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Margarita verrouille tout
Sans état d’âme et en attendant la vente, la propriétaire a repris le contrôle de l’OM et placé des hommes qui ne s’écarteront pas d’un millimètre de la ligne définie. De notre envoyé spécial permanent
MATTHIEU GRÉGOIRE MARSEILLE – Dans le milieu du foot, l’heure est à l’instantané, aux Periscope enfumés, aux coming-out des coiffeurs de joueurs sur Instagram, aux messages enflammés de ces derniers sur Twitter pour remercier les supporters de leur soutien.
Sauf à l’OM, club historiquement en décalage où, pour suivre l’actualité, il faut plutôt s’armer du dernier Dalloz sur le droit des sociétés et feuilleter les vieux numéros de la revue interne d’Adidas afin de dégoter des photos jaunies de Giovanni Ciccolunghi, dit « Cicco », ancien représentant d’Adidas en Russie. Ce travail d’archiviste fourbu vaut le coup : la série de clichés datant du milieu des années 1990 et représentant Ciccolunghi, moustache au vent, cravate fleurie, en compagnie d’un jeune geek boutonneux à peine sorti de l’adolescence et qui n’est autre que Rinat Akhmetov, l’oligarque qui détient le Chakhtior Donetsk, est sublime.
Ciccolunghi, qui va devoir délaisser quelques mois le restaurant italien qu’il tient avec sa compagne à Moscou, n’était pas le premier choix de Margarita Louis-Dreyfus.
Et à soixante-douze ans, il plonge avec un certain panache dans un bain brûlant. Un dirigeant actuel soupire : « Il ne connaît rien au foot, n’a pas de réseaux, va se coltiner tous les acteurs locaux, de la mairie aux groupes de supporters, qui sont épuisés par l’austérité de MLD et souhaitent une vente rapide… Espérons pour lui qu’elle ne tarde pas trop. »
Son mari au conseil de surveillance
La propriétaire de l’OM se moque totalement que Ciccolunghi ignore tout de Mino Raiola ou de Nelio Lucas. Soutenue dans sa cure de contrôle absolu par Igor Levin, elle veut une fidélité et une discrétion totales. Les volubiles Vincent Labrune ou Xavier Giocanti (un temps pressenti pour devenir son successeur) en sont pour leurs frais. « Elle dirige l’OM comme le groupe LD. Pour elle, ce n’est pas une entreprise de spectacle, juste une société comme une autre», explique un conseiller de la patronne. La nomination de Jean-René Angeloglou à la présidence du conseil de surveillance est la deuxième lame.
Cet expert-comptable, « qui passe dix jours par an au club », selon un membre du conseil d’administration dissous hier, a fermé les yeux sur tous les excès de Robert Louis-Dreyfus au temps de sa splendeur olympienne (transferts multiples et généreux, pactes de sang avec Courbis et Tapie). Chez les Louis-Dreyfus, il est le gardien des secrets, celui qui les mettait sous le tapis par des astuces comptables, sans penser au moindre enrichissement personnel autre que la gratitude des patrons.
En novembre 2014, comme d’autres employés et dirigeants de l’OM, Angeloglou a été placé en garde à vue par la brigade financière, mais pour quelques heures seulement.
Le 6 juillet, dans son nouveau cabinet du XVIIe arrondissement parisien, en présence de Vincent Labrune, il a convoqué par téléphone les membres du conseil d’administration de l’OM. L’assemblée générale de la SASP s’est tenue hier à 15 heures, à la Commanderie, en sa présence. Devant une juriste et les délégués du personnel du club, les quatre membres du CA (Régis Rebufat, Pierre-Édouard Berger, Jean-Pierre Bechter et Labrune) ont validé en quinze minutes l’ordre du jour et entériné le changement de structure juridique.
Labrune, un dernier tablier à rendre
Puis ils ont bu à l’amitié, ou à ce qui y ressemble. Le communiqué de la veille au soir, désignant les nouveaux hommes forts du club avant même la réunion, avait donné le ton : MLD ordonne, les subalternes obtempèrent.
La composition du conseil de surveillance conclut la reprise en main : autour d’Angeloglou siégeront Bechter, le maire de Corbeil-Essonnes, le dévoué Levin, l’homme d’affaires Mehdi El-Glaoui et le nouveau mari de MLD, le Suisse Philipp Hildebrand. La garde prétorienne. Les cinq hommes ont rendez-vous lundi à 14 h 30, à Paris, ils désigneront le directoire et plébisciteront Ciccolunghi. Labrune, lui, ne sera pas présent.
Il lui restera un dernier tablier à rendre, fin juillet : celui de président d’Eric Soccer, la holding qui détient l’OM et le rémunérait à hauteur de 60 000 euros par mois. Il sera intéressant de voir si MLD se fend d’un ultime communiqué. Ou si la moindre trace d’affect chez elle a disparu dès qu’on ose murmurer le nom de l’OM.