par uToPi » 10 Aoû 2018, 10:43
Sorry pour le pavé, j'ai tout fait a l'iPhone
FACE AUX GOLIATH, L’OM PEUT ÊTRE UN GRAND DAVID !
À l’aube d’une saison où son équipe doit absolument terminer sur le podium, le propriétaire de l’OM reste fidèle à sa vision qui mélange recettes de marketing, investissements mesurés sur le marché des transferts et dimension patrimoniale.
MARSEILLE – Salle de réunion du bâtiment administratif de la Commanderie, au deuxième étage. L’orage gronde et la pluie balaie la terrasse, alors Frank McCourt pose pour le photographe de L’Équipe à l’intérieur. Enfin, pose… Toujours affûté, celui qui a racheté l’OM en 2016 s’agite comme un karatéka devant les projecteurs, il ne manquerait plus qu’il fasse un dab ! Arrivé à Marseille hier matin, l’énergique propriétaire américain du club va ensuite délivrer un discours mobilisateur aux salariés et visiter les installations, avant de se pencher sur la suite du mercato avec la direction, stressée puis soulagée par le départ à grands frais de Frank Anguissa (voir page 16).
« Près de deux ans après l’achat de l’OM, quel est votre sentiment quand vous revenez à Marseille ?
C’est toujours la même excitation avant que la saison ne commence. Je suis plein d’optimisme, j’espère de grandes choses. Le projet suit son cours, on avance.
Étiez-vous en Russie pour assister à la Coupe du monde ?
Non, malheureusement, mais un de mes fils (Gavin) y représentait la famille. Mais j’ai regardé tous les matches et j’ai été très emballé par l’équipe de France, très fier aussi pour nos Marseillais qui sont devenus champions du monde. Ça a été une belle démonstration qu’un ensemble soudé de joueurs pouvait former une équipe.
Que pensez-vous des résultats de l’appel d’offres en ce qui concerne les droits télé ? Était-ce un point décisif pour vous ?
C’est une évidence que les progrès effectués par la Ligue 1, comme le résultat de la Coupe du monde d’ailleurs, démontrent que le football français est compétitif. Les investisseurs viennent des États-Unis, mais aussi d’un peu partout à travers le monde maintenant.
Êtes-vous surpris de voir des hommes d’affaires ou des fonds étrangers s’intéresser désormais à la Ligue 1 ?
Non, pas du tout. Ils voient ce qu’on a vu, ce qui se passe en France. C’est un moment important pour le football français, qui est de très grande qualité. Il faut maintenant trouver un moyen de rendre la Ligue 1 encore plus compétitive et réduire l’écart avec les autres grands Championnats. Cela n’arrivera pas en un jour, mais c’est possible.
Le challenge n’est-il pas d’attirer davantage de stars, et de ne pas être seulement une pouponnière pour la Premier League ou la Liga ?
Il s’agit de développer des talents et de les attirer. Je préfère d’ailleurs le terme “talent ” à celui de “star”. Ce dont nous avons besoin, c’est de talents et laissons-les en mûrissant devenir des stars. Parfois, les gens peuvent être un peu trop aveuglés par ce qui brille. Il y a beaucoup de talents en France, l’OM a besoin de les trouver, de les accueillir dans son projet et de les garder pour devenir encore meilleur. Nous avons commencé à le faire. Bien sûr, nous sommes des gens responsables et si une offre très significative nous est faite, nous devons l’étudier et parfois l’accepter pour réinvestir dans le projet et la compétitivité de l’équipe.
Êtes-vous surpris par les montants atteints par les futurs droits télé ?
Pas du tout. Les droits étaient sous-évalués avant. Ils correspondent plus à la réalité du vrai niveau de la L 1 désormais. Mais ils vont augmenter, ils doivent augmenter ! Nous allons continuer à améliorer l’attractivité du Championnat en attirant toujours plus de talents et en les gardant. Et l’OM a son rôle à jouer dans cette mission. Il faut créer un cercle vertueux : de meilleurs joueurs, de meilleurs jeunes, un meilleur jeu, de meilleures affluences, de meilleurs revenus et ainsi de suite.
Est-il vraiment possible de conserver ses meilleurs joueurs face à la toutepuissance financière de la Premier League par exemple ?
C’est difficile mais possible. C’est pour cela que je dis que c’est un processus à moyen et long terme. Il faut avoir un plan et s’y tenir. Il ne faut pas en dévier sans cesse en fonction des aléas du quotidien. Je ne nie pas la réalité : les revenus générés en Premier League sont gigantesques et il faut donc avoir une stratégie bien précise pour réduire l’écart.
