt, lui, suit les remous autour de l'OM de loin, à travers ses relais et les informations que ceux-ci veulent bien lui faire remonter. Jacques-Henri Eyraud lui a longtemps présenté une vision biaisée de la réalité marseillaise. Longoria jure l'avoir régulièrement au téléphone. Mardi, une grosse réunion s'est tenue avec les représentants de McCourt Global pour faire le point sur les actifs du milliardaire. Une réunion à laquelle l'intéressé n'a pas participé, laissant sa garde rapprochée gérer les dossiers courants comme elle le fait avec le recrutement des cadres olympiens, par exemple. La situation du club a été évoquée, comme à chaque fois, le groupe McCourt souhaitant connaître la manière dont travaillent les dirigeants.
"Il y a un suivi constant, Shéhérazade (Semsar de Boisséson) est souvent en France, elle est l'émanation de McCourt sur le sol français. Le club reste animé par son actionnaire via Shéhérazade", explique-t-on dans l'entourage de l'homme d'affaires. La Franco-Iranienne siège au conseil de surveillance de l'OM, aux côtés de Barry Cohen, donc, d'un autre homme de confiance du Bostonien Jeffrey Ingram et de l'avocat Olivier de Vilmorin. Frank McCourt s'est effacé depuis septembre 2022, laissant la présidence à Cohen. À la même période, il a été sollicité pour intégrer le conseil d'administration de la LFP. La volonté de Vincent Labrune ? Être uniquement entouré de propriétaires d'écuries hexagonales. Refus de l'Américain et arrivée de Longoria dans ce cénacle. Un choix par défaut fortement suggéré par l'ancien patron des Dodgers. Il traduit un peu plus la volonté prégnante de l'Américain de ne pas s'impliquer davantage dans ce sport dont il ne connaît pas les codes et dans ce club dont il attend, vainement, un retour sur investissement après avoir englouti tant et tant de millions depuis sa prise de pouvoir à l'automne 2016. Les estimations oscillent entre 500 et 700 millions d'euros. Depuis plusieurs mercatos, il presse l'actuelle direction de vendre, un message qui se répand jusque dans les bureaux de la Ligue.
Cette stratégie a précipité le départ de Jorge Sampaoli à l'été 2022, inquiet de ne pas avoir une équipe compétitive pour la Ligue des champions mais de simplement y faire de la figuration. Le scénario étourdissant contre Strasbourg et la 2e place arrachée au terme d'un "moment magique" (selon ses propres termes lâchés à chaud) ne l'ont pas fait dévier de sa stratégie devenue minimaliste. Aujourd'hui, il ne veut plus remettre au pot. Une donnée avec laquelle la direction compose depuis des mois. Ce discours a été de nouveau rapporté aux groupes de supporters lors de la réunion du 6 février, auxquels il a également été dit que le contact avec le propriétaire n'était plus aussi fluide. Dans les bureaux de La Commanderie, on évoque, au contraire, des échanges hebdomadaires avec les membres du conseil de surveillance.
Ces actes répétés suggèrent un renoncement ; ils laissent libre cours, surtout, à toutes les supputations sur l'avenir du club, notamment une vente, plus ou moins proche, ce que McCourt dément dans une fermeté mâtinée de lassitude depuis trois ans. Si d'éventuels investisseurs prennent régulièrement la température sur une cession, le patron olympien ne se trouverait toujours pas dans cet état d'esprit. Les supporters aimeraient bien le voir ou, à défaut, l'entendre. Histoire de connaître le cap fixé, les ambitions de l'Olympique ou, a minima, avoir des explications. "On est prêt à tout entendre, on veut juste savoir", lâche l'un d'eux, désabusé. "Notre priorité, c'est McCourt, pas les joueurs ni Gattuso, ni Longoria, estime un autre fan. Notre combat doit être sur lui. On aimerait bien l'entendre pour savoir quel est son projet pour l'OM."
Allô McCourt ? Ici Marseille...
La Provence