Quand Montella arrive en Toscane en août 2012, la Fiorentina compte près de 10 000 abonnés. Un Borja Valero et un Mario Gómez plus tard, douze mois après, le club a dépassé la barre des 20 000. En Italie, c'est un modèle, rien que ça. Une formation que tout le monde aime voir jouer, qu'elle finisse par perdre ou gagner. Certains diront que cela colle parfaitement avec la réputation de club romantique des Toscans. Mais certainement pas Montella. Après avoir perdu la troisième place à dix minutes près la saison passée, le natif de Pomigliano d'Arco, dix kilomètres au nord de Naples, est revanchard. Cette Viola, c'est la sienne et celle de Daniele Pradè, avec qui il a façonné le recrutement. Gómez, Rossi, Joaquín, Anderson, Matri, Ambrosini, Iličić cette saison. Borja Valero, Pizarro, Aquilani, Cuadrado il y a un an. Un melting pot international en plein cœur de l'Italie : des jeunes, des vieux et beaucoup de talent. Un renouvellement complet où Neto, Pasqual et Vargas font déjà figure d'« anciens » de la maison.
La victoire de Montella, c'est d'avoir commencé à chercher le jeu avant le résultat. Une obsession du contrôle et de la prise d'initiative, avec à la clé une moyenne ibérique de 59% de possession de balle. Tout part du milieu de terrain. À trois dans l'axe, (presque) toujours. Avec Pizarro, Borja Valero et Aquilani, le ballon court bien plus que les acteurs. L'équipe contrôle, gère les efforts : bref, la Fiorentina joue comme une grande, avec une certaine prise de risques. En 3-5-2, avec un vrai milieu à cinq (des ailiers et non des latéraux). Et des changements constants de formation, avant, pendant et après le match : au-delà du 3-5-2 classique, la Viola a aussi évolué en 4-3-3, 4-4-1-1, 4-3-2-1 et 4-3-1-2. Ce soir contre l'Inter, Montella devra encore s'adapter et faire sans Rossi, Savić et Borja Valero, compenser la fatigue du match de mercredi, et gérer une certaine euphorie.
Les exploits de Montella et la naissance d'une équipe qui gagne
On joue la 95e minute mercredi soir à l'Artemio-Franchi quand l'Udinese de Muriel bute par deux fois sur Neto, le portier brésilien de la Viola. Neto, le damné, le maillon faible que Montella a su protéger coûte que coûte, devient San Neto le temps d'une soirée. Et l'aeroplanino offre à Florence la première finale de l'ère Della Valle. Un symbole. On connaissait Montella le bâtisseur et Montella le magicien, capable de transformer Catane l'argentine en équipe attractive, on connaît à présent Montella le gagnant. Après avoir gagné le jeu l'an passé, Montella est parti à la conquête des points. Et il n'a pas été aidé par le destin. Jovetić et Ljajić vendus, Gómez arrive avec un statut de champion transcendant. Deux matchs et demi, deux victoires, un doublé, puis crac. Pepito Rossi le miraculé prend le relai, marque 14 buts en 18 matchs, puis crac. À nouveau. Comme si la Juve avait perdu coup sur coup Tévez et Llorente, comme si le Napoli avait dû faire sans Higuaín et Callejón.
En italien, l'expression « fare di necessità virtù » signifie s'adapter habilement aux circonstances. La Fiorentina a été contrainte de se reposer sur son ossature et de transformer ses couteaux en épées. Cuadrado était bon dribbleur, il est devenu l'attraction de la Serie A. Neto s'est acquis une légitimité. Vargas a été ressuscité. La Fio est un tel collectif que l'on a l'impression qu'il fonctionnerait avec n'importe quelle addition. Joaquín et Ambrosini ont été intégrés aussi bien que le jeune Rafal Wolski ou encore Modibo Diakité, déjà titulaire en coupe. L'exemple de Matri en dit long : en panne sèche avec le Milan, Alessandro marque un doublé d'emblée pour Montella. D'après l'aeroplanino, ce cycle de confiance aurait d'ailleurs en partie commencé à Milan, après une défaite 2-1 contre l'Inter fin septembre. Rossi avait ouvert le score, la Fiorentina avait joué plus et mieux, mais s'était finalement inclinée. « On a construit beaucoup à partir de cette défaite », disait-il en octobre. Pour préparer la revanche ce soir ?
Et si Montella était l'anti-Conte ?
Matri l'a dit hier dans la Gazzetta dello Sport, cette saison la Fiorentina rêve de « son triplé » : Coupe d'Italie, Europa League et troisième place. Mais à plus long terme, si la Viola parvient à finir dans les trois premiers, entame un cycle victorieux en remportant la Coupe d'Italie et revient en août prochain avec des renforts (et moins de blessés), on parlera ouvertement de candidate au titre. L'organisation, l'entraîneur, les joueurs, le jeu et la mentalité : tout est au vert. Tout comme la Juve de Conte. Et si la Fiorentina devenait le concurrent sérieux des Bianconeri à moyen terme ? « Maintenant, la Coppa Italia. Demain, le Scudetto », écrivait Luca Calamai dans la Gazzetta cette semaine. Cette saison, la Juventus de Conte en a d'ailleurs passé trois à toutes ses concurrentes. Toutes, sauf une.
La belle Florence, qui a battu la Juve 4-2 après avoir été menée 0-2. L'an passé, la Fiorentina avait été très proche de gagner l'aller (0-0), avant de s'agenouiller au retour dans l'enfer du Juventus Stadium (2-0). Avec Catane, Montella avait déjà titillé Conte : match nul en Sicile (1-1) avant de mener au score vingt minutes à Turin et s'écrouler (3-1). La naissance d'une rivalité ? Matri a connu les deux. « Dans le caractère, ils sont très différents. Conte est toujours agité, presque agressif. Montella, en revanche, est toujours calme, tranquille. Mais leurs idées de jeu sont très similaires, ils ont presque les mêmes démarches. » Cela ferait un joli tableau. Et puis, les deux clubs se détestent. Florence est une puriste. L'art, la langue, la manière l'éloignent de l'obsession du résultat des rayés du Nord. Philosophiquement, on l'a souvent opposée à la Juve : le blanc et noir contre le violet, le contraste est saisissant. De quoi en faire un chef-d'œuvre la saison prochaine ?