Connaissez-vous le fonds américain (General American Capital Partners) qui devrait racheter Bordeaux ?
Non.
Et Philip Anschutz, qui fait visiblement partie des investisseurs ?
Je le connais, oui. C’est quelqu’un de très intelligent qui a réussi dans les affaires. Il a investi dans le sport (il est l’un des propriétaires des Los Angeles Lakers notamment). Pourquoi le fait d’obtenir l’exploitation exclusive du Stade-Vélodrome était-il un sujet aussi important pour vous ? C’était une de nos grandes priorités. Et heureusement, nous y sommes arrivés. J’espère que tout sera en place d’ici à la fin de l’année : nous aurons le contrôle total du Vélodrome. Si vous ne possédez pas la maison, vous n’y investissez pas de la même façon. Maintenant, le Vélodrome sera vraiment notre maison. C’est un lieu incroyable, une belle enceinte. Nous allons investir dans et autour du stade pour améliorer la “fan expérience”.
C’est-à-dire ?
Immédiatement : nous allons effectuer des travaux pour améliorer la pelouse, l’éclairage et le son. Et nous avons aussi différents projets que j’exposerai en temps voulu.
Comment cela peut-il vous être profitable sans une importante hausse des tarifs des places au stade ?
On a réfléchi à de multiples méthodes pour augmenter nos revenus, pas une seule. L’amélioration des conditions d’accueil dans et autour du Vélodrome est un moyen parmi d’autres pour y parvenir. Si vous regardez les photos sur les murs (trois images du Vélodrome qui forment un panoramique du tifo réalisé pour le Classique d’avril 2015), on voit que le stade est vraiment notre maison. Il doit refléter la personnalité de l’OM et nos supporters doivent s’y sentir chez eux.
Les revenus de l’exploitation du stade pourraient-ils vous permettre, à terme, de recruter un joueur – comme Morgan Sanson, acheté 12 M€ en janvier 2017 – par été ?
C’est l’idée : il ne faut, en effet, pas sousestimer les revenus que cela peut générer. C’est un des moyens d’attirer et de garder les meilleurs joueurs possibles. Mais ce n’est qu’une composante d’une stratégie beaucoup plus large.
En septembre, l’appel d’offres pour le parc Chanot, situé aux abords du Vélodrome, sera lancé. Pourriez-vous y investir pour y créer un village OM, par exemple ?
Nous pourrions, mais nous évaluons la situation pour l’instant, nous devons bien étudier quels seront nos prochains investissements à l’avenir. Ce qui est certain c’est que nous voulons voir le Vélodrome s’améliorer mais aussi ses alentours. Tout ce qui pourrait rendre l’accueil de nos supporters meilleur est important, comme toutes les activités qui pourraient se développer autour.
Quel est votre meilleur souvenir de la saison passée ? L’épopée en Ligue Europa ?
J’en ai beaucoup, nous avons disputé tant de matches ! Je crois d’ailleurs que l’OM est l’une des équipes qui en a disputé le plus grand nombre en Europe. Leipzig au Vélodrome (quarts de finale retour, 5-2, le 12 avril) me revient en mémoire, bien sûr, parce que tout a été réuni : le match, la qualification, l’ambiance dans le stade. Ça a vraiment été une soirée fantastique. Mais quand je remonte plus loin dans la saison, je me souviens aussi de ce match à Nice (4-2, le 1 er octobre). Ça a été un moment crucial de notre saison, une étape importante pour l’équipe, pour tout ce qu’il a représenté.
D’autant qu’il est arrivé quelques semaines seulement après les deux défaites à Monaco et contre Rennes. Étiez-vous inquiet à ce moment-là ?
Non je ne l’étais pas du tout, franchement. Nous avions encore le temps pour redresser la barre, pour revenir dans la course.
Rudi (Garcia) a effectué du bon travail pour redonner de la confiance aux joueurs et pour construire une équipe encore plus compétitive. Il peut se passer tellement de choses dans une saison : des défaites, des blessés… Il faut savoir garder son sangfroid dans ces moments-là.
L’Evragate (1) est-il votre plus grande désillusion depuis que vous êtes devenu le propriétaire de l’OM ?
Cette histoire appartient au passé. Je ne ferai pas plus de commentaires.
Êtes-vous surpris par l’engouement des supporters marseillais ?
