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Alors que Franck Passi prépare la prochaine saison avec un effectif qui n’en finit pas de s’affaiblir, en coulisse, Vincent Labrune tente de résister et de bricoler un avenir à cet OM mis en vente mais, toujours, sans repreneur.
epuis la semaine dernière, la Commanderie (ré)inspecte ses troupes. Du moins, ce qu’il en reste. Ils étaient moins nombreux que d’habitude à assister et à participer à la rentrée de l’OM. Le début de la saison 2016-17 a débuté à Marseille dans la plus grande des tranquillités. Du moins, en apparence. Cette quiétude de façade contraste avec la coulisse, beaucoup plus agitée. Au club, chacun continue d’œuvrer comme si de rien n’était, mais tous attendent de connaître le dénouement d’une accélération de l’histoire qui a été initiée le 13 avril dernier. Margarita Louis-Dreyfus annonçait alors la mise en vente de son club : « Je comprends la frustration de ne pas voir l’OM pouvoir être compétitif à ce niveau, et je vous informe que j’ai pris la décision de céder le club au meilleur investisseur possible pour le long terme. »
Desserrer le frein Levin. Depuis, les supporters comptent les jours, les semaines, les mois... La frustration semble ainsi atteindre des sommets. Pendant que l’Euro a envahi le Vieux-Port, les questions sur l’avenir de l’OM ont continué d’inonder l’esprit de ses supporters. Qui ne savent quoi penser. Qui ne savent contre qui vitupérer. Qui peinent à entrevoir des contours précis aux futurs desseins olympiens. Depuis avril, le dossier iranien « suit son cours ». Iran Air, qui affirme être « nullement » impliquée dans cette affaire, a fait savoir que sa priorité était plutôt de « renouveler la flotte de la compagnie afin d’apporter du confort et de servir au mieux le peuple iranien ». De toute façon, techniquement, ce n’est pas la société nationale aérienne de la république islamique d’Iran qui se porterait acquéreuse mais une compagnie qui vient d’obtenir confirmation de son registre au Luxembourg. C’est ensuite le cabinet KPMG qui a tablé sur les budgets prévisionnels du futur OM. S’en sont suivies les négociations sur le prix d’achat global (autour de 100 M€). Car, en plus de la banque Rothschild, mandatée pour la vente, il y a du monde à table. Margarita s’en remet et renvoie à ses mandataires. Mais les rapports entre Igor Levin, l’avocat de « MLD », et certains de ses interlocuteurs ne sont pas vraiment des plus chaleureux. Les ego ne s’imbriquent pas. Une nouvelle réunion s’est tenue, la semaine dernière à Paris. D’autres vont suivre. Le pool d’acheteurs espère accélérer le processus dans les prochains jours et desserrer le frein Levin.
Face à la discrétion des « Iraniens », il y a Pablo Vitor Dana. L’homme d’affaires italien déballe, sans complexe, son projet de rachat. Voilà plusieurs jours qu’il publie d’énigmatiques photos et commentaires sur les réseaux sociaux. Des courbes, des dates et quelques déclarations d’amour à l’OM. L’ex-latéral du Real, Michel Salgado, a carrément tweeté il y a quelques jours : « Bonne chance à mon ami @pablovdana et à ses investisseurs pour l’OM. » Celui qui affirmait en avril dernier dans France Football avoir été « appelé par des amis marseillais » pour « regarder le dossier » de l’OM a carrément concédé un entretien à Infosport+, la semaine dernière, pour détailler sa stratégie et commenter celle des autres. Pablo Dana, qui explique « ne pouvoir citer aujourd’hui les investisseurs » qu’il représente, parle d’un fonds « qui sera basé à Abu Dhabi et qui va représenter un groupe d’investisseurs privés et institutionnels ». Dana qui, lui, n’a « pas de chiffre à donner » sur le montant du futur investissement, « pense à une estimation d’à peu près 250 à 300 M€ sur trois ans ». Il est donc aussi revenu sur le dossier iranien : « Quand j’entends des montants de 500 M€ qui seraient investis par des pays orientaux, c’est absolument ridicule. Ça, c’est du Kachkar. Ce sont sûrement des gens qui veulent se faire connaître. » Reste qu’aucun potentiel acheteur ne s’est publiquement manifesté sur « le processus de vente de l’OM » à part… Pablo Dana. Personne ne s’est fait connaître à part le banquier qui avait joué les intermédiaires entre Silvio Berlusconi et Bee Taechaubol pour le rachat du Milan AC. Il y a un an, le Thaïlandais s’était engagé à verser 480 M€ contre 48 % du capital social du club milanais. L’argent n’est jamais venu…
