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GERARD LOPEZ, ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ
Enterré par l’entourage de Margarita Louis-Dreyfus début août, ressuscité trois semaines plus tard avec Marcelo Bielsa en supplément d’âme, le projet du Luxembourgeois fait fantasmer les supporters marseillais, épuisés par le feuilleton de la vente. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
MATHIEU GRÉGOIRE (avec V. G.) MARSEILLE – Il ne souhaite pas être le nouveau Jack Kachkar, celui qui met les pieds sur la table basse du bureau présidentiel à la Commanderie sans avoir tout ficelé avant. Après quarante-huit heures agitées, l’homme d’affaires luxembourgeois Gerard Lopez nous a transmis ce message hier en fin d’après-midi : « Rien n’est signé avec personne, ni avec le vendeur, ni avec aucun entraîneur, y compris Marcelo Bielsa. Il faut vraiment que ces rumeurs incessantes et ces élucubrations cessent. Elles sont mauvaises pour le club et son avenir. Je n’ai jamais parlé à la presse, ni aucun de mes collaborateurs ; nous respectons le club, ses supporters et la propriétaire actuelle. »
Des mots calibrés qui apaiseront peut-être Margarita Louis-Dreyfus, très agacée par l’annonce, lundi soir, d’un accord sur la vente de l’Olympique de Marseille assorti de la venue de Marcelo Bielsa et de six joueurs avant la fin du mercato. Et les supporters de l’OM ? Déboussolés par les années sans éclat et sans vision offertes par MLD et son entourage, affligés par le début de saison, perdus dans ce jeu de dupes de la cession, ils ne savent plus à quel saint se vouer. Ou alors, un seul, San Marcelo de Rosario, qu’ils loueront vendredi soir dans les gradins du Vélodrome en espérant son apparition dans un survêtement Adidas gris élimé. En attendant un miracle, revenons sur le projet Lopez.
Qui est-il, quels sont ses réseaux ?
Si Lopez a accéléré la manœuvre au printemps, le financier de quarante-quatre ans a manifesté son intérêt pour l’OM dès la fin de l’année 2015, au moment où sa société d’investissement Genii Capital cédait l’écurie de Formule 1 Lotus à Renault.
Son autre bébé est la société Nekton, spécialisée dans le « trading » et les investissements dans les énergies fossiles, notamment pétrolières. Il y est secondé par le prometteur Nasa Haddadi, directeur exécutif. Multimillionnaire à la fortune bien inférieure à celle de MLD, Lopez est entouré d’intermédiaires aux profils variés, comme Michel Moulin, fondateur du journal d’annonces ParuVendu et ancien manager sportif du Mans, ou Marc Ingla, ancien directeur marketing du FC Barcelone et associé avec Lopez dans la société Mangrove Capital Partners. Ensemble, ils s’étaient intéressés par le passé au rachat du RC Lens, en vain. Lopez se cache aussi derrière le fonds d’investissement Fair Play Capital.
D’origine galicienne, Lopez suit de près le Deportivo La Corogne et il détient le Fola Esch, champion du Luxembourg en 2013 et 2015.
Quelle est sa proposition ?
Face à l’équipe de MLD, qui ne compte aucun spécialiste en droit des fusions et acquisitions, le duo Lopez-Ingla forme une paire de négociateurs redoutables. Le premier reçoit dans son yacht, qui croise au large de la Côte d’Azur. Le second s’est déplacé à de nombreuses reprises au siège de Jean-René Angeloglou, commissaire aux comptes de l’OM devenu président du conseil de surveillance fin juillet, pour éplucher des liasses de documents en compagnie du banquier de Rotschild François de Breteuil, de l’avocat Igor Levin et du boss de l’époque, Vincent Labrune.
Chargés d’expliquer les arcanes du club à Ingla, Labrune et Levin lui ont soumis, comme aux autres candidats, une idée brillante : prendre l’idole Bielsa pour entraîneur afin d’acheter la paix sociale dans les tribunes. Ingla, l’ancien du Barça, sait l’importance d’un joli emballage : il a postulé à la présidence du club catalan en 2010, une élection imposant de séduire les socios avec des promesses étincelantes.
Depuis avril, Lopez s’entretient régulièrement avec Bielsa, qui s’intéresse à sa démarche sans pour autant s’engager fermement à s’y inscrire. S’il leur a parlé de la Lazio au printemps, l’Argentin n’a ainsi jamais mobilisé ses adjoints pour un éventuel retour à l’OM.
Derrière l’appât Bielsa, l’offre de Lopez est moins romantique. L’homme chapeaute des fonds d’investissement et il est là pour assurer une belle rentabilité à ses clients. Sa proposition à MLD est restreinte : une enveloppe de 80 millions d’euros pour les premiers mercatos, qui s’ajoutent aux 50 millions d’euros offerts à l’actionnaire principale pour reprendre le club. Sur ces 50 millions, le tandem Lopez-Ingla demande une garantie de passif de… 100 %. Ce qui signifie que les 50 millions seraient séquestrés, avant d’être versés, dans leur intégralité ou pas, à MLD. La garantie de passif est une assurance contre les vices cachés et les déconvenues à venir pour l’acheteur. Et Lopez voit du danger partout.
Quelles sont ses chances ?
Le 4 août, quand MLD fait sa conférence de presse en grande pompe au Vélodrome, la piste Lopez semble à jamais refroidie. Sans être pharaonique, ce projet sérieux avait tapé dans l’œil d’Igor Levin, avant d’être retoqué par Margarita et son époux, Philipp Hildebrand. Pourquoi céder l’OM à des investisseurs qui feront une grosse plus-value quelques saisons plus tard ?
Ingla a continué de suivre l’actualité olympienne en août, multipliant les coups de fil aux dirigeants de l’OM. La belle stratégie estivale de MLD, basée sur la transparence, la coopération, le professionnalisme et l’investissement zéro, s’est déjà fracassée sur la réalité du terrain et du mercato.
« Nous sommes toujours en discussion », explique le clan Lopez, très optimiste.
Il n’est pas le seul à l’affût. Le second projet bien identifié par MLD, porté par un homme d’affaires français spécialisé dans l’édition et associé à un groupe de la côte Ouest des États-Unis, n’est pas enterré. Mieux-disant (80 millions d’euros pour MLD, avec une garantie de passif de 50 %), il a des partisans de choix, comme Didier Quillot, le directeur général de la Ligue de football professionnel.
Contrairement au projet Lopez, au sujet duquel une part de manipulation médiatique n’est pas à exclure, cette alternative reste d’une discrétion absolue.