UN INCONNU À LA TÊTE DE L’OM
Margarita Louis-Dreyfus reprend les rênes du club en installant comme président Giovanni Ciccolunghi. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
MATHIEU GRÉGOIRE BÉZIERS (Hérault) – Luc Laboz, le directeur général adjoint de l’OM, découvre la nouvelle sur le smartphone de la directrice de communication du club. Le fidèle bras droit de Vincent Labrune est un gars du coin, sa famille habite à quelques kilomètres du stade de la Méditerranée où se tient Marseille-Ajax Amsterdam. Laboz est à l’image de l’OM, il donne le change mais il est dans le flou, et découvre peu avant 20 heures que le nouveau président du club s’appelle Giovanni Ciccolunghi. « En tant que proche collaborateur de Robert Louis-Dreyfus, il a dirigé avec succès et brio Adidas en Russie pendant plus de dix ans », détaille la propriétaire, Margarita Louis-Dreyfus dans un communiqué.
La solution interne au groupe LD était pressentie (L’Équipe du 19 juillet), mais le profil du nouveau patron est un signal encore plus fort : la patronne de l’OM, désormais, c’est bien Margarita. Et au quotidien. En dehors du géant dans le négoce des matières premières, l’Italo-Suisse Ciccolunghi, soixante-douze ans, est un parfait inconnu. Selon plusieurs sources, sa femme, russe, est une bonne amie de Margarita. Ciccolunghi, surnommé « Cicco », est un personnage à la Reto Stiffler, cet aubergiste de Davos qui siège toujours à l’association OM, et dont la femme bulgare, Petia, est une intime de Margarita. Un compagnon de longue route, obéissant et dévoué, qui ne moufte pas pendant les conseils d’administration et suit les consignes de vote à la lettre.
Les employés cherchent son nom sur Google
Beaucoup d’employés de l’OM ont cherché le nom et le visage de Ciccolunghi sur Google hier soir, histoire d’en savoir plus sur le nouveau boss. Ils ont dû être déçus. Mieux vaut faire comme Cédric Dufoix, qui gère les affaires relatives au Vélodrome pour le club et nous confiait d’un ton badin avant l’annonce : « Je suis en vacances la semaine prochaine, normalement, mais j’irai faire un tour au club pour saluer et découvrir le nouveau président ! »
Après la rencontre, Franck Passi s’est quant à lui rappelé qu’il avait croisé un moustachu à la Commanderie, mardi, et a fait le lien avec le nouveau président.
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Dans le document prestement rédigé par ses conseillers Igor Levin et Mehdi El Glaoui, avant même la tenue de l’assemblée générale de la SASP OM et par peur des fuites, Margarita Louis-Dreyfus officialise aussi la nomination du commissaire aux comptes Jean-René Angeloglou au poste de président du conseil de surveillance. Levin, qui n’aime pas la lumière, et El Glaoui, qui avait été désavoué par Robert Louis-Dreyfus en 2007-2008 lorsqu’il était rentré en conflit avec Pape Diouf, devraient siéger dans ce conseil restreint. Le choix d’Angeloglou n’est pas anodin. « Il est celui qui a littéralement acheté l’OM et le Standard de Liège en 1996, aux côtés de Robert Louis-Dreyfus, explique un proche de l’expert-comptable. C’est un lien direct et historique, un homme venu du passé. »
Et qui incarne un condensé de souvenirs, bons et mauvais : à Marseille comme à Liège, Angeloglou a souvent couvert les premiers pas dispendieux de Louis-Dreyfus dans le milieu du football, où le tycoon a été maintes fois « saigné » par des intermédiaires. Par des montages inventifs, Angeloglou, qui avait déjà siégé au conseil de surveillance tout comme son frère avocat Denys, essayait de couvrir la folie des grandeurs de RLD. Lors du procès des comptes de l’OM, période Courbis (1997-1999), le président du tribunal Vincent Turbeaux avait d’ailleurs ironisé : « On a l’impression que la boîte était gérée par les frères Angeloglou. »
Dans son communiqué, MLD explique enfin : « L’objectif de la nouvelle équipe est de gérer le club avec un haut niveau de professionnalisme et de transparence afin de restaurer la solidité financière et le succès sportif de l’OM dans cette phase de transition, de façon à ce que le nouvel actionnaire puisse construire sur des bases solides et rivaliser au niveau européen. » Une phrase alambiquée mais importante, tant elle a été agacée de devoir s’expliquer devant la brigade financière, le 7 juin 2015 à Nanterre, dans l’affaire des transferts douteux de l’OM, des années après les procès de feu son mari. Et qui confirme le fait qu’elle n’est pas pressée de vendre, à moins d’une offre mirifique cet été.