Les jours comptés de Labrune. Mais le discours de Dana ne laisserait pas insensible. Notamment à la Mairie de Marseille. Le Transalpin a d’ailleurs indiqué dans la Provence que lui et ses partenaires allaient « tout faire pour que ça se passe bien y compris avec la Mairie de Marseille ». Il a manifesté son souhait de rencontrer le maire, Jean-Claude Gaudin. Dana semble toutefois partager un point commun avec les meneurs du dossier « oriental » : la difficulté à dribbler Igor Levin. Le financier italien déclarait récemment dans L’Équipe: « Je me demande parfois si certains n’ont pas intérêt à ce que l’OM ne change pas de main. Leur travail étant bien rémunéré par Margarita. » Comme l’a révélé le quotidien, l’avocat basé à New York avait déjà refroidi des clients chinois, en février dernier. Mais pourquoi Levin bloque-t-il ? Milite-t-il pour le statut quo ? A-t-il un autre dossier sous le coude ? Le personnage est aussi insaisissable que ses prises de position ou ses rapports avec Vincent Labrune, oscillant du chaud au froid, puis du froid au chaud…
Pablo Dana a justement commenté ses rencontres avec Vincent Labrune : « On s’est vu deux fois. Il m’a aidé à comprendre les activités du club et ce qu’il a fait. » Il n’écarte d’ailleurs pas que l’actuel président de l’OM puisse intégrer son futur organigramme : « Il n’y a aucun rôle qui est défini pour M. Labrune pour l’instant. Déjà, je ne pense pas que M. Labrune, avec ce qu’il a pris sur la tête ces derniers mois, ait envie de rester et ensuite je ne peux pas parler pour lui, en tout cas pas pour le moment. » Il est vrai que Labrune a pris quelques tacles. Y compris en interne. Comme l’a avoué son directeur général, Luc Laboz, au moment de l’annonce de la mise en vente du club : « On n’était pas au courant de la publication du communiqué. » Et il a poursuivi : « Nous travaillons sur cette vente depuis des mois, que quelque chose se concrétise ne peut que nous ravir. » Les discussions se déroulent en Suisse, le fief de la patronne olympienne. Et, si l’on en croit un proche du président, « il n’a jamais été question qu’il [Vincent Labrune] soit dans cette étape ». À moins qu’il soit impliqué dans un dossier.
Car, au-delà de ses déjeuners avec Pablo Dana, Labrune enchaîne les coups de fil pour en savoir plus sur les négociations menées par les autres possibles repreneurs. Il sait qu’en cas de rachat ses jours à la tête de l’OM pourraient être comptés. Labrune vit donc au jour le jour. Comme toujours ? En 2009, lorsqu’il avait été nommé président du conseil de surveillance de l’OM, il avait annoncé : « Que cela soit clair. Il n’est pas question pour moi d’occuper le poste de président de l’OM. » Deux ans plus tard, il succédera à Jean-Claude Dassier. Depuis, les rumeurs annonçant son départ se sont succédé. Ces derniers jours encore. Il s’en amuse, presque. « Je ne commente pas les rumeurs. J’ai du taf », a-t-il dernièrement répondu à la Provence.
« Il est persuadé de connaître suffisamment le football pour savoir quels joueurs il faut à l’OM. » Labrune a les oreilles qui sifflent. Son quinquennat est marqué par la conquête de deux trophées (Trophée des champions 2011 et Coupe de la Ligue 2012), mais aussi par des places anonymes en Championnat (10e en 2012, 6e en 2014). Sur la saison qui vient de s’achever, son équipe n’a pas fait mieux que treizième. Le pire classement depuis quatorze ans. Reste cet exercice 2014-15, la période « glacière » de Bielsa. Mais même cette quatrième position en L1 lui laisse un goût amer. Cette année-là, la masse salariale dépassait les 90 M€. L’austérité promise lors de l’annonce du « projet Dortmund » aura fait long feu. La désertion du Vélodrome, le fiasco de la nouvelle campagne d’abonnements en témoignent aussi. Mais l’Orléanais semble assumer son impopularité. En avril 2014, il confiait à L’Équipe: « Si j’avais voulu être populaire, je n’aurais pas repris la direction du club en 2011, alors que les Qataris arrivaient à Paris et que je devais mettre en place une politique d’austérité. L’histoire jugera mon passage. S’il rend le club attractif aux yeux d’un investisseur qui pourra lui donner les moyens de lutter avec les meilleurs, je serais très heureux. Mais je n’y crois pas à court terme. » Nous y voilà, pourtant. Le temps qui passe pourrait toutefois être un allié. Car Vincent Labrune continue de bosser. Il vient de boucler, en direct, les arrivées de Saîf-Eddine Khaoui (ex-Tours), Henri Bedimo (ex-Lyon) ou Hiroki Sakai (ex-Hanovre). Il turbine pour tenter de concrétiser le prêt de Bafé Gomis. Alors que des infos ont fait état d’un possible renforcement de l’organigramme (et notamment l’arrivée d’un directeur sportif), « VL » déroule, en roue libre. Et en