Michel devrait être, selon toute vraisemblance, le prochain coach de l’OM. Passer après Marcelo Bielsa, son héritage et sa philosophie, ce n’est pas une tâche facile, surtout pour un coach relativement méconnu en France, licencié d’un club évoluant dans championnat jugé faible par de nombreux observateurs français. Les interrogations autour du technicien espagnol sont nombreuses, et, en tant que spécialiste de l’Olympiakos, mon rôle est d’essayer de répondre du mieux possible à ces questions qui fleurissent dans la tête des supporters marseillais.
Quelle philosophie de jeu ?
La question revient souvent chez les supporters marseillais, orphelins d’un entraîneur qui portait le jeu offensif en haute estime. Tactiquement, Michel est un adepte du 4-2-3-1, laissant une place centrale dans son dispositif à un n°10 très technique (David Fuster et surtout Chori Dominguez). La clé de sa réussite à l’OM passera par sa capacité à trouver le joueur capable d’évoluer à ce poste là, et qui pourra avoir un rendement aussi élevé que Chori. Les latéraux, eux, sont très offensifs, à l’image d’Arthur Masuaku (buteur contre l’Atletico) à gauche ou d’Omar Elabdellaoui à droite, et n’hésitent pas à porter le danger devant, à l’image de ces latéraux modernes fonctionnant comme des contre-attaquants. Les deux récupérateurs sont également dotés d’une technique plus que correcte, leur permettant d’éviter de balancer de longs ballons devant.
4-2-3-1 psg
Comme on le voit dans cette capture d’écran de la composition face au PSG (défaite 2-1 le 27/11/2013), deux ailiers sont chargés d’occuper les côtés de l’attaque, notamment pour déborder les défenseurs adverses. Leur profil ? Des joueurs techniques, rapides, capable de porter le danger vers l’avant rapidement, comme Joel Campbell ou Ibrahim Afellay l’an passé. Le n°9, dans ce système là, a le profil d’un véritable renard des surfaces, qui doit être présent de manière permanente dans la surface pour être à la réception des centres ou des seconds ballons. Mitroglou en était la parfaite illustration, n’étant pas forcément un joueur qui a pour habitude de décrocher pour toucher plus de ballons, idem pour Javier Saviola.
4-3-3
Mais le technicien espagnol a aussi utilisé le 4-3-3, notamment lors de son arrivée à la tête de l’équipe (à la place de Jardim) au début de l’année civile 2013. La base de l’équipe repose alors sur un seul récupérateur, aidé de deux milieu relayeurs (profil de
. Les deux ailiers, là aussi, sont chargés d’apporter un danger permanent, et le 9 de conclure les occasions depuis la surface. D’ailleurs, Michel aura révélé la paire Abdoun-Djebbour, très efficace et qui a posé pas mal de problèmes à de nombreuses équipes, y compris en Ligue des Champions. Beaucoup de joueurs ont profité du passage de Michel à la tête de l’équipe pour attirer l’attention de clubs plus huppés, et le club a également bénéficié, d’un point de vue financier, de ces transferts-là.
Au niveau de la philosophie de jeu, Michel est réputé pour pratiquer un football plaisant, qui laisse une part belle aux techniciens. Il en parlait d’ailleurs de manière détaillé lors d’une interview pour So Foot. Extrait : « Les entraîneurs qui n’aiment pas les numéros 10 mentent. Ceux qui disent qu’ils peuvent se passer d’eux pareil. Le 10 à l’ancienne a disparu, mais il existe toujours. C’est un numéro éternel qui traverse le temps. Aujourd’hui, on parle du neuf et demi, ou de footballeurs comme Xavi qui ne sont pas considérés comme des vrais 10 parce qu’ils jouent plus en retrait. Pour moi, les 9 et demi et les Xavi ce sont des 10, parce qu’ils ont le match dans leur tête et la qualité nécessaire pour faire des passes décisives et donner du sens au collectif. Pour moi, Xavi et Özil sont des 10 modernes. Ils sont partout, tout ce qu’ils font a un sens et beaucoup de classe. Les anciens 10 étaient des joueurs, peut-être plus fantasques, mais c’est tout… Le gros point commun de tous les grands 10, c’est qu’ils auraient pu jouer à n’importe quelle époque. Si Maradona, Pelé, Platini ou Zidane pouvaient jouer aujourd’hui, je pense qu’ils ne seraient pas ridicules. Au contraire. C’est pareil pour Xavi, Iniesta ou Özil. Ces joueurs-là auraient été bons, il y a 20, 30 ou 40 ans. On parle de types qui ont une intelligence de jeu hors du commun. Aujourd’hui, le football va de plus en plus vite, mais qui gagne des titres ? Ceux qui traitent bien le ballon, pas ceux qui sautent le plus haut ou qui court le plus vite. »
Il n’a pas ce côté « fou » que pouvait avoir Bielsa, ni des entraîneurs renommés qui sont fans de sa philosophie, mais son historique glorieux de joueur du Real Madrid lui confère une expérience que peu d’autres entraîneurs peuvent se vanter d’avoir, notamment en Ligue 1. Surtout, il n’arrive pas auréolé d’une aura mystique, et ça lui laissera le temps de travailler sereinement.
