par Neb » 01 Avr 2015, 05:27
MARSEILLE, STADE-VÉLODROME, 20 MARS 2011. -Devant Crégory Coupet et Christophe Jallet, impuissants, André Ayew exulte. Il vient d'inscrire le but qui permet à l'OM de battre le PSG (2-1). Photo Félix Golesi/L'Équipe
ANDRÉ AYEW, LE MIIIEU FORMÉ À L'OM, ÉGRÈNE SES SOUVENIRS DE CLASSIQUE. UN «TRUC UNIQUE», SELON
Deux supporters marseillais n'en reviennent pas de rencontrer André Ayew, présent avec sa sélection du Ghana, dans un hôtel parisien. «J'avais invité des personnes au Stade deFrance (face à Lens, 4-0, le 22 mars) pour une soirée spéciale, lance l'un des deux au milieu de l'OM. Et je te vois marquer de la tête. » «II y a deux joueurs audessus chez nous, c'est toi et (Michy) Batshuayi», ajoute l'autre. André Ayew ne s'imaginait pas plongé si tôt dans le Classique, qui se déroulera dimanche au Stade-Vélodrome. Avec onze confrontations et quatre buts contre le Paris-SG, toutes compétitions confondues, il est devenu, à seulement vingt-cinq ans, l'un des spécialistes du genre. L'enfant d'Abedi Pelé, autre idole marseillaise, évoque ce match à part.
«QUE REPRESENTE le Classique pour vous ? - Beaucoup, évidemment. Je l'ai découvert très jeune avec mon père. J'ai vu toutes ses vidéos et comment oublier la victoire avec la tête de (Basile) Boli après le triomphe en Ligue des champions (1993) ? Mon père me disait toujours : "Ce sont des matches à ne pas perdre."
Vous avez donc été vite plongé dans le bain...
- ...J'avais environ quatorze ans quand je suis arrivé au centre (il vivait au Ghana avant). Tout joueur formé ici grandit avec cette détermination, cette envie de connaître ce truc unique. Nous, dès que le calendrier tombait, on cochait ce match. C'est encore le cas aujourd'hui en tant que pro, c'est comme un tic. On avait à l'époque nos habitudes, on regardait le match tous ensemble et c'était chaud. À domicile, on allait au stade.
Avez-vous un souvenir particulier? - Celui où Lorik Cana (1-0, le 16 octobre 2005, 78e) marque sur un centre de Samir (Nasri). J'étais comme un fou au stade. À cet instant, tu ne penses qu'au jour où tu y seras...
Vous avez découvert ce choc lors du Trophée des champions délocalisé à Rades, en Tunisie, le 28 juillet 2010 (0-0,5-4 aux t.a.b.).
- Je sortais d'un prêt à Arles-Avignon (L 2), je n'avais pas eu beaucoup de repos après la Coupe du monde, j'étais revenu rapidement à la demande de Didier Deschamps. On gagne, c'est mon premier trophée et contre Paris... ça avait une grosse saveur, même si ce n'était ni au Parc ni au Vélodrome. Avant ce match, j'étais dans le doute. Je ne savais pas si j'allais partir, il me restait un an de contrat et j'avais des bonnes offres, mais le coach m'a fait comprendre qu'il voulait que je reste. Ça a été le début d'une longue série...
Vous n'avez pourtant pas été titularisé ensuite pour le premier Classique de la saison en Championnat au Parc des Princes (1-2, le 7 novembre 2010. Il avait remplacé Mathieu Valbuena à un quart dheure de la fin)... - J'étais très très fâché ! (Rire.) Car j'avais joué les matches avant mais le coach afait un choix... Si je lui en ai parlé ? Quelques mois ou années plus tard... (Rire.) Au retour, je suis titulaire, on fait un gros match (2-1), je marque (le but de la victoire)... Dans la rue, les gens n'arrêtaient pas de me parler de cette rencontre. En plus, lors de tes débuts, tu veux tout savoir, tout entendre. Et si tu ne fais pas attention, tu te mets une pression spéciale. Mais j'avais eu la chance de jouer la CAN, la Coupe du monde plus la Ligue des champions. J'avais réussi pour cette première à domicile à ne pas me mettre plus de pression, mais j'avais peut-être plus d'envie. Dans le car, tu sens monter le truc, dans les regards, les attitudes... Le stade était en feu, il y avait les Souley (Diawara), Gignac, Brandao, Heinze, Lucho, Taiwo... Souley m'avait un peu chambré après, dans le vestiaire. "Alors tu commences à marquer dans ces matches-là ?" Vous allez d'ailleurs marquer lors des deux matches suivants...
