Seul spécialiste du ballon rond au sein du prestigieux quotidien, le journaliste, basé en Angleterre - la Premier League est bien plus médiatisée que la Ligue 1 aux States -, a rencontré le Bostonien dans un hôtel de Monte Carlo, juste avant Monaco-OM. Il raconte : "J'ai le sentiment qu'il a vraiment voulu dire la vérité. Il a expliqué qu'il avait beaucoup appris lors de sa dernière aventure sportive avec les Dodgers, à Los Angeles (lire par ailleurs), où il sait ce qui a mal fonctionné. Il n'a pas essayé de prétendre qu'il n'avait pas commis d'erreurs. Ce qu'auraient pourtant fait beaucoup d'autres personnes à sa place. J'ai l'impression qu'il comprend ce que l'OM signifie pour les Marseillais, sa place dans l'histoire du football français et dans le monde."
Le "NYT" a-t-il prévu d'autres sujets prochainement ? L'un est en cours de préparation. Le célèbre titre, dont le siège est situé sur la 8e Avenue à Manhattan, était d'ailleurs présent lors de l'inauguration de l'OM Campus (en lieu et place de l'ex-stade Paul-Le Cesne), voilà quinze jours. "C'est le type de club sur lequel nous allons essayer de revenir plus régulièrement", annonce Smith.
Évidemment, le football européen ne supplantera jamais son homonyme américain aux États-Unis. Et encore moins le baseball et le basket-ball. "L'arrivée de Frank McCourt suscite-t-elle de l'intérêt ici ? La réponse est : 'pas encore'. C'est beaucoup trop tôt", rétorque l'ancien président de l'AS Monaco, puis manager général des NY Red Bulls, Jérôme de Bontin.
Installé depuis trente-cinq ans à Chicago, l'homme d'affaires développe : "À moins de se qualifier pour les quarts ou les demi-finales de la Ligue des champions, ou de pouvoir enrôler des joueurs tels que Neymar ou Mbappé, comme l'a fait le PSG, il est très difficile de stimuler le public footeux américain... Ce n'est pas parce que c'est l'OM. C'est la même chose pour tous les clubs. La France a gagné la coupe du monde, ça incite peut-être davantage de gens à faire un peu plus attention à la Ligue 1. Mais comme il n'y a quasiment pas de joueurs américains dans le championnat... Tant qu'il n'y en aura pas, ce sera très difficile de vendre le produit L1 aux États-Unis. Cela emmènerait les médias à s'y intéresser davantage."
"Prématuré de parler trop fort"
À NYC, pour causer OM, il faut surtout se pointer au Smithfield Hall, situé sur la 25e rue, dans le district de Chelsea. C'est là que se réunissent les membres d'OM New York, ce groupe de supporters installés dans la Grosse Pomme. S'il veut rencontrer des fans de longue date, le Bostonien sait donc vers où se diriger. Il ne leur a pourtant encore jamais rendu visite, au grand regret de ces fidèles présents devant les écrans du bar à chaque match des Olympiens.
L'association, bien implantée, et présidée par Thierry Julliard, est une parfaite ambassadrice de l'OM dans Big Apple. Mais elle préfère s'abstenir de donner son avis pour l'instant.
De Bontin, lui, enchaîne : "Les résultats auraient pu être meilleurs si les Marseillais s'étaient qualifiés en Ligue des champions, mais à côté de ça, ils ont disputé une finale de Ligue Europa, ce qui représente un succès. Frank McCourt a acheté une marque, puisque l'OM est l'un des clubs français les plus prestigieux, avec à la fois un historique et un potentiel de développement. Un club dans une grande ville, qui a toujours eu beaucoup de supporters, avec un stade quasiment plein. Mais ça prend du temps. Il est donc prématuré de parler trop fort et de dire trop de choses. Ce qui est certain, c'est que pour l'instant, il n'a rien fait de mal ! Il a fait de bonnes choses, on a l'impression que ça avance dans la bonne direction."
De là à susciter des vocations chez d'autres investisseurs US ? L'ancien patron de l'ASM a lui-même joué un grand rôle dans le projet - avorté - de reprise de l'AS Saint-Étienne. "Si on avait donné un peu plus de temps au temps, les choses se seraient faites, regrette-t-il. Il y a eu beaucoup de battage médiatique sur l'arrivée d'Américains en France, mais à ce jour, le seul achat officiel que je connaisse, à l'exception de l'OM, c'est celui du Havre par un entrepreneur (Vincent Volpe) qui avait déjà des usines dans le coin et n'était donc pas étranger à la ville."
France - États-Unis. Et vice-versa. Le mariage footballistique reste pour le moment insolite. La mayonnaise pourra-t-elle prendre un jour dans la patrie du ketchup ? En cette fin d'année 2018, quelle image a McCourt chez lui ? "Je pense que pour beaucoup de fans américains, il sera toujours davantage associé aux Dodgers et à son divorce qu'à autre chose", répond Rory Smith.
En Provence, où il passe le week-end, le sexagénaire est tranquillement parvenu à faire oublier cet épisode-là. À l'évocation de Frank, un autre prénom revient, celui de David. "Son plan pour l'OM, c'est d'être David contre le Goliath du PSG", conclut le reporter du New York Times. Un classique dans la rhétorique du sexagénaire le plus marseillais d'Amérique...