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Vente OM : l'origine de la rumeur et son décryptage
Il y a un mois, le journaliste indépendant Romain Molina sortait les supporters olympiens de la torpeur du confinement en affirmant que l'OM était à vendre. Une véritable bombe qui le poussait à préciser le lendemain qu'aucun processus n'était acté, mais que le propriétaire de l'OM Frank McCourt était à la recherche d'éventuels acquéreurs, comme d'autres clubs français d'ailleurs. Mais, la rumeur est lancée, et elle est donc attrapée à la volée ces derniers jours. En Italie, précisément, où le média Tuttomercatoweb (TMW) explique que le milliardaire saoudien Al-Walid Bin Talal est prêt à faire une offre pour acquérir un OM qu'il a déjà tenté d'approcher en 2014. Une deuxième déflagration encore plus puissante, puisqu'un nom est lâché. On évoque un prix (250M€), l'achat du Vélodrome au centre des négociations, et même un budget conséquent pour le mercato à venir. Autant dire que ce court article a fait mouche, même s'il reste très vague, et que les passionnés de l'OM se divisent désormais en deux clans : ceux qui y croient et les autres. Du côté du club, on s'applique évidemment à démentir, Jacques-Henri Eyraud parlant de fake news sans s'attarder plus que cela sur le sujet. C'est même la tendance générale chez les suiveurs du club, compte tenu de la faiblesse des indices à disposition actuellement. Pour autant, le sujet passionne, et il est donc intéressant de s'y attarder quelques instants. C'est ce que Le Phocéen vous propose aujourd'hui, avec l'aide de trois personnages : le journaliste de TMW Marco Conterio à l'origine de la rumeur, le grand-reporter du Figaro spécialiste du Moyen-Orient Georges Malbrunot, et le chercheur de l'IRIS David Rigoulet-Roze, fin connaisseur des affaires du royaume saoudien. De quoi vous éclairer sur le sujet, et particulièrement sur cet acquéreur supposé qu'est Al-Walid Bin Talal, prince saoudien qui, rappelons-le, fût arrêté et même détenu par le pouvoir de son pays en novembre 2017 durant trois mois à l'hôtel Ritz-Carlton de Riyad. De quoi donner encore plus de piment à une rumeur qui n'en manque déjà pas.
Le journaliste italien à l'origine de la rumeur
Marco Conterio est rédacteur en chef du site TMW. Avec son collègue Andrea Losapio, il est à l'origine de l'information qui nous agite depuis le weekend dernier. Il reconnait d'ailleurs qu'il ne s'attendait pas à un tel effet et découvre, depuis, la puissance de "l'Olympique" sur les réseaux sociaux. Pour Le Phocéen, il donne le détail de ses conclusions sur cette connexion entre Al-Walid Bin Talal et l'OM : "Plus globalement, nous travaillons depuis plusieurs semaines sur l'Arabie Saoudite et sur sa volonté de racheter des clubs européens, comme Newcastle actuellement. Il faut savoir qu'il y a plusieurs clubs en vente, pas seulement en France ou en Angleterre, mais aussi en Italie. C'est dans le cadre de ces recherches que nous avons eu cette information concernant l'Olympique de Marseille. Il faut savoir que ce type d'opération est très compliqué, qu'il y a des questions financières, mais aussi diplomatiques et géopolitiques. Avec TMW, nous essayons d'expliquer ce qu'il se passe, avec les contraintes de prix d'achat du club et d'acquisition du stade qui font partie des conditions. Il y a aussi la question des droits TV que les Saoudiens souhaiteraient détenir pour le Moyen-Orient, et l'achat d'un club en Ligue 1 pourrait faire partie de cette stratégie. D'ailleurs, outre l'OM, ils se sont aussi intéressés au Paris FC en Ligue 2. En tout cas, ils cherchent à accélérer le processus d'acquisition de clubs dès cet été, car ils savent que le fair-play est suspendu et qu'ils pourront ainsi investir beaucoup d'argent tout de suite. Voilà ce que les Saoudiens souhaitent faire, ce qui ne veut pas dire que le processus est engagé avec l'OM et, encore moins, que l'affaire est conclue, comme je l'ai spécifié dans mon article et sur Twitter. Il y a un intérêt, c'est différent".