D’ailleurs, Pierre Issa, ancien défenseur de l’OM et directeur sportif de l’Olympiakos, s’est montrée élogieux dans La Provence au sujet de Michel : « C’est vraiment un entraîneur offensif, qui aime les jeunes. C’est aussi et surtout un homme capable de transcender son équipe dans les grands rendez-vous, notamment européens. Il sait gérer la pression médiatique, la ferveur des supporters, telles qu’il les a connues à Olympiakos et qu’il avait vécu aussi au Real Madrid. Honnêtement, je pense que c’est un bon candidat. Il est espagnol, a été un très grand joueur, il incarnerait le même esprit que Bielsa, tourné vers l’avant (…) Ce n’est pas l’homme d’un système, mais il est tourné vers l’attaque. Il prône le beau jeu, repartir proprement de derrière, construire, attaquer (…) Il n’a pas peur des adversaires, il garde son idée, ses principes et c’est ce qui fait sa réussite. Il n’adapte pas non plus son schéma de jeu à l’adversaire du jour (…) Vis-à-vis de la presse, des supporters, il est extrêmement différent de Bielsa, il communique volontiers. En Espagne, il a eu un rôle à la télé, il a sa page Facebook, Instagram. Il comprend déjà un peu le français et l’apprendra vite. Il parle espagnol bien sûr, et anglais couramment ». Du grand changement donc, à ce niveau-là.
Un entraîneur qui sait gérer les forts caractères
Beaucoup me demandent si Michel est capable de gérer les forts caractères, notamment les jeunes joueurs parfois capricieux. La réponse est oui, et le meilleur exemple qui illustre cela est celui d’Ibrahim Afellay. En prêt à l’Olympiakos la saison passée, le Néerlandais n’a pas vraiment fait preuve d’une grande implication, aussi bien sur le terrain que dans son comportement, en montrant par exemple son énervement lors d’un remplacement. Pourtant, c’est le technicien espagnol qui était à l’origine de l’arrivée du joueur en Grèce. Mais il a vite pointé du doigt la mentalité du joueur, lui reprochant d’être un « rebelle » et d’avoir un comportement « d’enfant » qui allait lui poser des soucis dans « d’autres clubs ». Il n’a pas hésité à le faire s’entraîner seul et à l’écarter de l’équipe à l’approche du mercato d’hiver, mais c’est ce qui, au final, lui aura coûté son poste d’entraîneur, le joueur étant très apprécié du président Marinakis et également du vestiaire.
Même s’il n’apparaît pas si têtu ou déterminé comme Marcelo Bielsa concernant certains joueurs, Michel est un homme de caractère, qui sait se montrer intransigeant, mais aussi reconnaissant, lui qui est très élogieux, par exemple, sur le niveau de professionnalisme affiché par Eric Abidal lors de son (court) passage à l’Olympiakos. Comme tout coach, il a forcément des joueurs avec qui le courant passe mieux, et d’autres avec qui la relation est plus compliquée.