quasi-solitaire. Franck Passi et son staff sont, au mieux, consultés. L’hypothèse Benoît Costil pour remplacer Steve Mandanda, par exemple, ne fait pas l’unanimité. « Il passe plus de temps à vérifier l’état de sa coiffure qu’autre chose, il n’est pas du tout fait pour l’OM, surtout en ce moment », balance un membre de l’encadrement. Un agent, anciennement familier de l’OM, renchérit : « Labrune est persuadé de tout connaître au football, d’avoir le coup d’œil pour repérer les talents. Une fois, il a fait un déplacement en Amérique du Sud, il en a profité pour aller voir un ou deux matches et est revenu avec une liste de joueurs qu’il avait repérés, comme un scout. C’est aussi pour ça qu’il gère le mercato marseillais de manière aussi solitaire, quitte à faire n’importe quoi. Il est persuadé de connaître suffisamment le football pour savoir quels joueurs il faut à l’OM. Du coup, il regarde de tous les côtés, sans véritable méthode. »
Nkoudou et Alessandrini, les prochains sur la liste ? Dans les faits, Labrune n’est pas tout seul. Outre le réseau classique « club à club » (il a notamment bouclé le dossier Michy Batshuayi avec Marina Granovskaia, bras droit d’Abramovitch à Chelsea), il a « ses » agents de confiance : Meissa N’Diaye, proche de beaucoup de joueurs olympiens, Farid Ayad et Willy McKay labourent ainsi le marché pour lui. Il compte aussi sur Doyen Sports. La société maltaise, qui prête un soutien fidèle à l’OM depuis la saison dernière, est dans l’attente. Selon la tournure des événements (vente ou pas), elle pourrait renforcer son aide envers les Phocéens, sous une nouvelle forme. Labrune garde le contact avec Nélio Lucas, le directeur général de Doyen, qui vient notamment de faciliter le départ de Barrada à Al-Nasr.
Pour le moment, c’est surtout la colonne ventes qui intéresse les boss phocéens. Margarita, qui avait initialement accordé une enveloppe de 10 M€ pour le recrutement de la saison à venir, a surtout donné pour mission à son président de remettre les comptes à flot pour satisfaire la DNCG. Et, grâce aux ventes de Mendy (15 M€ à Monaco), Batshuayi (40 M€ à Chelsea) ou Mandanda (2 M€ à Crystal Palace), il l’a largement remplie. Et ce n’est pas fini. Nkoudou pourrait être le prochain. Sa cote en Angleterre est élevée. Labrune, qui l’avait recruté il y a un an au FC Nantes pour un peu plus de 1 M€, espère une offre autour de 15 M€. Et, déjà, il œuvre à dénicher son successeur. Alessandrini, qui a reçu une offre ferme de l’Olympiakos, pourrait, s’il trouve un accord avec le club grec, lui aussi rapporter quelques euros.
La vente de Batshuayi – même si elle devra être partagée à hauteur de 30 % avec le Standard de Liège – représente le nouveau record de vente de l’histoire de l’OM. Quelques millions de plus que Drogba en 2004 (parti pour 37,5 M€). Et ça, Labrune le vit comme une fierté. Il y a quelques semaines, Jean-Claude Dassier nous confiait : « L’obsession de Vincent Labrune, c’est de démontrer qu’il est bien meilleur que ses prédécesseurs. Il est obnubilé par cette idée. Et l’un des moyens de le prouver est de réussir à battre le record de la vente de Didier Drogba. » L’ex-boss de l’OM présageait : « Vous allez voir qu’il va mettre toute son énergie à vendre Batshuayi à un tarif supérieur à cela, juste pour montrer qu’il a fait mieux que les anciens dirigeants du club ! » L’un des proches de Labrune rétorque : « Évidemment qu’il est content du dénouement du transfert de Batshuayi. Mais quand j’entends que c’est parce qu’il veut surpasser ses prédécesseurs, ça me fait rire. Son côté compétiteur sur cette question, ce n’est pas face aux anciens dirigeants de l’OM, mais par rapport à la situation, et il peut être fier d’avoir vendu Batshuayi au plus haut prix que l’on pouvait espérer. Pour le reste, il a autre chose à faire que de se gargariser d’un record “communal”... »
« Je ne vois pas de ras-le-bol chez lui. » Bridé et avec très peu de perspectives, si ce n’est celle de confier l’OM dans le meilleur « état » possible, Labrune assume la transition du mieux qu’il peut. L’un de ses confidents raconte : « Aujourd’hui, tout le monde sait les conditions avec lesquelles Vincent doit composer, et personne ne peut lui faire le reproche de ne pas forcément avoir un effectif comme l’OM a pu en avoir par le passé. Je ne vois pas de ras-le-bol chez lui. Pour l’heure, il est à 100 % dans la préparation de la saison. Sans que l’on sache s’il sera toujours en fonction après cela... » Au pays du mistral, le vent tourne souvent. Mais on ne sait jamais où. Attention, car on dit aussi qu’il rend fou…