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Promue en Division 1, l’équipe féminine de la cité phocéenne affronte pour la première fois son homologue du PSG, dimanche 25septembre.
Entre mer et collines, le soleil de la Méditerranée, toute proche, joue à cache-cache avec les nuages. Jeudi 15septembre, il chauffe parintermittence le stade Roger-Lebert, situé dans le 8e arrondissement de Marseille, entre les quartiers de la Bonneveine et du Roy d’Espagne. Sur le terrain de cette modeste enceinte municipale, à l’unique tribune d’à peine 200 places et au confort spartiate, une équipe de l’OM prépare le choc du championnat face au PSG rival. Les protagonistes ne s’appellent ni Bafétimbi Gomis ni Lassana Diarra mais Sandrine Brétigny ou Caroline Pizzala. Programmée dimanche 25septembre au camp des Loges (Saint-Germain-en-Laye) pour le compte de la 2e journée, cette rencontre, qu’on qualifie en temps normal de «classique» en Ligue 1, sera pourtant une affiche inédite pour le football féminin: les Marseillaises ont accédé seulement cette saison à l’élite, la Division 1.
Un rendez-vous particulier pour la capitaine Caroline Pizzala, enfant du pays mais aussi ancienne joueuse du PSG (de 2007 à 2014), qui avait été contrainte à l’exil pour pouvoir jouer au plus haut niveau: «J’ai été obligée de partir car il n’y avait pas d’équipe de D1 à Marseille. Je suis très contente d’être revenue. Ça va être spécial de retrouver le camp des Loges.»
Un OM sans femmes pendant 25 ans Hormis un embryon d’équipe féminine dans les années 1920, l’OM avait déjà accueilli des footballeuses au tournant des années 1970 et 1980, sous la houlette d’un entraîneur précurseur, Laurent Gombert. Les Olympiennes avaient fréquenté durant neuf saisons l’ancêtre du championnat de France, organisé alors en poules régionales. Dissoute en1986, la section féminine olympienne a été recréée en2011 à partir de zéro. «Il avait été question d’une fusion avec les Celtics de Marseille, le meilleur club local du moment. Elle ne s’est pas faite. On a fait le choix de gravir les échelons progressivement», rappelle Robert Nazaretian, vice-président de l’association OM, l’entité qui gère le centre de formation et l’équipe féminine.
Encouragés par la FFF, les clubs professionnels s’attellent depuis quelques années à la création de sections féminines, dans le sillage de l’Olympique lyonnais, du PSG ou encore de Montpellier. Encouragés par la Fédération française defootball (FFF), les clubs professionnels s’attellent depuis quelques années à la création de sections féminines, dans le sillage de l’Olympique lyonnais, du PSG ou, encore, de Montpellier. Il y a cinq ans, c’est José Anigo qui avait lancé le projet à Marseille. «Il m’a proposé le challenge. On est parti du niveau district. C’était tout nouveau, tout frais», explique Christophe Parra. Après une expérience à la tête du club amateur de l’Etoile sportive de La Ciotat, ce Marseillais de 45ans est «fier et heureux» d’entraîner l’OM depuis le début de l’aventure.
Champion de France de D2 l’an passé et promu à l’échelon supérieur en compagnie de Bordeaux et de Metz, Marseille a recruté dix nouvelles joueuses, dont les internationales Kelly Gadea (France) et Sara Yüceil (Belgique), pour faire face à ce nouveau défi. «Nous sommes passés de quinze joueuses originaires de la région à sept au sein de l’effectif. Mais nous faisons tout pour conserver l’état d’esprit qui a permis cette aventure humaine et sportive. Il y a un fossé colossal entre les deux divisions. Nous avons observé les clubs qui ont fait l’ascenseur ces dernières années», analyse Christophe Parra.
Forte d’un budget de 1,3million d’euros, non négligeable même s’il est encore loin des sommes investies par Paris (environ 7millions) ou Lyon (environ 6millions), la section féminine de l’OM ne cesse de se structurer et de se développer. Ancienne internationale tricolore aux 22 sélections et ex-Lyonnaise durant douze ans, l’avant-centre Sandrine Brétigny a rejoint il y a un an les Bouches-du-Rhône: «Nous sommes placées dans de bonnes conditions. On s’entraîne le matin. Les vingt-cinq joueuses ont des contrats fédéraux. Cinq ou six joueuses de l’effectif ont déjà connu le grand bain. J’essaie de donner l’exemple, que ça soit l’exigence à l’entraînement ou l’attention portée à la préparation.»
Années-lumière Après un match nul récolté en ouverture contre un autre promu, Bordeaux (1-1), Marseille arrive tout de même dans ses petits souliers face à Paris, qui de son côté a gagné 4-0 à Albi.
