Information
Rennes-OM : François Pinault et Frank McCourt, duel de milliardaires
Le Stade Rennais et l'OM, qui visent le podium cette saison, ont deux propriétaires aussi riches que différents à leur tête.
François Pinault, le propriétaire du Stade Rennais (à gauche) et Frank McCourt, son homologue de l'OM, ont deux stratégies bien différentes pour leur club. (F. Mons et P. P. Lahalle/L'Equipe)
Deux fortunes, deux visions, deux méthodes. Interrogé sur les milliardaires François Pinault et Frank McCourt, un hiérarque du foot français dresse un parallèle façon western : « J'ai l'impression que le premier est en train de s'armer avec du calibre supérieur quand l'autre a déjà grillé pas mal de cartouches ». L'été dernier, les deux clubs ont recruté pour près de 80 M€ mais, quand Rennes paie comptant, Marseille décale sur plusieurs saisons avec des prêts et autres architectures finaudes. Cette stratégie est aussi le fruit de leur histoire dans ce milieu.
Leur investissement dans leur club - Pinault a misé 200 M€
La fortune de François Pinault et de sa famille est évaluée à près de 40 milliards d'euros par le magazine Forbes et le Stade Rennais est un actif sentimental à part dans la galaxie du groupe familial Artémis, entre luxe (Gucci, Saint-Laurent, Balenciaga, etc.), maison de vente aux enchères (Christie's), vignobles (Château Latour, Clos de Tart...), compagnie de croisières (Ponant), presse (Le Point...) ou encore Puma. L'ère Pinault du club breton a démarré en 1998, mais il en était déjà le sponsor en 1993 et François Pinault avait été à l'origine de la venue de l'attaquant ivoirien Laurent Pokou en 1973, quand il siégeait au conseil d'administration du club. Depuis 1998, son investissement pour le Stade Rennais est estimé à plus de 200 M€.
McCourt : 400 M€ dans l'OM
Après avoir fait fortune dans l'immobilier et les parkings dans sa ville natale, Boston, Frank McCourt (68 ans), lui, s'est lancé dans le sport en achetant la franchise de baseball des Los Angeles Dodgers, en 2004, pour près de 410 M€. En mars 2012, il a vendu les Dodgers pour près de 2 milliards d'euros. Il détient également le Marathon de Los Angeles et a été propriétaire à hauteur de 50 % du Global Champions Tour (GCT, circuit individuel) et de la Global Champions League (GCL, équipes), des compétitions prestigieuses d'équitation, de 2014 à 2020. Il a réorienté récemment ses efforts vers les nouvelles technologies, avec le projet Liberty, une initiative à plus de 96 M€ pour promouvoir « un autre Internet ». Depuis son rachat de l'OM, finalisé le 17 octobre 2016, pour près de 50 M€ (hors passif), il a considérablement dépensé pour le club marseillais. « Il est le premier investisseur de Marseille, de très loin. Il a investi plus de 350 M€ à l'OM en quatre ans », nous confiait Jacques-Henri Eyraud fin décembre 2020. Selon des dernières estimations internes, à l'été 2021, après un dernier exercice financier encore dégradé (-76 M€), la barre des 400 M€ était allègrement franchie.
Le lien avec leur club - Les Pinault, trois générations de fans
François Pinault (85 ans) a grandi à Trévérien, petit village à 40 km de la capitale bretonne. Avant d'être à la tête d'un empire transmis à son fils François-Henri, il a démarré dans le négoce de bois en 1963 à Rennes et notamment vécu en face du Roazhon Park. De sa chambre, François-Henri (59 ans) avait vue sur le stade et il a joué, enfant, pour le club breton. Ce sont des mordus de foot et du club rouge et noir, et ce n'est pas fini.
Ligue 1 : Rennes perd gros contre Nantes
Parmi les petits-enfants de François, Louis et François viennent souvent voir l'équipe de Genesio. Pris par leurs activités, François et François-Henri assistent plus rarement aux matches, mais ils n'en ratent pas un à la télé. Ils étaient bien sûr présents pour soulever la Coupe de France en 2019. François-Henri, qui vit à Londres, était à Arsenal (0-3, le 14 mars 2019, C3) et Chelsea (0-3, le 4 novembre 2020, C1) et il était aussi passé voir la délégation bretonne avant Tottenham-Rennes (le 9 décembre, C4), finalement annulé. François rend souvent visite à son équipe lors du traditionnel premier stage d'avant-saison à Dinard, où il a une résidence, et passe de temps à autre voir les entraînements, comme à Pâques ou à la Toussaint.