- Le plus important, c'est le 3-0 de la première année de l'ère qatarienne (le 27 novembre 2011). Les Menez, Gameiro, Pastore, Sissoko, Lugano arrivent. C'était très particulier car Paris était favori du Championnat et nous pas trop bien à cette période. Une victoire ne permet pas d'oublier une mauvaise série mais beaucoup de choses sont pardonnées.
Comment expliquez-vous votre écroulement depuis (7 défaites, 1 nul)?
- Ils ont pris un ascendant logique. Quand on regarde la période où l'on gagnait, il y avait les Heinze, Lucho, Souley, etc. Des gars avec des gros salaires, de l'expérience et ils apportaient logiquement autre chose. Avant cette période, Paris avait eu du mal car, financièrement, on était mieux. Depuis l'arrivée du Qatar, Paris est dans une autre dimension. Il faut être réaliste. Ils ont ramené les joueurs pour monter une grande équipe et l'ont prouvé à Chelsea (2-2 a.p. en huitièmes de finale retour de la C1). D'ailleurs, on dit que le PSG n'est pas trop bien... J'aimerais qu'on dise aussi ça de nous et être à leur place. (Rire.) Cela vous énerve-t-il de ne pas pouvoir gagner ? - Oui, ça fout les boules, ce n'est pas facile à accepter. Il faut stopper la série. Car si le Classique est important pour le Championnat, il y a aussi le côté ego, le côté supporters. Et là, c'est encore plus important. Car, quoi qu'il arrive dimanche, mathématiquement, ce ne sera pas fini.
Si vous êtes battu, le titre ne s'envole pas?
- Ça va être compliqué, mais il faut qu'ils nous battent, d'abord... Avec le temps, j'ai compris qu'on ne pouvait pas prévoir comment va se passer ce match. Paris est le favori du Championnat, mais on va jouer avec nos armes, pour le bousculer. On progresse mentalement, physiquement, on ressent qu'il y a de l'envie. On va tout faire pour gagner mais, même en cas de défaite, on ne lâchera pas. D'ailleurs, si on me dit, tu perds contre Paris et tu es champion, je signe. Sur le coup, ça ferait mal mais il ne faut pas se tromper d'objectif. On est en course pour être champions. Et le Championnat commence maintenant.
Quand un choc comme celui-là arrive, on vous demande plus de places?
- Obligé. Les demandes triplent, c'est un match qui coûte cher... (Rires.) Pouvez-vous échanger votre maillot dans un Classique ? - Je n'ai pas le souvenir d'avoir échangé un maillot, mais certains, peut-être. Attention, ce n'est pas la fin du monde. Sur le terrain, c'est la guerre, il y a de l'intensité, une tension folle. Mais une fois le match fini, les potes le restent.
Quel est votre plus mauvais souvenir face au PSG ?
- Disons le 1-2 la saison passée au Vélodrome (le 6 octobre 2013), très dur à digérer. On mène, je marque, Paris est à dix... Ce match nous a fait du mal. Il y a tellement de choses en jeu... On ne joue pas ce match que pour nous. On le joue pour toute une ville, une région. Il faut être à la hauteur pour les gens. Ce match est finalement plus pour les supporters que pour nous. J'ai vu des petits pleurer... On veut leur donner du plaisir, dimanche. Les supporters m'ont montré tellement d'amour depuis que je suis ici que je me sens vraiment chanceux. Contre Lyon (0-0, le 15 mars), l'ambiance était magnifique. On n'en revenait pas dans le vestiaire. Ça nous a donné des ailes.
Ce match peut être votre dernier Classique...
- ... Ou ne pas l'être. Je ne pense pas à ça. Avec le temps, je réalise que le foot est une période de la vie qui va vite devenir du passé. Hier, j'avais vingt ans, j'en ai vingt-cinq et, dans cinq ans, trente. Ce sera alors bientôt la fin... J'essaye de tout savourer pour vivre mes rêves d'enfant, comme ceux de rencontrer le PSG. Jouer des Classiques, c'est unique.»
LES PARISIENS ONT PRIS UN ASCENDANT LOGIQUE. QUAND ON REGARDE LA PÉRIODE OÙ L'ON GAGNAIT, IL Y AVAIT LES HEINZE, LUCHO, SOULEY, ETC. DES GARS AVEC DES GROS SALAIRES. DE L'EXPÉRIENCE »
SI ON ME DIT, TU PERDS CONTRE PARIS ET TU ES CHAMPION, JE SIGNE. SUR LE COUP, ÇA FERAIT MAL MAIS IL NE FAUT PAS SE TROMPER D'OBJECTIF. ON EST EN COURSE POUR ÊTRE CHAMPIONS. ET LE CHAMPIONNAT COMMENCE MAINTENANT»