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MCCOURT La révolution de l’an V
Hier soir, le propriétaire américain de l’OM a remplacé le président Eyraud par son directeur sportif, Pablo Longoria. Et annoncé l’arrivée de Jorge Sampaoli sur le banc. DE NOTRE ENVOYé SPéCIAL PERMANENT
MATHIEU GRéGOIRE MARSEILLE – La grande histoire de l’OM s’écrit aussi à travers des communiqués fracassants, qui chamboulent nos journées, bouleversent nos soirées. Le 13 avril 2016, en fin d'après-midi, Margarita Louis-Dreyfus, par l’entremise de son avocat Igor Levin, avait transmis un document annonçant officiellement la vente du club, un serpent de mer depuis des mois, des années, surprenant même par son timing le président de l’époque, Vincent Labrune. Ce 26 février 2021, à 20h41, les boîtes mail des principaux suiveurs de l’OM ont soudainement pesé bien lourd. Un communiqué d’Image 7, l’agence de communication qui accompagne Frank McCourt depuis son acquisition du club à l’automne 2016, est apparu, annonçant une révolution de l’organigramme du club marseillais.
Eyraud écarté de la présidence
Sa situation semblait intenable, mais il était le dernier à ne pas s’en apercevoir. Le 31 janvier, au lendemain des incidents de la Commanderie, qu’il avait rapportés à McCourt comme les médias américains narraient l’assaut du Capitole à Washington un peu plus tôt dans le mois, Jacques-Henri Eyraud posait devant des vitres cassées du centre d’entraînement et déclarait : « J’ai le soutien de milliers de Marseillais. Et puis qu’est-ce que ça veut dire ? À chaque crise sportive, il faut changer de direction ? De management ? [...] Frank McCourt et moi sommes là pour revitaliser, remoderniser, bâtir un projet à long terme. »
En fin de semaine dernière, au moment d’échanger avec les représentants des antennes d’OM Nation, le programme rassemblant la communauté des fans marseillais à l’étranger, le directeur général Hugues Ouvrard, nommé par « JHE », confiait : « Ce n'est pas en criant que l’on veut la tête du roi que l’on va avoir la tête du roi. Jacques-Henri a peut-être fait des erreurs, mais il a aussi fait beaucoup de choses positives. Frank McCourt lui a renouvelé sa confiance il y a dix jours. »
Après tout, Eyraud avait résisté à tout, des comptes dans le rouge vif depuis quatre ans, des résultats sportifs mitigés au regard des investissements consentis, la prolongation de Rudi Garcia à l’automne 2018, les sanctions du fair-play financier européen, les incessants changements de cap (le trading fustigé puis adopté, l’expérience des cadres puis la formation et post-formation)... McCourt avait sacrifié le premier entraîneur du Champions Project à l’été 2019, puis Andoni Zubizarreta au printemps 2020, mais le dernier membre du triumvirat originel faisait preuve d’une incroyable résilience.
Jusqu’au bout. Il venait de planifier une interview pour le New York Times. Ce mercredi, il suivait en direct ou presque le procès des supporters de l’OM, persiflant sur tel chef de groupe, tel politique, tel journaliste. Hier, McCourt s’est finalement résolu à le sacrifier, en le remplaçant par Pablo Longoria, en l’exfiltrant vers le conseil de surveillance, organe fantôme sous l’ère McCourt, que Didier Poulmaire ou Drew, le fils du patron, ont vite quitté après avoir accumulé quelques jetons de présence.
McCourt à la rencontre des supporters
Le Bostonien annonce dans la foulée qu’il se rendra à Marseille la semaine prochaine « pour rencontrer les fans et les dirigeants des groupes de supporters historiques de l’OM afin de discuter de ses projets à long terme pour le club. » Cet horizon n’est pas anodin, il s’agit bien d’une phase 2 de l’ère McCourt, qui veut couper court, une bonne fois pour toutes, aux rumeurs sur la vente du club à des investisseurs d’ici ou d’ailleurs. Le propriétaire s’est offert un encart publicitaire dans la Provence de ce samedi, à l’attention des fans : « Chers supporters, je m’engage et je l’affirme : l’OM n’est pas à vendre, il ne l’a jamais été, ni hier, ni aujourd’hui. »
McCourt échangera avec des chefs d'entreprise et des élus, à commencer par le maire de la ville, Benoît Payan (PS). « Il a pris les mesures pour venir à Marseille en toute tranquillité », explique un dirigeant phocéen. Ces derniers mois, à travers sa posture et des déclarations brutales, Eyraud s’était coupé de tous les réseaux locaux, économiques, artistiques, culturels, associatifs et politiques.
Après la mise en demeure des groupes, la semaine dernière, Payan lui avait demandé de « calmer le jeu » et avait soutenu matériellement la conférence de presse des leaders d’association, au Palais du Pharo, vendredi dernier. « C’est un soulagement », expliquait ainsi hier soir Christian Cataldo, le boss des Dodgers du virage nord, qui craignait que JHE « efface 35 ans d’histoire du club » en délogeant les groupes du Vélodrome, où ils rassemblent plus de 25 000 fidèles à chaque match.
Sampaoli et le retour du foot
Le dernier point du communiqué, et pas des moindres, voit aussi le retour à des ambitions plus modestes, un recentrement sur le sportif, loin du « tout digital » cher à JHE, de la « fan experience » et des nombreuses leçons adressées à un milieu du foot circonspect. En parlant de Longoria, le nouveau président, McCourt a déclaré : « Sa principale priorité sera de remettre le football au cœur de l’OM. » Eyraud voulait faire du club une entreprise comme les autres, Longoria devra juste en faire... un club de foot. « Avec l’investissement non-négligeable sur un nouveau coach, McCourt a voulu le mettre dans les meilleures conditions possibles », confie un conseiller de l’actionnaire.
Officiellement nommé hier, Sampaoli, qui s’est engagé jusqu’en 2023 mais ne sera pas sur le banc marseillais demain (il doit arriver ces prochains jours en provenance du Brésil et potentiellement observer une période d’isolement), a eu des mots vibrants : « On m’a dit toute ma vie que l’OM est une passion. Que le Vélodrome s’allume quand l’équipe se rend au stade . Marseille est un club du peuple et je me sens moi-même dans cette chaleur. On n’est pas là pour se cacher : on va jouer dur. Quand j’ai reçu cette proposition, je rêvais de pouvoir faire la fête dans la ville. Dans le monde, il y a des endroits calmes et des endroits intenses. Ce sont ces derniers que je veux et j’ai accepté sans hésiter. Ce club a une âme c’est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes prêts. »
Ces dernières semaines, on se demandait comment fonctionnerait la relation entre l’entraîneur argentin de 60 ans, disciple testostéroné de Marcelo Bielsa, et Eyraud, qui se moquait ouvertement de l’échec d’« El Loco » à Lille, en novembre 2017, se félicitant de ne l’avoir pas repris à Marseille, ou trouvait que Villas-Boas était un entraîneur d’« une insécurité absolue ». McCourt a vite répondu à la question.
L'Equipe