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INTERVIEW; "Ensemble, on peut soulever des montagnes"; Le propriétaire américain de l'OM a reçu La Provence à son hôtel hier, en début d'après-midi. Très fier du parcours de l'équipe olympienne et du travail effectué au club depuis son rachat, il remercie également les supporters pour leur soutien indéfectible
Dans quel état d'esprit êtes-vous à quelques heures de ce rendez-vous historique ?
Je suis très excité. Vous savez, j'essaye de me retenir, mais c'est dur. En même temps, je mets en perspective ce moment avec tout ce que nous avons déjà accompli cette année.
Imaginiez-vous, en octobre 2016, lorsque vous avez racheté le club, que l'OM se retrouverait en finale d'une coupe d'Europe moins de deux ans plus tard ?
Cela faisait partie de notre projet mais, pour être honnête, c'est arrivé un peu plus vite qu'on ne le pensait... Je suis extrêmement fier de toute l'équipe. Il a fallu beaucoup de travail pour en arriver là.
Vous êtes donc en avance sur votre plan initial ?
Oui, c'est juste de dire cela.
C'est une bonne surprise ?(Il réfléchit) C'est un très bon moment. Je tente de bien séparer les choses, de les équilibrer. Mon travail est de regarder vers l'avenir. Mais dans des périodes comme celle-ci, le présent prend le dessus. Il est donc important de faire une pause, d'apprécier le moment et de souligner tout le boulot qui a été accompli par Jacques-Henri (Eyraud), Andoni (Zubizarreta), Rudi (Garcia) et toutes les équipes à l'oeuvre sur le terrain. Le futur, on y pensera à partir de la semaine prochaine.
Comment vivez-vous, à titre personnel, cette formidable épopée européenne ?
Je ressens différentes émotions : de la reconnaissance par rapport à tout ce qui arrive, de la joie pour Marseille et les supporters. Je suis vraiment fier des joueurs et du staff. L'équipe a démontré quelque chose de très spécial : elle est soudée, tout le monde travaille ensemble, chacun se fait confiance. Grâce à cela, elle a montré ce qu'il était possible de réaliser.
Quels moments forts retenez-vous de cette saison ?
Il y en a quatre. Le premier était un véritable test de caractère après la défaite contre Rennes (1-3, au Vélodrome, le 10 septembre). L'équipe s'est tout de suite battue pour relever la tête et a trouvé de la cohésion : cela a été l'un des actes fondateurs. Le deuxième fut la victoire à Nice (4-2, le 1er octobre). Les joueurs ont prouvé ce soir-là ce qu'ils étaient capables de faire ensemble, ils étaient menés au score et sont revenus pour finalement l'emporter. Le troisième est bien sûr la rencontre contre le PSG (2-2, le 22 octobre). C'était exceptionnel. Ce match a montré toutes nos possibilités. J'ai aussi été impressionné par le public : les supporters ont été incroyables et ont montré qu'ils faisaient partie intégrante de l'OM. Enfin, il y a évidemment eu la coupe d'Europe, la qualification contre Salzbourg qui nous amène ici aujourd'hui...
Êtes-vous davantage sollicité aux États-Unis grâce à ce formidable parcours de l'OM ?
Oui (il est catégorique). Je vais vous raconter une anecdote : il y a quelques jours, à New York, je traversais Central Park pour me rendre à mon bureau. Un homme qui roulait en vélo s'est arrêté à ma hauteur et m'a dit : "Je suis de Paris, mais je suis supporter de l'Olympique de Marseille !" Nous avons eu une discussion très sympathique. Sa petite amie s'est jointe à nous. Des histoires comme celle-là sont de plus en plus fréquentes. C'est remarquable. C'est sûrement dû au succès croissant de l'OM. La coiffeuse de ma mère (qui réside en Floride) vient de Saint-Tropez, c'est une fan. Le propriétaire de l'un de mes restaurants préférés aussi.
Il y a également l'association de supporters "OM New York". Avez-vous rencontré ses membres ?
Oui, j'en ai vu quelques-uns individuellement, mais j'aimerais bien les voir en groupe.
Revenons sur cette finale. Quelle sera la clé du match selon vous ?
Nous devons continuer de faire ce qui nous a amenés jusqu'ici. Pour moi, il y a deux éléments à retenir. Le premier, pour tous les membres de l'équipe : ce ne sera pas à l'un d'eux de faire la différence tout seul, mais au collectif, dans son intégralité. Les joueurs doivent continuer à se faire confiance. La deuxième chose, c'est qu'ils aillent chercher au plus profond d'eux-mêmes ce supplément d'énergie et de volonté que chacun a en soi, qu'ils dépassent leurs limites et aillent au-delà de leurs possibilités. Ils n'ont pas besoin de moi pour leur dire ça, je sais qu'ils en sont capables et l'ont déjà fait régulièrement. Après, tout ce qui concerne la stratégie et la tactique appartient à Rudi.