Le PSG reste sur quatre deuxièmes places nationales consécutives et une place de finaliste de la Ligue des champions en2015. Derrière les intouchables Lyonnaises, dix fois championnes de France d’affilée, l’équipe desParisiennes fait figure demastodonte. «Nous sommes à des années-lumière de ces clubs. A un aucun moment, nous n’entrons dans une rivalité avec le PSG. Il faut continuer de solidifier et d’étoffer le projet. Nous ne sommes pas encore performants, comme on espère l’être dans quelques semaines», défend Christophe Parra.
«C’est différent dans le foot féminin. Il n’y a pas encore ce folklore [contre le PSG]. On s’attend à un gros match contre l’un des favoris plus qu’à une rencontre face à des rivales. Il faut nous laisser du temps» Réalistes quant au fossé qui sépare les habituels rivaux du football masculin, les Marseillaises préparent avant tout un match difficile face à un adversaire supérieur sur le papier. «C’est différent dans le foot féminin. Il n’y a pas encore ce folklore. On s’attend à un gros match contre l’un des favoris plus qu’à une rencontre face à des rivales. Il faut nous laisser du temps», réagit Caroline Pizzala. Ancien joueur de l’OM, le dirigeant Robert Nazaretian fait appel à l’histoire pour encourager ses troupes, lorsque l’OM avait aligné l’équipe réserve au Parc des Princes pour protester contre le traitement destiné à ses supporteurs. «On joue à onze joueuses contre onze. En2006, nos minots du centre de formation étaient montés en train et avaient accroché le nul à Paris…», lance-t-il.
Membre du directoire, Cédric Dufoix, même s’il s’en défend, en profite même pour lancer une pique au PSG. «Il est certain qu’un PSG-OM a toujours une saveur particulière. Pour être franc, c’est plutôt la réception à venir de l’OL qui nous fait vibrer (dimanche 16octobre). France 4 devrait diffuser le match qui se jouera peut-être au Stade-Vélodrome. Il faudra être à la hauteur de l’événement face aux triples championnes d’Europe», espère lesecrétaire général du club, qui devrait encore figurer dans le nouvel organigramme marseillais.
Fada des likes Alors que l’équipe va évoluer au stade Lebert pour la plupart de ses matchs et peut-être parfois au Stade-Vélodrome ou au stade Parsemain à Istres – une piste à l’étude – pour les grands rendez-vous, les Olympiennes commencent à susciter de l’intérêt dans la ville. «Nous avons près de 300000 likes sur la page Facebook de l’équipe (287000), soit plus l’année dernière que tous les clubs de D1 réunis (l’OL féminin en compte 39000). On sent un engouement monter. Il y a aussi une attente au sein de la fédé et des autres clubs», se réjouit le coach Christophe Parra.
Un sentiment confirmé par Brigitte Henriques, responsable du plan de féminisation à la FFF et grande architecte du développement du football féminin tricolore: «Forcément, un PSG-OM, ça attire les médias. Il faut voir le projet du club. L’OM a l’air d’avoir mis les moyens. C’est dur pour les clubs pros car ils sont attendus tout de suite… Or, il n’est pas évident d’être performant dès la première année.»
En progression quasi linéaire depuis sa renaissance en2011, malgré deux saisons en D2 de 2014 à 2016, l’équipe féminine de l’OM attend de savoir quel sera le regard du futur nouveau propriétaire américain, Frank McCourt.
«Ce projet arrive à maturité alors que le club est racheté par des Américains, dont on connaît la ferveur pour le soccer féminin.» Cet homme d’affaires, ancien détenteur de la franchise de base-ball des Dodgers à Los Angeles, devrait boucler le rachat du club phocéen dans les semaines qui viennent. «La section féminine n’est pas venue tout de suite dans nos discussions. Ce projet arrive à maturité alors que le club est racheté par des Américains, dont on connaît la ferveur pour le soccer féminin. Ça n’en sera que plus positif, je pense, même si ce ne sont que des supputations», éclaire Cédric Dufoix.
Chaque chose en son temps. Pour le moment, le club marseillais veut surtout assurer sa place au sein de l’élite. «On monte en D1, on pense à y rester. L’entraîneur Christophe Parra est quelqu’un d’ambitieux. On va encore attendre pour voir le niveau d’ambitions que nous indiquera le nouveau propriétaire», ajoute Cédric Dufoix. Le rendez-vous parisien du week-end ne peut être que bénéfique pour les nouvelles arrivées, comme le résume la buteuse Sandrine Brétigny: «C’est le PSG qui a quelque chose à perdre. Pas nous.»