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FRANK MCCOURT; "Nous restons combatifs"; Frustré par les résultats décevants des derniers mois, le propriétaire de l'OMcomprend le désarroi des supporters. Pour sortir de la crise, l'Américain mise sur le travail et la stabilité. Entretien
L'OM traverse une crise sportive et a enchaîné les résultats décevants ces derniers mois. Comment vivez-vous cette période ?
Vous savez, je suis aussi un supporter. Je suis déçu des résultats, mais je veux me battre, et l'OM aussi, jusqu'à ce que la situation soit réglée et que l'on retrouve la bonne voie.
La défaite face aux amateurs d'Andrézieux, en 32e de finale de la coupe de France, a été vécue comme une humiliation à Marseille. Qu'avez-vous ressenti après cette élimination ?
De la déception, là encore. L'équipe n'a pas donné le maximum de son potentiel. Nous devons persévérer, nous allons trouver des solutions et essayer de nouvelles choses. Cela prouve bien que le football, ce n'est pas de la théorie. Les matches ne se gagnent pas sur le papier...
Qu'entendez-vous par "essayer de nouvelles choses" ?
Nous ne pouvons pas rester à ne rien faire et à prier pour que ça aille mieux. Nous avons fait signer Mario Balotelli. Cette arrivée va donner une nouvelle dynamique. Quand j'étais aux Dodgers, nous avions par exemple recruté Manny Ramirez. Cela avait eu un très bon effet sur l'équipe. J'espère qu'il se passera la même chose. Il n'y a pas de garantie, mais il est essentiel d'essayer.
Comment expliquez-vous la différence de niveau entre l'OM du printemps dernier et celui de cet hiver ?
C'est une excellente question... Avez-vous la réponse ? Si nous la connaissions, nous aurions déjà résolu le problème.
Quelle est votre position par rapport à la situation de Rudi Garcia, dont les supporters réclament le départ ?
Rien n'a changé dans mon esprit. J'ai déjà précisé à plusieurs reprises qu'il fallait de la stabilité et de la continuité. Le propriétaire, le président, le coach et le directeur sportif doivent être dans des positions alignées. Ça ne vaut pas seulement dans les périodes où tout va bien. Nous avons la même approche lorsqu'il y a des difficultés.
Pourquoi l'avoir prolongé jusqu'en 2021 en cours de saison (fin octobre), alors que cela aurait pu être fait dès l'été dernier, voire l'été prochain ?
C'est une question qui doit plutôt être posée à Jacques-Henri (Eyraud). Cela fait partie de ses prérogatives. Pour ma part, je ne fais pas de micro-management. Ce que je peux dire, c'est qu'il faut de la stabilité. Rudi Garcia avait contribué à lancer une dynamique. Nous souhaitions poursuivre dans cette voie.
Jacques-Henri Eyraud est justement votre relais à Marseille. Il essuie également de très nombreuses critiques. Comment les percevez-vous ?
Je soutiens Jacques-Henri. Tout le monde travaille très dur, jour et nuit, pour résoudre les problèmes. Personne n'est heureux de la situation. Ce serait différent si les gens n'étaient pas en train de travailler énormément et se reposaient sur leurs lauriers. Ce n'est pas le cas à l'OM. Les résultats ne sont pas ceux que l'on souhaite, mais ça fait partie du sport. L'essentiel est que tout le monde se focalise sur les problèmes et cherche des solutions. Nous sommes tous frustrés, croyez-moi !
Vous le soutenez-vous donc toujours autant ?
Absolument ! À 100%.
Son manque d'expérience dans le football est souvent pointé du doigt à Marseille.
Jacques-Henri ne va pas enfiler ses crampons et jouer ! C'est un excellent président. Il connaît son job. Cette critique n'est pas juste.
Il a expliqué que plus de 170 millions d'euros avaient été déjà dépensés pour renforcer l'équipe. Si certains choix ont été judicieux, d'autres l'ont beaucoup moins été. Pensez-vous que, sur le mercato, cet argent a bien été utilisé ?
L'an dernier, les choses se sont très bien passées, et personne ne trouvait rien à redire. Si on regarde les investissements depuis la saison dernière, nous avons renforcé l'équipe. Pourtant, pour l'instant, elle ne joue pas mieux. Elle doit retrouver le bon chemin. Et c'est maintenant qu'elle doit le faire.
Êtes-vous satisfait de l'arrivée de Mario Balotelli ?
Oui, très. C'est exactement le genre de chose qui me donne de l'espoir. C'est un plus pour le club. Quand un joueur de son talent se retrouve dans une situation délicate dans son club, il lui faut un nouveau challenge. D'ailleurs, cela ne vaut pas que pour les sportifs. Lorsque l'on se retrouve dans un nouvel environnement, on a l'opportunité et la motivation de se relancer. Je pense que Mario Balotelli sera un véritable atout pour nous. Je suis vraiment heureux de le voir à l'OM.
Un tel recrutement, pour seulement six mois, n'est-il pas dangereux pour l'équilibre de l'équipe ?
Non, pas du tout. Il va apporter son talent et son envie. Nous sommes tous ravis.
L'avez-vous déjà rencontré personnellement ?
