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ChallengesVente de l'OM: l'interminable feuilleton provençalVingt ans après, la page Louis-Dreyfus va bientôt se refermer à l’Olympique de Marseille. L’actionnaire majoritaire du fantasque club provençal qui n’a remporté qu’un seul titre de champion de France depuis 1996, doit passer la main dans les semaines qui viennent. C’est le 13 avril dernier que Margarita Louis-Dreyfus, héritière du club depuis la mort de son mari Robert Louis-Dreyfus en 2009, officialise ce que toute la Canebière attendait. "J’ai pris la décision de céder le club au meilleur investisseur possible pour le long terme", indique-t-elle à propos de ce qui est apparu année après année comme une improbable galéjade. En 2007, "RLD" avait été tout proche de céder le club à Jack Kachkar, un homme d’affaires canadien, finalement jugé impécunieux. Puis en 2014, le prince saoudien Al-Walid, 35e fortune mondiale, était pressenti: nouvel échec. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne?
"Margarita Louis-Dreyfus aimerait céder le club au plus tard en décembre, indique un avocat d’affaires sollicité lors de la vente du club. Elle a mis en place une nouvelle organisation qui étudie deux pistes sérieuses". Le 20 juillet, l’ancien patron d’Adidas en Russie, Giovanni Ciccolunghi a en effet remplacé Vincent Labrune à la tête de l’OM. Avec Igor Levin, l’avocat de "MLD", et la banque Rothschild & Co qui s’est vue confier un mandat général de vente, il doit finaliser l’opération. Et le 4 août dernier, la patronne de l'OM affirme lors d'une conférence de presse que "le processus de cession du club est bien engagé". La piste la plus sérieuse mène aujourd’hui à un consortium américain. Le projet porté par un homme d'affaires français issu du monde de l'édition, s’appuie sur le fonds d'investissement américain Guggenheim Partners. Il s'agit d'une filiale du consortium Guggenheim Baseball Management, qui est propriétaire de la franchise des Los Angeles Dodgers. "C’est un investisseur très sérieux, solide financièrement", précise une source proche des négociations.
Le projet "flou" de Gérard Lopez
Une autre piste qui a émergé mi-juillet conduit à l’homme d’affaires luxembourgeois Gérard Lopez qui a vendu son écurie de Formule 1 (Lotus) à Renault en 2015. Mais ce dernier qui est notamment entouré de Marc Ingla, ancien directeur marketing du FC Barcelone, ne semble pas être la priorité de l’actionnaire. "Son projet est plus flou", ajoute cette même source. "MLD" s’est d’ailleurs empressée de démentir lundi 22 août une information du magazine France Football selon laquelle le Luxembourgeois serait le futur propriétaire du club. Deux autres pistes plus exotiques conduisent à un fonds d’investissement iranien proche d’Iran Air et à Pablo Dana, un banquier d’affaires italo-suisse qui tente d’attirer des investisseurs du Golfe via un fonds basé à Dubaï. Mais "MLD" n'apparaît guère disposée à discuter avec eux.
D’autres investisseurs, notamment chinois, ont également approché les dirigeants marseillais ces derniers mois mais ont fini par déposer les armes. "L’OM est le club le plus attractif de France mais c’est un club très compliqué à gérer, qui en plus n’est pas propriétaire de son stade", réagit Luc Dayan, ancien président du FC Nantes et du RC Lens, qui a été approché par des investisseurs intéressés par l’OM au printemps. Le club phocéen verse en effet quatre millions d’euros de loyer par saison à la ville de Marseille pour pouvoir évoluer dans le Stade Vélodrome. "C’est un vrai désavantage, appuie Thierry Granturco, avocat spécialisé dans le droit du sport. Le foncier est l’une des premières choses que regarde un investisseur".
La vente ne devrait pas excéder 70 millions d'euros
Or l’OM ne possède pas non plus son centre de formation qui appartient aux amateurs de l’association OM. Le club phocéen ne détient en réalité que son centre d’entraînement de 95 hectares dont la valeur est estimée à une vingtaine de millions d’euros et son effectif, évalué à environ 50 millions d’euros. De ce fait, le prix de vente du club ne devrait pas dépasser les 70 millions d’euros, selon nos informations. A titre de comparaison, en 2011, le fonds souverain du Qatar (QIA) avait mis 75 millions d’euros sur la table pour racheter le Paris Saint-Germain. "Cela peut même être moins, mais Margarita Louis-Dreyfus choisira un investisseur capable d’injecter au minimum 150 millions d’euros dans le club d’ici quatre à cinq ans", ajoute cette même source proche des négociations.
Autre inconvénient pour le futur repreneur: le déficit structurel du club. Sur la saison 2015-2016, l’OM a accusé une perte de 40 millions d’euros contre une quinzaine pour les années précédentes. De mauvais chiffres dus à la forte diminution des recettes "billetterie" et "droits TV", ces derniers étant indexés sur les résultats sportifs du club – l’OM a terminé la saison à la 13eplace, sa plus mauvaise performance depuis 2001. Symbole de cette désaffection: l’OM a perdu 11.000 abonnés en quatre ans. "Les investisseurs lorgnent plus vers l’Angleterre où les droits TV sont très élevés et les stades remplis, juge Thierry Granturco. La Ligue 1 avec son déficit structurel est moins attractive".
La saison 2016-2017 s'annonce difficile
Malgré cela, les dirigeants olympiens ont tenu à présenter une mariée séduisante aux repreneurs potentiels. Depuis le début du marché des transferts, la direction du club s’est attelée à vendre à une vitesse folle les meilleurs joueurs de l’effectif comme le belge Michy Batshuayi transféré pour 40 millions d’euros dans le club anglais de Chelsea. Résultat: l’OM a empoché près de 90 millions d’euros et les comptes sont repassés dans le vert. "L’actionnaire veut que le club soit financièrement le plus clean possible, indique le même avocat d’affaires sollicité lors de la vente du club. Ce n’est pas l’idéal pour que le club soit compétitif sportivement en 2016-2017 mais MLD table sur un apport financier important du prochain repreneur qui pourra relancer le club".
Et si le côté sulfureux de l’OM, qui fait toujours l’objet d’une enquête sur des transferts douteux entre 2009 et 2012, peut refroidir certains investisseurs, l’aura du club en attire d’autres. "S’il y a un club à acheter en France c’est l’OM, soutient Didier Poulmaire, avocat d’affaires spécialisé dans le sport et ancien conseiller de Yoann Gourcuff et Laure Manaudou. Le soutien populaire est réel même s’il est en baisse et le club compte des supporters sur tous les continents". Une forte popularité qui permet d’ailleurs à l’OM d’écouler plus de 400.000 maillots par an en moyenne. Le seul club français vainqueur de la Ligue des champions est en effet d’assez loin, avec le PSG, celui qui présente le meilleur potentiel de notoriété dans les enquêtes d’opinion. "Et c’est l’un des derniers grands clubs européens à ne pas encore avoir été racheté par de riches investisseurs étrangers", poursuit Didier Poulmaire. Mais comme le rappelle Pape Diouf, président du club de 2005 à 2009, "aujourd’hui acheter l’OM, c’est acheter une danseuse". Une danseuse un peu folklorique.