Information
Ciccolunghi,
merci pour ce moment
Le fugace président de l’OM n’a rien accompli de concret en près de deux mois au club. Mais il restera l’homme d’une transition douce. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE (avec VINCENT GARCIA) MARSEILLE – Atypique Cicco. Il appelle Hiroki Sakai le samouraï, sans doute pour ses courses tranchantes. Il voyage vers Guingamp en avion de ligne quand Kyril Louis-Dreyfus prend le jet privé de sa mère. Il préfère les matches de la réserve à Carnoux plutôt que les salons VIP du Vélodrome. Il loge à l’hôtel Intercontinental, mais ne goûte pas plus que ça le luxe de l’établissement. Pour prendre un café ou un repas, il préfère descendre quelques dizaines de mètres plus bas, à la Trattoria Marco, avec ses pâtes aux clovisses ou ses cannellonis à la brousse. Cela lui rappelle sa propre osteria à Moscou, Da Cicco. Il est venu pour aider sa Margarita adorée, mais aurait peut-être hésité à chambouler sa vie en Russie s’il avait su qu’elle vendrait si vite.
Cicco a un style : la force tranquille. À l’OM, on le croise tous les jours à la Commanderie, il débarque parfois dans les bureaux de ses subordonnés pour papoter et observer. Pendant plusieurs semaines, il a fait un audit à sa sauce, sans chiffres, au feeling, découvrant qui bosse vraiment et qui tire au flanc. Dans le directoire, pour les dossiers de fond, il s’appuie beaucoup sur Alexandre Mialhe, juriste consciencieux, moins sur Cédric Dufoix, qui lui sert de chaperon auprès des institutions. Il juge sur pièces, pas sur réputation, et a ainsi laissé sa chance à Luc Laboz, le bras droit de Labrune, que d’autres auraient congédié dès leur arrivée pour marquer leur territoire. Pendant la période des transferts, il a souri auprès de certains interlocuteurs : « Oh, moi, je ne connais rien au foot, je préfère l’escrime. » Cela ne l’empêche pas de poser mille questions aux représentants des joueurs, et même d’avouer, l’œil pétillant : « J’aurais aimé être agent ! » Il y a du boulot : dans son bureau, il signe les contrats de Vainqueur et Njie en regardant OMTV plutôt que le document. Heureusement, le juriste Mialhe a tout bétonné – il s’agit d’éviter de nouveaux déboires judiciaires.
sans ego, il ne se soucie pas de son image
Fin août-début septembre, pendant près de quinze jours, il a fait la tournée des groupes de supporters, où il a affiché une vraie curiosité. « Labrune est une tornade, qui fonce sans se retourner, explique Dany Kebaili, le président des South Winners. Cicco est profondément humain, chaleureux, il s’intéresse aux autres. J’ai été bluffé par sa façon de saisir les particularités de chaque association de supporters. » Chez les Yankee, on raconte une autre anecdote : « Dans le conflit qui nous oppose à l’OM sur la commercialisation des abonnements, il a suivi les ordres de Jean-René Angeloglou, le président du conseil de surveillance. Et il nous a dit : “Allez au tribunal, comme ça les juges trancheront cette querelle. Et, entre nous, j’espère que vous allez gagner !” »
Cicco, un Ponce Pilate au regard malicieux qui adore faire des blagues, même si elles ne sont pas toujours saisies – son élocution en français est brouillonne, en tout cas moins vive que son esprit, subtil. Le 29 août, jour de l’annonce des négociations exclusives entre MLD et Franck McCourt, il se trimballe avec flegme dans les escaliers de l’hôtel de ville, lance quelques petites piques facétieuses à ses interlocuteurs (journalistes, politiques), mais personne ne comprend. Il avait déjà décontenancé les joueurs en débarquant à leur hôtel, à Halle (Allemagne), le 27 juillet, pour se présenter. Avec son accent, sa façon de rentrer son polo dans le pantalon, sa moustache épaisse, il est à mille lieues de leurs codes. Et pourtant, il plaît, et ils le jugent aussi sincère que touchant quand il leur dit : « Ma porte est toujours ouverte. Si vous avez un problème, je ferai tout ce que je peux pour vous aider. »
Pour Pape Diouf, Labrune a été consumé par sa « vanité ». Cicco est l’exact inverse, sans ego, il ne se soucie pas de son image dans la presse. Il n’a pas répondu à nos sollicitations, comme il n’est jamais intervenu pour se plaindre d’un papier. « Avec quelques mois de plus, il aurait été un très bon président de l’OM », confie un cadre du club. Il restera un figurant sympathique dans l’histoire marseillaise, un ovni fulgurant dans la poudrière olympienne.