Non, je vais le faire demain (lire aujourd'hui).
Allez-vous poursuivre vos investissements dans le club durant les prochaines années ?
Oui. En rachetant l'OM, j'avais annoncé un objectif d'investissement (200 millions d'euros sur quatre ans, ndlr). Je tiendrai cet engagement et continuerai dans cette voie. Nous le ferons bien sûr en respectant les règles du fair-play financier. Dans le sport, comme dans la vie, il y a des domaines qu'on peut contrôler : on prend des engagements et on les tient. Et il y a ensuite d'autres choses qu'on ne peut pas maîtriser : les résultats sur le terrain. Cela ne change toutefois pas nos ambitions pour le projet. Si des obstacles se présentent sur notre chemin, nous ferons tout pour les franchir.
La participation à la Ligue des champions en 2019-20 n'est donc pas vitale économiquement pour l'avenir de l'OM ?
Ce serait tout de même mieux pour le club (il sourit). Cela reste notre objectif, rien n'a changé.
Allez-vous parler aux joueurs avant cette rencontre capitale contre Lille ?
Il n'est pas nécessaire que je fasse un long discours. Mais je vais aller les voir dans le vestiaire. Eux aussi sont déçus. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour retourner la situation, ils travaillent très dur pour y arriver. Je sais qu'ils savent tous que je les soutiens. Nous avançons tous dans la même direction.
Un homme avait joué un rôle important à l'époque où vous avez racheté l'OM : Didier Poulmaire. Il n'est plus là aujourd'hui. Que s'est-il passé ?
Il nous a beaucoup aidés au moment de l'achat. C'était sa mission. Il a fait son job. Il n'a pas eu de rôle ensuite, il n'en a pas aujourd'hui et n'en aura pas non plus à l'avenir.
Il portait le projet des socios qui, semble-t-il, serait tombé à l'eau.
Ce n'était pas pour moi qu'il le faisait, donc je ne sais pas.
Le contexte est tendu. Qu'avez-vous envie de dire aux supporters, très en colère en ce moment ? L'accueil devrait encore être hostile contre Lille...
Tout d'abord, je suis autant déçu qu'eux. Je partage leur frustration. Je ne suis pas en position de dire aux supporters ce qu'ils doivent faire. Mais je pense que quand quelqu'un qu'on apprécie rencontre des difficultés, la première chose à faire est de l'encourager et le soutenir. C'est ça qui aide le plus. Ils savent que c'est essentiel pour l'équipe. Ce soutien a été capital la saison passée, contre Leipzig, par exemple, ou dans d'autres matches très importants. Ils ont un rôle clé quand ça va bien, mais aussi quand ça ne va pas. Ils sont passionnés, c'est cela qui fait de l'OM un club aussi incroyable.
Ils répètent souvent : "L'OM, c'est nous". En tant que propriétaire du club, comprenez-vous ce message et comment l'interprétez-vous ?
L'OM, ce n'est pas moi. L'OM, ce sont les supporters. Je le comprends. Je suis le pilote du projet. Il faut toujours garder à l'esprit que l'OM appartient aussi aux supporters, c'est une distinction très importante. Ce n'est pas un simple bien privé. C'est aussi un bien public.
Le club a récupéré l'exploitation du Vélodrome depuis le 1er janvier. C'est en revanche un point très positif pour vous... Qu'est-ce que cela va changer ?
En 2016, lorsque nous avons racheté l'OM, il y avait beaucoup de rumeurs autour de l'acquisition du stade. J'avais bien dit que cela ne faisait pas partie de notre plan. En revanche, nous voulions en avoir l'exploitation.
Ces deux dernières années, nous avons travaillé pour cela. Je suis donc très heureux. Nous travaillons sur les plans pour l'avenir, nous réfléchissons sur le long terme. Et pas seulement sur ce qui se passe aujourd'hui... Même s'il faut le faire aussi (sourire). Nous avons beaucoup d'idées. Lorsque nous aurons décidé lesquelles seront les meilleures, nous les partagerons avec plaisir avec le public.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez racheté l'OM pour faire de l'immobilier en France ?
Si j'avais voulu simplement investir dans l'immobilier, j'aurais pu économiser tout ce que j'ai déjà dépensé dans l'OM (rires).
Regrettez-vous de ne pas être assez présent à Marseille ?
Je suis là quand c'est nécessaire. Et, croyez-moi, je suis de très près tout ce qui se passe à l'OM.
Pensiez-vous que ce serait si dur ?
Non. Mais je ne veux pas paraître désinvolte dans ma réponse. En fait, je ne suis pas surpris parce que Boston, où j'ai grandi, ressemble à Marseille. Là-bas, les fans sont comme les supporters de l'OM. Ils sont passionnés, s'expriment beaucoup et veulent de bons résultats. Ensuite, j'ai déjà été à la tête d'un grand club à Los Angeles (la franchise de baseball des Dodgers) où j'ai vécu des hauts et des bas. Je sais que ça fait partie du sport. C'est la manière dont on se bat dans les périodes difficiles qui définit notre personnalité. Et je suis sûr d'une chose : l'OM a du caractère.
La Provence