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Le récit des 24 dernières heures de Frank McCourt, le propriétaire de l'OM
Arrivé lundi à Marseille, le propriétaire de l'OM a rencontré élus locaux et supporters pour tenter d'apaiser la situation, après la crise des dernières semaines. Avec les mêmes mots qu'en 2016.
Retour vers le futur. Frank McCourt, 67 ans, a gratifié lundi les supporters marseillais et les édiles locaux d'un nouvel épisode de la saga culte. Après avoir récolté les récits des uns et des autres, il était quasi impossible de savoir si nous étions présentement en 2016 ou en 2021 et les communicantes de la société Image 7 pouvaient réutiliser leurs fiches au mot près. Pratique.
Le 18 septembre 2016, McCourt n'est pas encore officiellement propriétaire de l'OM, il se lance dans une grande tournée américaine à Marseille et confie alors : « La communication est très importante pour moi. Cela peut paraître intensif, mais la période est importante, un peu comme une campagne électorale pour un homme politique. Je dois me présenter aux supporters marseillais. Mais je sais ce qu'ils diront, comme les électeurs : "On jugera sur pièce !"» Lundi, son jet s'est posé sur le tarmac de Marignane à 9 h 50, il a été accueilli par un condottiere de 34 ans, Pablo Longoria, le nouveau président marseillais, et il a commencé une deuxième campagne électorale.
Son premier mandat s'est achevé en ce début d'année avec la prise de la Commanderie, la démission de Villas-Boas, le limogeage de Jacques-Henri Eyraud. Il faut convaincre à nouveau la foule, revendre un projet, réaffirmer un lien avec une ville dont il n'a plus foulé le sol depuis la fin décembre 2019.
Après avoir posé ses valises à l'hôtel Intercontinental, il a d'abord rencontré les journalistes de la Provence, un quotidien régional en conflit ouvert avec un « JHE » et auquel il a affirmé avoir rangé le désormais ex-président aux oubliettes. Cette confirmation intéresse forcément les élus de la mairie de Marseille, qui ont assiégé la tour d'ivoire dans laquelle Eyraud s'était enfermé, avec des intérêts bien précis. La deuxième adjointe, Samia Ghali, après avoir frayé avec le tandem Boudjellal-Ajroudi l'été dernier, verrait bien d'autres investisseurs que McCourt à l'OM, elle l'avoue sans fard. Peu connu pour son amour du ballon et du club, le maire Benoît Payan est lui obnubilé par les finances de la Ville, d'un rouge sanglant, et la vente de l'Orange Vélodrome lui permettrait de renflouer les caisses.
Après avoir rencontré McCourt en début d'après-midi, il a ainsi raconté sur RMC : « Si je suis convaincu du projet de l'actionnaire, oui, je vendrai le stade à l'OM ». Il évalue le prix de l'enceinte à plusieurs « centaines de millions d'euros ». Le hic, c'est que McCourt se satisfait très bien de l'exploitation de la maison, qui lui assurera une rente, après la crise du Covid, alors que la Ville rembourse, elle, les crédits. Mais promis, a dit Payan, ils reparleront des chiffres un jour.
Lundi, la rencontre était agréable. Le maire a croisé « un homme à l'écoute, qui veut comprendre une situation qu'il voyait de Boston et qui s'envenimait. Je l'ai trouvé ouvert, assez sincère parce qu'il a fendu l'armure. C'est plutôt un mec austère, pas quelqu'un qui tape sur l'épaule ou qui rigole facilement. Il est attaché à cette ville. Lui-même a une histoire familiale particulière avec la ville, ce n'est pas le moment de la raconter ici. »
Qu'il se rassure, les fidèles de l'OM, qui ont une mémoire d'éléphant, la connaissent par coeur, McCourt l'a narrée dès ses premiers pas en Provence, le 29 août 2016 : 72 ans plus tôt, au coeur d'un autre été caniculaire, c'était son grand-père qui débarquait sur les plages du coin pour bouter les nazis hors de France. Toujours sur le ton de la confidence, Payan ajoute : « Il m'a dit qu'il ne voulait pas vendre le club, à aucun prix : "Je veux aller chercher la Champion's League, la coupe aux grandes oreilles." Il faut s'en donner les moyens. »
La coupe aux grandes oreilles, le Graal, McCourt en parlait dans L'Équipe en octobre 2016, sa voix était ferme et posée, nos yeux brillaient. Ses propos de l'époque : « Mon but numéro 1, c'est d'être dans le top 3 de la Ligue 1 tous les ans. Le but numéro 2 est de gagner le Championnat plus souvent qu'on ne le perd. Le but numéro 3, c'est gagner la Ligue des champions. On doit y parvenir dans l'ordre. » Ce jour-là, il annonçait un investissement de 200 M€. À la fin de la cinquième saison de l'ère US, lourdement déficitaire comme les précédentes, on se rapprochera plutôt des 500 M€ engloutis dans le club. McCourt n'a pas évalué son nouvel effort, il remettra pourtant au pot en fin de saison, encore.
S'il n'a pas changé de discours, sa pensée a-t-elle au moins évolué ? Un dirigeant de l'OM veut y croire, prenant en exemple sa rencontre avec trois groupes de supporters (Dodger's, Ultras et Winners), one by one, dans un salon du Vélodrome lundi après-midi : « JHE lui avait vendu les événements de la Commanderie comme la prise du Capitole. Il brodait sur les actions caritatives, la puissance de la marque OM, le digital, la ligue fermée européenne... Avec cette crise, McCourt a découvert deux choses. Qu'il avait acheté un club de foot et que, pour gagner du pognon, il va d'abord falloir acheter des bons joueurs et les revendre. Et il a vu qui étaient vraiment ses supporters : se frotter à un Rachid Zeroual (Winners), voilà le coeur du réacteur olympien. » Il n'est jamais trop tard.
À propos de la Commanderie, McCourt a regretté son allusion au Capitole (*) et a annulé les mises en demeure des différentes associations, quand Zeroual a proposé que les groupes remboursent les dégâts. Pour son deuxième mandat, McCourt a changé de directeur de cabinet, promis qu'il avait compris ses supporters et renouvelé ses rêves de grandeur. Le boss n'est pas mort, vive le boss.
(*) Dans un communiqué que Frank McCourt a publié le dimanche 31 janvier, le lendemain des incidents qui se sont déroulés à la Commanderie.