Le portrait d'Al-Walid Bin Talal par Georges Malbrunot
Un autre journaliste vient de découvrir la puissance de feu des supporters olympiens sur les réseaux sociaux. Il s'agit du grand-reporter du Figaro Georges Malbrunot. Un nom familier pour beaucoup de français, puisqu'il fut otage en Irak durant quatre mois avec son confrère Christian Chesnot à la fin de l'année 2004. Il fait partie depuis longtemps des meilleurs connaisseurs du Moyen-Orient et s'est exprimé lundi sur la rumeur de la vente de l'OM, avec un certain succès. Il faut dire que Georges Malbrunot maîtrise les arcanes du pouvoir saoudien et, surtout, qu'il a déjà rencontré Al-Walid Bin Talal. Il est ainsi tout désigné pour décrypter le personnage pour Le Phocéen, même s'il n'est pas question pour lui de donner un quelconque crédit à la rumeur : "Il faut savoir que Bin Talal est un businessman d'envergure internationale qui déjeunait avec Clinton, Sarkozy ou Hollande il n'y a pas si longtemps. Ses problèmes avec l'État saoudien viennent de là, et le Prince Bin Salmane lui a clairement fait comprendre qu'il était un homme d'affaires et pas un homme politique. D'où son arrestation et sa détention lors de l'affaire du Ritz-Carlton. Il reste d'ailleurs aujourd'hui assigné sur le territoire saoudien. Le prince lui a aussi confisqué un tiers de sa fortune, qui se chiffre aujourd'hui à 13 milliards d'euros. Bin Talal conserve le nom de sa société, mais l'État a mis des hommes aux commandes. Concernant cette rumeur de rachat de l'OM, soyons clairs, je n'ai aucune confirmation ou infirmation à donner. Mais, sachant que l'Arabie Saoudite souhaite acheter un club de football en Europe, on peut s'intéresser à la question. Mes contacts me disent que si Bin Talal respecte les règles du jeu édictées par le prince, il lui serait possible de se lancer dans ce type d'opération. De plus, on sait qu'il s'était déjà intéressé au rachat de l'OM en 2014. C'est un personnage que j'ai déjà rencontré dans son pays dans le cadre d'une interview pour Le Figaro. Quelqu'un d'assez original, fantasque, très attaché à son image, mais qui a une véritable envergure internationale. Aujourd'hui, il peut continuer à faire des affaires, mais pas sans l'aval du gouvernement saoudien. Le rachat d'un club comme l'OM, si cela était avéré, se ferait donc avec les autorités aux manettes, c'est évident. Cela servirait ainsi la volonté des Saoudiens de concurrencer le Qatar dans sa stratégie de diplomatie par le sport. Enfin, et c'est important, Bin Talal a beaucoup investi en France et ne présenterait pas d'inconvénient vis-à-vis des autorités françaises s'il souhaitait vraiment acquérir l'OM. Mais, encore une fois, mes sources ne m'ont absolument pas confirmé ni infirmé quoi que ce soit".
La volonté de l'Arabie Saoudite d'exercer une diplomatie par le sport, par un spécialiste du Moyen-Orient
Enfin, cette rumeur, ainsi que la volonté avérée du pouvoir saoudien d'acquérir Newcastle en Premier League, nous conduit à étudier un dernier volet : celui de la diplomatie par le sport qui a déjà conduit le Qatar et les Emirats arabes unis à prendre possession du PSG et de Manchester City, tout en accueillant les plus grandes compétitions sportives. Avec cette rumeur d'un rachat de l'OM, ce serait donc au tour de l'Arabie Saoudite d'investir en Ligue 1, se positionnant ainsi en concurrent du grand rival qatarien. De quoi creuser le sujet avec David Rigoulet-Roze, spécialiste de la péninsule Arabique pour l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) : "Cette rumeur est intéressante, car elle représenterait très clairement un enjeu géopolitique au-delà de l'aspect purement sportif. Déjà, elle permettrait au prince héritier de redorer son image après la sombre séquence des arrestations du Ritz-Carlton en laissant Bin Talal en quelque sorte reprendre ses affaires après en avoir été un des malheureux protagonistes. Ce serait donc bénéfique pour l'Arabie Saoudite de laisser mettre en avant un businessman de cette stature dont les investissements financiers s'inscriraient dans le développement d'une stratégie de soft power. En l'occurrence, on peut parler d'une "diplomatie du sport" à l'instar du Qatar, voire des Emirats arabes unis, en achetant des clubs et en organisant des compétitions sportives. Si la rumeur devait être avérée, Bin Talal pourrait, bon gré mal gré, représenter une forme de relais de l'état saoudien dans une stratégie à double détente : celle du sport-washing destinée à lisser l'image du royaume en investissant le domaine valorisant du sport, particulièrement du football, mais aussi de celle spécifiquement destinée à affronter le Qatar en Ligue 1. La rivalité géopolitique entre les deux pays du Golfe serait ainsi transposée sur la traditionnelle rivalité PSG-OM et ce serait tout sauf anodin".