Êtes-vous étonné qu'un Américain soit sur le point de racheter l'OM ?
Non. Ce club est l'un des fleurons du football français et, donc, une cible pour un investisseur étranger au sens large. Le Havre et Troyes ont été repris par des Américains (Vincent Volpe au HAC, Gary Allen doit arriver à l'Estac, ndlr), il y en a aussi dans le groupe qui a racheté l'OGC Nice. En revanche, on peut être davantage surpris qu'il s'agisse de M. McCourt, dans la mesure où il n'est pas connu dans les milieux du football. Il n'est ni propriétaire d'une franchise de Major League Soccer, ni impliqué dans ce sport d'une manière ou d'une autre. Mais il est à l'image des Américains de Manchester United (Avram et Joel Glazer) ou d'Arsenal (Stan Kroenke), et des propriétaires d'un tas d'autres franchises sportives aux États-Unis qui diversifient leurs investissements et sont conscients de ce qui se passe dans le football européen. Il y a aussi Liverpool (John W. Henry), l'AS Rome (James Pallotta)...
Pourquoi un tel intérêt ? Peut-on imaginer que Frank McCourt veuille, par exemple, investir par la suite dans l'immobilier, son secteur d'activité principal ?
Pas nécessairement. Cela montre plutôt que les clubs de football en Europe sont sous-évalués par rapport aux franchises de basket, baseball, foot américain et même hockey, qui se vendent pour des milliards aujourd'hui. Être propriétaire de la marque OM pour une somme qui n'est donc pas très élevée comparée aux prix pratiqués aux États-Unis, c'est intéressant, même si je ne connais pas le montant de la vente. Pourquoi ? Parce que le football se développe au niveau international, notamment en Asie. Cela se reflète dans l'augmentation des droits TV. S'il doit se passer en Europe une évolution similaire à celle des USA ces quarante dernières années, il est clair que l'opportunité de posséder un club est intéressante.
L'Olympique de Marseille est une marque sous-évaluée aujourd'hui dans la mesure où elle n'a pas été commercialisée.Je pense donc que M. McCourt a rapidement compris qu'il y avait une opportunité d'investissement dans l'OM à un prix attractif par rapport à la taille de la ville, au sport qui est en jeu et aux opportunités qui existent dans le reste du monde. Aujourd'hui, la valorisation de Liverpool ou de Manchester United, par exemple, s'évalue en milliards.
Quand on possède une franchise aux États-Unis, est-on également propriétaire du stade où elle évolue ?
Pas obligatoirement. Il y a toutes sortes de schémas. Pour beaucoup de clubs de foot américain, en particulier, le stade appartient à la ville et des baux à très long terme sont signés, avec des loyers. Le sujet n'est donc pas là. Pour qu'une équipe fonctionne bien, il faut que les enceintes soient remplies. La billetterie est importante, comme les droits médias, qui se développent au-delà de la télévision, avec internet, le streaming...
Les possibilités commerciales sont conséquentes pour les gens qui deviennent détenteurs de ces droits. En Europe, il y a certainement une trentaine de clubs de football qui peuvent, à terme, représenter des investissements intéressants. L'OM en fait partie, comme d'autres clubs sous-évalués dans des grandes villes, à l'image de Berlin ou Moscou.
Ce rachat de l'OM par Frank Mc Court est donc une bonne chose ?
Les Marseillais vont en bénéficier. C'est un bien pour le club, un bien pour le football français. Il faut regarder au-delà des recrues et penser aux infrastructures, à l'organisation, à la structure commerciale... J'espère que McCourt et son équipe vont mettre en place un projet qui permettra au club de développer des ressources afin de figurer perpétuellement dans le haut de tableau. Dieu merci, le football n'est pas qu'une histoire d'argent, il ne suffit pas d'acheter des joueurs pour gagner. Il faut donner une âme à son équipe et cela prend du temps. S'il n'y a pas un centre de formation bien établi, on peut de temps en temps avoir une équipe compétitive, mais on ne peut pas la faire perdurer. Je pense que leur vrai challenge sera de redévelopper une culture de club.
Pourquoi, selon vous, Frank McCourt n'a-t-il pas plutôt investi dans une franchise de Major League Soccer, aux États-Unis ?
Personne ne veut le faire... Ça ne rapporte pas d'argent. Comparer par exemple 50M€ pour l'OM et 100M€ pour une franchise américaine, c'est le jour et la nuit. Il y a un problème structurel en MLS qui décourage des investisseurs potentiels. En Europe, les opportunités sont beaucoup plus conséquentes.