Des exploits en Ligue des Champions
Je lis beaucoup de remarques pointant le faible niveau du championnat grec, dans lequel il serait très facile pour un club comme l’Olympiakos d’être champion chaque année. Soit. Dans ce cas, penchons nous sur ses performances en Ligue des Champions, là où il se confronte aux meilleures équipes européennes. Pour sa première année complète (il était arrivé au début de l’année 2013), Michel hérite d’un groupe compliqué et homogène, avec Benfica, Anderlecht et le PSG. Le premier match, face au PSG, se solde par une lourde défaite à domicile (4-1), mais l’Olympiakos aura posé pas mal de soucis au PSG, notamment par Vladimir Weiss, qui inscrit un magnifique but.
L’Olympiakos enchaîne ensuite 3 résultats positifs, avec une victoire sur le terrain d’Anderlecht (3-0), un nul à Benfica (1-1) et une victoire à domicile face aux Portugais (1-0) avec un dispositif en 4-4-1-1 (voir ci-dessous)
4-4-1-1
Son équipe passe même tout près de faire un nul au Parc des Princes, ne s’inclinant que dans les arrêts de jeu sur un but de Cavani (2-1). En battant, lors du dernier match, Anderlecht à la maison (3-1), l’Olympiakos se qualifie pour les 8èmes de finale de la Ligue des Champions, en prouvant qu’une équipe jouant en Grèce a tout a fait sa place parmi l’élite du football européen.
C’est là qu’il réalise son plus bel exploit, et également sa plus grande frustration. Opposé au Manchester United de David Moyes, il donne une véritable leçon de football au technicien écossais lors du match aller en Grèce, avec notamment un Chori Dominguez extraordinaire. La victoire 2-0 est tout à fait logique, et fait trembler le monde du foot. Michel a cette capacité de transcender son équipe lors de ce genre de matchs européens, et personne n’aurait parié sur un tel score avant la rencontre, ni sur un tel contenu de jeu.
Le résumé de la rencontre :
Oui mais voilà, au match retour, la pression est trop grande, et l’Olympiakos passe totalement a côté de son match, perdant 3-0. La pression est trop grande pour certains joueurs, qui n’ont pas l’expérience de leurs homologues de Manchester, portés par un grand Robin Van Persie. Forcément, la frustration est énorme, car passer aussi près d’éliminer un tel club n’arrive pas souvent. Mais rarement l’Olympiakos n’aura été aussi fort sur la scène européenne, et certains joueurs ont atteint un niveau que peu soupçonnaient en eux. Aux manettes de l’équipe, Michel est loin d’être étranger à tout cela, et c’est ce qui explique sa côte de popularité ici, dans un club où la meilleure performance européenne reste un quarts de LDC face à la Juve perdu de justesse en 98-99.
L’an passé, la campagne européenne a été très prometteuse. Héritant d’un groupe composé de la Juventus, de l’Atletico et de Malmö, on se dit alors que l’Olympiakos est condamné à jouer la 3ème place. Mais, à domicile, aucune équipe adverse ne viendra prendre le moindre point. Retour sur deux victoires marquantes.
1er match : victoire 3-2 contre l’Atletico Madrid
atletico
Avec son 4-2-3-1, Michel asphyxie l’équipe espagnole, en étant dangereux d’entrée de jeu. Au bout de 30 minutes, l’Olympiakos mène 2-0. Kasami et Afellay, par leur rapidité, affolent la défense de l’Atletico, et Dominguez, toujours très juste techniquement, est à la baguette. Malgré deux buts de Griezmann et Mandzukic, l’Olympiakos s’impose logiquement.
2ème match : victoire 1-0 face à la Juve
juve
Face au 3-5-2 italien, Michel ne change pas de dispositif, et fait confiance à ce qui lui réussit jusqu’ici. Dominguez au cœur du jeu, deux récupérateurs solides et techniques, des latéraux offensifs et ayant une belle qualité de centre. La réussite est au rendez-vous, puisque la Juve ne parvient pas à marquer, et livre une copie très décevante, surtout par rapport à ce que l’équipe italienne a montré dans la suite de la compétition. D’ailleurs, au match retour à Turin, l’Olympiakos mènera au score (2-1), avant de s’incliner en fin de match, preuve que Michel est capable de causer énormément de soucis à une équipe finaliste de la Ligue des Champions.