Un rapport dépassionné chez McCourt
Fan de baseball et de boxe, McCourt est arrivé par hasard dans le soccer, l'occasion olympienne lui a été soufflée par l'avocat Didier Poulmaire. Il a d'ailleurs regardé d'autres clubs avant l'OM, comme le Red Star ou les Girondins, et il a découvert la folie du Vélodrome pendant des matches de l'Euro 2016, dont la demie France-Allemagne (2-0). En janvier 2019, lors d'un OM-Lille longtemps interrompu sous ses yeux après un jet de pétard sur les joueurs, il avouera sa stupéfaction devant la colère du public marseillais en pleine période de crise, lui qui a commencé à être ciblé par des banderoles dès septembre 2017.
Il vient voir l'OM jouer une dizaine de fois par an, grand maximum. On l'aperçoit souvent pour les déplacements au Parc des Princes et au stade Louis-II. Il aime les matches de début de saison, en août, et ceux de clôture : il sera présent pour OM-Strasbourg, samedi prochain, avec un petit aéropage, plus amical que familial aujourd'hui. Longtemps décrits comme des héritiers pour l'OM, ses fils ne sont plus dans le paysage. Personnage ascétique, calme et plutôt mystérieux, aux discours préparés mais sans émotion, il n'a pas de lien avec l'écosystème local. Son homme-lige, Eyraud, avait ce goût du réseautage, il était proche des grandes familles marseillaises comme les Bellon (Sodexo) et les Saadé (CMA-CGM), ou de l'ancienne équipe municipale. McCourt ne cultive pas ce terreau, il n'était d'ailleurs pas au gala du club, mardi dernier.
Leur stratégie et leur gestion - 2017, le tournant 100 % foot
Vingt-quatre ans avec le même actionnaire, c'est un luxe, surtout quand il est milliardaire. Les Pinault s'étaient saisis du Stade Rennais pour faire grandir et crédibiliser en L1 un club peu considéré. C'est aujourd'hui un club qui compte. Ses propriétaires avaient impulsé une politique plus ambitieuse en mettant l'accent sur le choix du coach (Le Guen, Gourcuff, Bölöni) ou en flambant 140 millions de francs (21M€) en 2000 pour l'attaquant brésilien Severino Lucas après une surenchère marseillaise, transfert record jusqu'à l'arrivée de Jérémy Doku, à l'été 2020 (26 M€).
Comme ce fut la signature de Lucas fut un échec, le club devint ensuite plus raisonnable et la formation a aussi été développée. Il a connu des pics et des creux, a souvent changé de têtes, alors que les Pinault ont toujours délégué la gestion à des hommes d'affaires bretons ou issus de la holding, jusqu'au tournant de 2017. Là, ils ont préféré à des profils plus spécialisés, dédiés foot à 100 % (Létang, Holveck), la présidence du Conseil d'administration reposant sur une personnalité garante de l'image du club dans son territoire (Delanoë). Depuis cinq ans, le club a bien vendu et mieux recruté, les 100 000 euros mensuels ne sont plus une limite salariale à ne pas franchir, les résultats sont meilleurs, Rennes joue les cinq premières places avec le septième budget et Pinault a apporté une sérénité financière durant la période Covid-fiasco Mediapro tout en permettant au club de recruter fort.
Sortir de la spirale des déficits
S'il a donné les pleins pouvoirs à Pablo Longoria, fin février 2021, Frank McCourt, très proche de son prédécesseur, a un rapport plus distancié avec l'Espagnol, qu'il considère comme un expert dans son domaine. Il lui a assigné des objectifs élevés, concernant aussi bien la qualification pour la C1 que pour les ventes de joueurs. Après avoir subi des déficits en série depuis son arrivée en 2016, il aimerait un retour à l'équilibre d'ici à 2024. Au quotidien, le bras de Longoria, Pedro Iriondo a des contacts récurrents avec le staff de McCourt Global mais le propriétaire n'intervient quasiment pas.
McCourt : « Longoria, un vrai leader »
Intéressé par le fonctionnement de la L1, McCourt rencontre régulièrement le président de la LFP, Vincent Labrune pour suivre les dossiers des droits télé, de la société commerciale ou de la compétitivité sur la scène européenne. Ensemble, les deux hommes ont assisté à la demi-finale retour de C4, le 28 avril à Rotterdam. Labrune rêve de clubs français ambitieux pour exister sur le continent. Aura-t-il droit à un OM fort ? Personne ne connaît vraiment la suite du plan McCourt et son futur timing d'investissements, lui qui n'a jamais eu vraiment eu d'exercice financier « à la normale » depuis son arrivée, pour reprendre l'expression d'un cadre du club.