Cela me fait sourire, en fait, parce que c’est exactement ce que toutes les personnes, absolument toutes, m’ont dit avant de devenir le propriétaire de l’OM : “Marseille est différent, spécial”. Et c’est vrai : la passion pour l’équipe, le soutien des tribunes, tout est différent qu’ailleurs en France. L’équipe doit toujours jouer avec autant d’âme pour répondre à la ferveur de nos supporters. L’ambiance qu’ils créent permet à notre équipe de se surpasser. Et c’est extrêmement gratifiant d’entretenir ce lien.
L’ambiance du “soccer” est-elle plus forte que dans les sports US ?
La meilleure comparaison que je pourrais faire, c’est de dire que chaque match de l’OM, de la première à la dernière journée, ressemble à un match de play-offs que ce soit du basket, du base-ball ou du football américain. Dans l’atmosphère, dans la tension, il y a des similitudes.
Êtes-vous inquiet en revanche par les sanctions de l’UEFA à l’encontre de l’OM, à la suite notamment des incidents en finale de la Ligue Europa (2)?
Bien sûr. Si nous sommes de nouveau sanctionnés, nous ne pourrons plus être engagés en Coupe d’Europe, ce serait inquiétant pour notre projet. Je sais que nos supporters le font par passion, mais le problème, c’est que le club est puni. Je suis sûr que nos supporters peuvent démontrer leur soutien à travers bien d’autres moyens : les chansons, les tifos…
Dans ce contexte passionnel, vous êtes un propriétaire très calme, très discret…
C’est le terrain qui doit être au centre de l’attention, le match, les émotions qu’il génère. Ce que je fais, c’est juste accompagner cela. Jacques-Henri (Eyraud, le président), Rudi (Garcia), Andoni (Zubizarreta, le directeur sportif) et les salariés de l’OM sont sur la ligne de front, au quotidien. Nous partageons tous le même but. Je fais tout ce que je peux pour accompagner Jacques-Henri et l’équipe. C’est mon rôle, je veux créer le club le plus solide possible. À côté de la partie sportive, l’OM doit jouer un rôle important dans la communauté. La Fondation OM, l’Innovation Cup et d’autres projets qui seront lancés, tout ça doit montrer un engagement tangible, c’est important pour moi. On rend à la communauté, qui donne tant à l’OM. On va parler de plus en plus de ça, car cela rend visible nos valeurs. J’apprécie aussi de voir les employés de l’OM faire du bénévolat au sein de la communauté, en dehors de leur temps de travail. Je n’ai pas les chiffres exacts en tête, mais je dirais 400 heures de volontariat pour 73 salariés, c’est l’esprit que je veux voir.
Serez-vous, vous aussi, plus souvent sur le terrain marseillais ?
J’étais déçu de manquer le gala de la Fondation, fin mars. Nous avons envoyé des gens de nos équipes américaines, notamment Tracey Russell, qui chapeaute nos activités caritatives.
Quelle est la fréquence de vos relations avec le président Eyraud ?
Un bon propriétaire doit être un intendant, un régisseur, un organisateur pour le club. Il doit fournir tout ce qu’il faut pour atteindre les objectifs, les moyens financiers, la stratégie… et doit aussi recruter les dirigeants exécutifs qui vont conduire le club au quotidien. Pour moi, un “CEO” (PDG), dans tous les types de business, doit avoir les compétences pour appliquer une stratégie avec un budget précis et des méthodes efficaces, en étant responsable de ses équipes. L’OM est différent, car il a une portée civique avec une communauté de 60 000 fans qui se rendent chaque weekend à un événement qui rythme leur vie. Sans compter tous ceux en France et de par le monde. Le rôle du CEO de l’OM est donc différent. Il doit avoir un état d’esprit qui prend en compte à la fois le business, le sportif, et la communauté. Jacques-Henri excelle à trouver cet équilibre. Il sait quand me trouver, et quand nous avons besoin de discuter d’un point. Nous avons une réunion programmée chaque semaine. Mais sur des périodes comme l’avant-saison, nous avons besoin d’échanger plus. Après deux ans, nous avons une relation fluide, automatique. On communique facilement. La stabilité a une importance critique dans le sport. Cela prend du temps pour trouver la bonne dynamique, pour remplir les objectifs. Si tu changes tout le temps de priorités, de positions, tu gâches tout.
Pouvez-vous intervenir, si le besoin se fait pressant, dans le dossier du grand attaquant ?
