Le siège du groupe, situé au 43e étage du 888 7th Avenue, offre une vue à couper le souffle sur Central Park. Chaque matin, l'équipe de Frank McCourt démarre sa journée par un coup d'oeil sur ce sublime panorama. Au sein de sa team figure notamment son fils aîné, Drew, 35 ans depuis dimanche, président de McCourt Global Properties (ses autres enfants se prénomment Travis, 33 ans, gestionnaire de fonds, Casey, 30 ans, entrepreneur en technologie, Gavin, 26 ans, producteur cinéma et TV, et, enfin, Luciana, neuf mois, qu'il vient d'avoir avec sa compagne, Monica Algara).
Après Boston, d'où il est originaire, et Los Angeles, c'est depuis New York que le très probable repreneur de l'OM gère principalement ses affaires, même s'il passe une partie de son temps à Wellington, en Floride, où il réside, et que son entreprise possède aussi des bureaux boulevard Wilshire, à Beverly Hills.
Depuis que l'homme d'affaires de 63 ans, dont la candidature était jusqu'alors restée confidentielle, s'est dévoilé, lundi 29 août, pas un jour ne se passe en France sans que ses déboires à la tête des Dodgers, à L.A., soient pointés du doigt. La féroce bataille judiciaire contre son ex-épouse, Jamie Luskin (qu'il avait placée aux commandes de la franchise), a évidemment terni son image, encore davantage écornée par les enquêtes sur sa gestion de cette institution mythique et la situation financière de celle-ci, au bord de la faillite. Un portrait noir. Sauf que la vie et le parcours de Frank McCourt ne peuvent se résumer à ce seul épisode. L'homme est par exemple parvenu à rebondir : huit ans après avoir déboursé 430 millions de dollars pour acheter le club, il l'a ainsi cédé pour 2,15 milliards de $. Record absolu. Il sait aussi où investir. C'est en effet en tant que promoteur immobilier, l'activité qui a permis à ses ancêtres de faire fortune, qu'il s'est lui aussi forgé une solide réputation.
Le possible futur propriétaire de l'OM s'est d'abord illustré dans sa ville natale, où on lui reconnaît encore aujourd'hui un joli flair. Au début des années 80, il avait ainsi eu le nez creux pour déceler le potentiel de zones industrielles abandonnées en front de mer. Son credo était simple : nettoyer, (re)bâtir. "J'ai su très tôt que je voulais construire des choses. J'ai appris sur les genoux de mon père, j'avais l'habitude d'aller avec lui (sur les chantiers), il me faisait monter sur les bulldozers. J'aimais ça", racontait-il dans un article publié par The Real Deal, en 2014.
Son autre spécialité : les terrains transformés en parkings. Un filon utilisé dès ses débuts, à Boston, près du port. Une stratégie qui lui permet de continuer à gagner de l'argent grâce aux Dodgers. Lors de la vente de la franchise à Guggenheim Partners, Frank McCourt s'est en effet débrouillé pour conserver la gestion d'une zone de 260 acres (1,05 km2) en coentreprise avec les nouveaux propriétaires.
Ce montage complexe lui a par exemple fait encaisser environ 5,5M$ l'année qui a suivi la transaction et pourrait lui être encore profitable à l'avenir dans un secteur appelé à prendre de la valeur, celui de Chavez Ravine, près du stade où évolue l'équipe de baseball.
Depuis 2012, l'homme d'affaires a, en outre, adapté son plan de bataille. Son groupe investit et développe des projets dans des villes stratégiques, comme New York, bien sûr, mais aussi Miami, Austin et Londres. Un changement de cap également symbolisé par le rachat de la moitié du "Global Champions Tour", compétition internationale de saut d'obstacles regroupant les meilleurs cavaliers de la planète, dont les deux dernières étapes de la saison auront lieu à Vienne, ce week-end, et Doha, en novembre.
Si son empire a vacillé pendant la période houleuse des Dodgers, il a depuis contre-attaqué, et ne compte pas s'arrêter là. Une chance pour l'OM et Marseille ? Son programme est en tout cas ambitieux.