L'OM n'est pas favori et se retrouve dans une position d'"underdog" (terme américain désignant celui qui n'est pas pronostiqué vainqueur au départ mais qui donne tout pour triompher à la fin). Comment analysez-vous cela ?
L'OM représente tous les "underdogs", partout dans le monde. C'est une qualité typique de ce club. C'est l'équipe du peuple. Elle a une volonté incroyable. C'est la formule du succès de l'Olympique de Marseille : même si nous continuons de gagner, il faudra garder cette énergie qui fait notre force. Il faudra encore continuer à pousser, il y a aura toujours face à nous des clubs avec davantage de ressources financières, des géants. Mais nous nous positionnerons toujours ainsi.
Cette détermination impressionnante, c'est ce qui vous plaît dans cette équipe ?
Oui. La vie peut être dure, la compétition peut être difficile, il y a des obstacles, de l'adversité, beaucoup d'attentes. Mais une équipe sportive comme l'OM personnifie ce caractère, ce tempérament de combattant. Elle est le symbole de la volonté et de l'envie de se dépasser.
Vous adresserez-vous aux joueurs avant la rencontre ?
Probablement. Je vais aller à leur hôtel, je vais aussi parler avec Jacques-Henri et Rudi, leur dire combien je suis fier d'eux et combien je crois en eux. Mais je ne veux pas interférer avec la partie sportive.
L'engouement est redevenu incroyable autour de l'OM, notamment à Marseille, où des dizaines de milliers de personnes vont se réunir pour voir le match. Cela vous rend-il fier ?
C'est une grande source de joie, bien sûr ! L'énergie est palpable. Je suis sûr qu'ils le savent, mais permettez-moi de le répéter : les supporters nous ont aidés à en arriver là. C'est un véritable travail d'équipe.
Qu'aimeriez-vous leur dire aujourd'hui ?
Merci ! Merci pour leur formidable soutien. Et maintenant, nous avons encore du travail à accomplir. Ils doivent prendre du plaisir avec ce match. Qu'ils sachent que nous ferons tout pour ramener la coupe à Marseille. Nous voulons que tout le monde soit heureux, et pour cela, il faut que tout le monde soit en sécurité. Cette soirée doit être une fête.
Quel regard portez-vous sur le trio Eyraud - Zubizarreta - Garcia ?
Ils réalisent tous les trois un excellent travail. Ce que j'ai appris du succès en sport est qu'il est capital que le propriétaire, le président, le directeur sportif et l'entraîneur regardent dans la même direction. Cela ne veut pas dire qu'ils doivent forcément avoir la même opinion ou qu'ils effectuent le même job. Mais chacun, dans l'organisation, apporte sa pierre à l'édifice.
C'est comme le jeu de la corde, sur la plage. Si chacun la tire dans son coin, elle peut se fragiliser et craquer. En revanche, lorsqu'on se met tous du même côté, ensemble, on peut soulever des montagnes.
C'est ce qui se passe à l'OM et j'en suis très content. Jacques-Henri, Andoni et Rudi se donnent à 100% pour le collectif, ils communiquent beaucoup et vont dans le même sens. C'est vraiment plaisant.
Quels joueurs vous ont le plus impressionné ?
C'est comme si vous me demandiez lequel de mes cinq enfants est mon préféré... (rires) Tous ont eu un rôle à jouer. Chacun a contribué à ce beau parcours.
Ironie du destin : Antoine Griezmann, que vous appréciez lorsqu'il porte le maillot bleu, sera dans le camp de l'Atlético...(Il se marre)Cette fois, on parle d'un enfant de quelqu'un d'autre ! Je ne serai focalisé que sur notre équipe, je n'y pense donc pas du tout.
Ces bons résultats vous donnent-ils envie d'investir encore davantage dans le club ?
Il y aura encore des investissements, mais dans le respect des règles du fair-play financier. Nous le ferons de façon intelligente et créative comme nous l'avons fait jusqu'à présent. C'est un jeu d'équilibre. Nous allons rester sur cet élan et continuer à travailler.
Aujourd'hui, êtes-vous un homme heureux d'avoir racheté l'OM ?
Oui, oui (il répond en français). Il s'est passé tout ce que je pouvais espérer, et même davantage ! Beaucoup d'athlètes peuvent s'entraîner toute leur vie et ne jamais arriver là où on est aujourd'hui. Je suis vraiment très fier des joueurs, de l'équipe, du coach, du staff... Ils ont vraiment réussi quelque chose de formidable.
La Provence