La qualification en huitièmes se perdra malheureusement lors d’une défaite à Malmö, mais cela prouve que Michel est capable, tactiquement, de se hisser au niveau de coachs comme Allegri ou Simeone, et également de hisser ses joueurs à niveau Ligue des Champions.
Michel développe-t-il le potentiel des jeunes joueurs ?
On m’a aussi beaucoup posé cette question, notamment face à la capacité qu’avait Bielsa de tirer le meilleur de ses jeunes joueurs. Déjà, il faut savoir qu’en Grèce, la formation est beaucoup moins performante qu’en France, et rares sont les joueurs sortis du centre de formation à pouvoir prétendre à une place de titulaire. Cependant, Michel a su donner une autre dimension à certains jeunes arrivés au club, comme Arthur Masuaku (Valenciennes), devenu en une saison un latéral gauche de niveau européen, capable pendant 90 minutes de multiplier les montées, les centres précis et les retours défensifs. Il a d’ailleurs été élu meilleur défenseur gauche du championnat.
Il a aussi eu à gérer beaucoup de jeunes joueurs ayant eu du mal à confirmer dans d’autres clubs, et cela pourrait être utile à l’OM, où certains joueurs n’arrivent pas à atteindre le niveau que leur potentiel laissait espérer. Globalement, son effectif était d’ailleurs plutôt jeune, avec quelques cadres expérimentés pour encadrer le tout. D’ailleurs, il a aussi offert une seconde jeunesse à Chori Dominguez, joueur remarquable qui avait pas mal voyagé dans sa carrière et qui semble avoir atteint sa plénitude en Grèce.
Beaucoup de joueurs passés entre ses mains ont rejoint de grands clubs (Manolas, Holebas, Samaris) ou sont partis dans clubs pour de belles sommes (Djebbour, Abdoun, Mitroglou), ce qui est bénéfique à la fois pour des joueurs en quête de progression, et pour un club soucieux d’être en bonne santé financière.
Une fin compliquée en Grèce
Beaucoup me font remarquer que Michel s’est fait virer du club, ce qui est vrai, et cela les rend inquiet. Il a payé des résultats moyens en début de saison, ainsi que la non-qualification pour les 8èmes de LDC, mais surtout son intransigeance (justifiée selon moi) vis-à-vis d’Afellay, joueur adoré par le président du club, l’excentrique Evángelos Marinákis. Ce qu’il faut savoir, ce que le club n’avait pas, à l’issue de la saison 2008-2009, renouvelé le contrat d’Ernesto Valverde (avant de le reprendre un an après), ou qu’il a viré Leonardo Jardim en 2013 alors qu’il avait remporté des titres. Ddeux coachs qui ont montré, par la suite, leur talent et leur savoir faire dans d’autres clubs. D’où le fait qu’il faille se montrer prudent par rapport à cela, car très peu d’entraîneur quittent l’Olympiakos de leur plein gré …
Cependant, sa fin de mandat était plutôt compliquée, puisqu’il avait perdu la confiance d’une partie du vestiaire. Mais la grande majorité des supporters gardent l’image d’un coach intègre, qui a des principes de jeu qui se font de plus en plus rares dans le foot actuel et qui a offert de grands moments au club.
Conclusion
Pour conclure, je dirais que Michel est le candidat idoine pour succéder à Bielsa. Il partage cette même idée du beau football, notamment en laissant une grande liberté à son n°10, et plus globalement à ses joueurs offensifs. Amoureux du (beau) jeu, il n’est pas fermé tactiquement à un seul schéma (4-2-3-1 ou 4-3-3), et sait tirer le meilleur de ses joueurs lors des grands rendez-vous, comme l’ont prouvé ses résultats sur la scène européenne. Son expérience du haut niveau, comme joueur et comme entraîneur, est d’ailleurs un plus non négligeable, surtout pour un club comme l’OM qui requiert le haut niveau. Il connaît aussi la pression d’un public chaud, où la pression du résultat est permanente (peut être même plus qu’à l’OM) et où la côte de popularité peut varier du jour au lendemain.
Au niveau de la communication, le changement sera radical avec Bielsa. Michel est plus ouvert, plus « sociable » si je puis dire, et parlera sans doute assez vite le français. Pour la presse française, ce sera sûrement un meilleur client, n’étant pas aussi craintif des journalistes que son prédécesseur argentin.