Frank McCourt l'a annoncé dès sa première interview en France, accordée à La Provence, le 29 août : parmi les quatre objectifs que contient son projet "OM champion", l'un est consacré à la communauté marseillaise et la manière dont le club s'y intègre. Ses ambitions dans la cité phocéenne vont-elles donc au-delà du football ? On le saura dans les prochains mois. En attendant, son groupe, qui continue d'oeuvrer aux États-Unis, s'est aussi tourné vers l'Europe, où il est à l'affût d'opportunités. Avec toujours la même devise : construire pour demain. Tour d'horizon de ses programmes en cours.
Une tour de 61 étages à New York. Elle est le symbole de l'implantation de McCourt dans Big Apple, où il a aussi acheté un appartement de 460 m2 sur la 5e avenue en 2012 (lire par ailleurs). Située à l'Ouest de Manhattan, entre la fin de la High Line, chemin verdoyant suspendu aménagé sur une portion désaffectée de voie ferrée (sur lequel elle aura un accès direct), et le Madison Square Garden, la future tour "360 10th Avenue" (236 mètres de haut) représente l'un des plus grands chantiers du groupe McCourt, qui a dépensé 167 millions de dollars pour son acquisition en septembre 2013. Développé en partenariat avec Hines (pour le projet) et Shop (pour l'architecture), le gratte-ciel comprendra 68 750 m2 de bureaux et appartements répartis sur 61 étages dans un secteur en plein renouveau. "Nous sommes réellement enthousiastes à l'idée de nous implanter dans le marché new yorkais, glissait le probable futur propriétaire de l'OM lors de l'annonce de l'acquisition il y a trois ans. Nous sommes convaincus que cette zone prendra de la valeur au cours de la prochaine décennie."
Projet maxi à Austin. Après NYC, le groupe McCourt s'est lancé, en mars 2014, aux côtés de la compagnie Sutton, dans "l'un des projets les plus ambitieux jamais réalisés à Austin", selon la presse texane. Sur une zone de 16 200 m2, dans l'oasis de Waller Creek, se mêleront là encore bureaux et appartements dans un complexe comprenant trois immeubles. Un hôtel doit aussi y voir le jour. Total des espaces disponibles : 223 000 m2.
Miami, le luxe au bord de l'eau. En novembre de la même année, l'équipe de Frank McCourt est aussi entrée dans le consortium développant le "1201 Brickell Bay Drive", dans la baie de Biscayne, à Miami, avec les groupes Corigin Real Estate Group et Florida East Coast Realty. Comprenant deux buildings de 60 étages, reliés par un troisième bâtiment moins haut (avec une piscine sur le toit), le programme est lui aussi monumental.
OM : "Pour une transition en douceur" (Eyraud)
Londres, sur les vestiges D'un théâtre cher à Shakespeare. La fabuleuse découverte a été effectuée en 2011. Des restes du théâtre Curtain, où ont notamment eu lieu les premières représentations de Roméo et Juliette, de William Shakespeare, à la fin du XVIe siècle, ont été retrouvés alors que les travaux du chantier démarraient dans le quartier de Shoreditch, à l'Est de Londres. Le groupe McCourt est entré dans le projet, baptisé "The Stage" quatre ans après, en juin 2015. Le programme, réalisé en partenariat avec LLC Cain Hoy Enterprises et Galliard Homes, conserve justement les vestiges de ce théâtre historique, qui seront l'un de ses atouts majeurs. Une tour résidentielle de 40 étages y figurera. L'arrivée du possible futur patron de l'OM en Grande-Bretagne illustre la politique désormais mondiale de son groupe.
Et à Marseille ? Après les États-Unis et l'Angleterre, Frank McCourt s'apprête donc à investir en France. Pas dans l'immobilier (pour l'instant ?), mais dans le sport, puisqu'il est sur le point de racheter l'Olympique de Marseille à Margarita Louis-Dreyfus. La maison bleue et blanche peut-elle être le point de départ d'une expansion dans l'Hexagone, et plus particulièrement en Provence ? Impossible à dire, même si son implantation à Londres montre qu'il est désormais très attentif aux possibilités pouvant se présenter à lui sur le Vieux Continent.
Si son plan de reprise de l'OM se concrétise, le sujet du stade Vélodrome reviendra inévitablement sur le tapis. Peut-être pas tout de suite, car Jean-Claude Gaudin est totalement opposé à la vente de l'enceinte du boulevard Michelet, actuellement gérée par Arema. Mais la période de renégociation du loyer, en fin de saison, livrera sans doute quelques précieux indices sur les intentions à long terme de l'Américain.