Si c’est utile, bien sûr. Je fais tout ce qu’il faut pour que nous atteignions nos objectifs. Mais je veux que tout le monde se sente responsable pour faire son job, en sachant qu’on a accès à moi quand on le veut. Je me vois comme une ressource pour le club et ses équipes.
Début 2017, vous aviez évoqué cette question du grand attaquant, tant attendu depuis par les supporters…
J’ai déjà évoqué le mot stabilité. Nous devons construire là-dessus. Si on reprend la saison dernière : nous avons été en finale de Ligue Europa (perdue 0-3 contre l’Atlético de Madrid), nous avons marqué beaucoup de buts, nous avons glané 77 points en Championnat, un total important : quel est notre plus grand besoin ? Nous avons recruté Caleta-Car, une recrue précieuse, jeune, grand, technique, avec un fort potentiel. C’est une indication précise. Nous allons continuer à être très stratégique sur notre recrutement, en gardant une base solide et apporter des pièces très spécifiques. S’il y a la moindre opportunité de prendre un joueur pour rendre l’équipe plus forte, nous la saisirons. Mais, encore une fois, nous ne sommes pas attirés par ce qui brille, par des histoires d’un jour. Notre stratégie, c’est le long terme. On est évidemment ouverts d’esprit, mais on a déjà créé quelque chose de bien.
Allez-vous prolonger prochainement votre entraîneur ?
Je suis ravi du travail réalisé par Rudi et Andoni. Au moment approprié, on parlera avec eux d’une prolongation de contrat, mais je n’ai rien à partager avec vous aujourd’hui sur ce sujet. Nous vous le dirons en temps et en heure.
Où en êtes-vous de cette fameuse enveloppe des 200 M€, évoquée à votre arrivée ?
Vous évoquez les 200 M€ d’investissements sur les joueurs ? Je respecterai les engagements que j’ai avancés. Nous avons à ce stade déjà investi près de 140 M€ en achat de joueurs – et beaucoup plus si on ajoute les investissements dans les autres secteurs du club –, mais nous allons continuer à être actifs dans l’achat de joueurs, avec les critères précédemment spécifiés. On ne sera pas actifs pour être actifs. Nous voulons recruter et développer de jeunes talents, et pour ça, il fallait améliorer le scouting, les installations. Nous avons aéré la Commanderie, nous sommes en train de transférer une partie des activités vers le stade du Cesne. Nous avons un meilleur classement au palmarès des centres de formation (17 e ). Nous n’étions même pas dans le top 20, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous devons finir dans le top 3.
La qualification en Ligue des champions cette saison est-elle fondamentale ?
Bien sûr, nous devons atteindre ce niveau. Il s’agit d’être meilleur cette saison que la précédente, à tous les niveaux. Et pour cela, il faut terminer sur le podium. C’est un objectif ambitieux, je le sais bien, mais c’est le nôtre.
Comment combler le fossé avec les grandes écuries européennes, à commencer par le PSG ?
Nous sommes sur la bonne voie, les résultats sont intéressants, il y a eu un beau momentum. Nous avons vu tout l’argent dépensé sur des joueurs dans l’Europe entière, nous devons être encore plus malins dans la mise en œuvre de notre stratégie. Si tu veux rivaliser avec des gens qui ont plus de ressources, tu dois être très ingénieux, on a besoin d’être créatifs, de penser différemment. Il y a une raison pour laquelle la parabole de David contre Goliath résonne dans l’esprit des gens. Parce que la vaste majorité des gens sont des David, qui se battent contre des Goliath, que ce soit dans leur quotidien, ou dans leur activité, ou encore dans le sport. L’OM, c’est David, comparé aux géants européens. Mais j’aime être un David, et face aux Goliath, l’OM peut être un grand David ! J’attends avec impatience le moment où nous allons mettre le Goliath K.-O.
Avez-vous déjà été sondés par des repreneurs, après avoir remis l’OM d’aplomb ?
Je n’ai pas eu de contacts avec d’éventuels repreneurs, car nous ne sommes pas vendeurs. C’est un investissement pour la prochaine génération de McCourt. Mon espoir est que ma famille soit à la tête de l’OM bien après mon départ. L’équipe a une meilleure allure qu’en octobre 2016, le futur est brillant, mais ce n’est pas un honneur pour moi de dire que l’OM va mieux. Car l’OM est plus grand que moi, que n’importe quel joueur ou individu. L’OM est là depuis longtemps, il sera là encore longtemps. Je veux juste le rendre aussi fort que possible. »