Les petites affaires de Monsieur Lagarde
En 1998, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, faisait un beau cadeau à Xavier Giocanti, le Marseillais qui partage la vie de Christine Lagarde, ministre de l’Économie : les « zones franches urbaines » de la ville. Depuis douze ans, le beau Xavier, sous couvert d’une bienfaisance officiellement destinée à donner du travail à ceux qu’on ne peut kärchériser, implante de s immeubles et quelques entreprises dans ces « zones ».
Cet entrepreneur, qui, selon ses propres termes, s’occupe du « PIB de Christine Lagarde » (« plaisir intérieur brut »
), manifeste hélas une vraie détestation pour le fisc, dont la représentante dort dans son lit. Ainsi, c’est dans la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin qu’il a installé sa boîte de gestion hôtelière. Puis il a créé une société de conseil en patrimoine dont l’objectif est d’éviter la guillotine de l’impôt… De la défiscalisation tout ce qu’il y a de plus légal, mais qui la fiche mal quand on partage la vie de celle qui squatte Bercy…
Dessin de Large - JPG - 54.3 ko Dessin de Large
Mais il y a mieux. Selon Paris- Match, Xavier Giocanti a un frère caché, un certain Renaud Muselier. Un garçon connu puisque, sans y laisser de traces, il a occupé la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères sous le pontificat de Jean-Pierre Raffarin. Il est bien sûr député et même viceprésident d’un monstre créé par Sarkozy, l’Union pour la Méditerranée. Dans un entretien avec Match, Muselier a ouvert son vaste cœur : « Xavier ? C’est mon frère. »
Avec son « frère » Muselier, Giocanti est en affaires. Renaud, ami de Paul Bérenger, ancien Premier ministre de l’île Maurice, participe là-bas à un projet immobilier qui exige un investissement de 30 millions d’euros pour la construction de 33 villas qui doivent rapporter 80 millions d’euros. Grâce à Joe Lesjongard, ancien ministre du Logement, Muselier et ses potes ont obtenu le label Integrated Resort Scheme, un dispositif qui vous fait échapper à l’impôt. Visitez le site Web de Belle Rivière (du nom d’une rue de Saint-Pierre-et-Miquelon libérée en 1941 par un vrai héros, l’amiral Muselier, grand-père de Renaud), il vous promet tous les arrangements avec le fisc, et même d’y échapper complètement en devenant résident fiscal de l’île Maurice.
L’autre aubaine, c’est l’intervention à Maurice de l’Onudi, l’organisme de coopération internationale de l’ONU avec les pays en voie de développement. Ce perspicace et astucieux machin a participé à la mise en valeur du domaine de Belle Rivière.
Et c’est sans aucun doute un pur hasard si, alors qu’il était secrétaire d’État, Muselier a obtenu la création à Marseille du bureau français de cet Onudi. Et un bonheur de plus, possible pour son frère Xavier, puisque l’Onudi se charge aussi de créer des zones franches à Maurice. Elle est pas belle, la vie ?
Clic : la défiscalisation, nouveau symbole de réussite
Il fut un temps, il n’y a pas si longtemps, où payer ses impôts était un honneur. Il y a un siècle et demi, le droit de vote était la contrepartie de cet acte citoyen. Le médecin de mon village se vantait de n’avoir jamais été redressé d’un franc, malgré plusieurs contrôles. À cette époque, abuser le fisc était une fraude et, pour de nombreux bourgeois, un acte inconcevable. La probité était une valeur.
Mais qui connaît encore le sens de ce mot ? Les temps ont bien changé, aujourd’hui, la défiscalisation n’est plus une honte, c’est au contraire un signe extérieur de réussite sociale. À 50 ans, si vous n’avez jamais été voir un conseiller en défiscalisation, vous êtes un minable. Pour faire le travail, des experts sont apparus. Certains font des cours sur des paquebots à des médecins. Les avocats fiscalistes ont, eux, oublié leur serment. Plus question de probité, ni d’humanité. Plus ils font économiser de l’argent à leurs clients, plus ils gagnent, plus nous nous rapprochons de la Grèce.
Mais ces experts s’en foutent, ils proposent de « défiscaliser les résultats des entreprises et de certaines rémunérations, de faire en sorte que la plupart des opérations juridiques au sein de l’entreprise se fassent sans aucune fiscalisation, de supprimer les plus-values fiscales… ou de supprimer les droits de succession, etc. » En d’autres termes, ils proposent aux fortunés de faire payer les études de leurs enfants par vos impôts. - Bertrand Rothé