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Marseille, le retour du Club Med
Fatigués des méthodes de Bielsa, les joueurs de l'OM font de moins en moins d'efforts à l'entraînement. Sans remise en question de part et d'autre, la fin de saison pourrait être longue...
CELA FAIT MAINTENANT quelques semaines que certains joueurs de l'OM ont l'habitude de se faire porter pâle aux entraînements, à l'approche d'un match de Championnat. Le phénomène a pris de l'ampleur jusqu'à vendredi, où Marcelo Bielsa s'est fâché tout rouge.
C'est une vieille ruse de Sioux et c'est exactement ce qui est en train de se passer à Marseille : les anciens maux de dos ou les douleurs aux articulations ont tendance à se réveiller juste après l'opposition du milieu de semaine, celle qui compte pour gagner sa place.
Des blessures diplomatiques ? C'est un peu l'idée, oui. Vendredi, après sa conférence de presse, où il avait annoncé son onze de départ contre les Verts, le technicien sud-américain a eu la désagréable surprise de constater qu'un seul titulaire potentiel, André Ayew, était sur la pelouse pour l'entraînement du jour, avec des jeunes et des remplaçants, soit moins de dix personnes. Le reste de l'effectif était aux soins.
Quand il a vu André-Pierre Gignac sortir pour faire un footing, tout seul dans son coin, Bielsa a explosé contre son préparateur physique, Jan Van Winckel. Il a ordonné au Belge de reconduire l'attaquant marseillais au vestiaire, avant de réunir son staff pour une explication de texte musclée. Mais El Loco ne peut plus rejeter la faute sur ses adjoints ou se voiler la face sur la fracture de plus en plus visible entre lui et son groupe. Qui des joueurs, qui filoutent, ou de l'entraîneur, qui ne remet pas en cause ses méthodes, a raison ? Ce n'est plus le débat. Les deux parties doivent se ressaisir tant qu'il en est encore temps. L'OM, qui se déplace aujourd'hui à Saint-Étienne, a un titre et une qualification en Ligue des champions à aller chercher, à l'heure où il sent désormais le souffle de Monaco dans son dos.
Le problème est que les joueurs ne sont pas les seuls à lâcher. Certains de ses adjoints, avec lesquels Bielsa peut se montrer très dur, accusent le coup. Et que dire du staff médical, qui avait déconseillé la titularisation de Romain Alessandrini, de retour de blessure, contre Guingamp (2-1, 18 janvier)…
Malgré cet avertissement, l'entraîneur argentin avait aligné son attaquant d'entrée et le joueur s'était refait mal à la même cheville, ce qui avait mis hors de lui le médecin du club, Christophe Baudot. Aujourd'hui, ce n'est pas un hasard si tout ce qui peut remettre en cause « la méthode Bielsa » fuite dans la presse, si on peut encore parler de fuites... plutôt d'inondations. Il y a au sein du club une lassitude générale, que nous évoquions déjà dans ces colonnes avant le match contre Lille (2-1, 21 décembre), quand Dimitri Payet avait été exclu du groupe pour son manque d'implication à l'entraînement.
Joueurs incorrigibles et entraîneur rigide
Mais la critique, parfois justifiée, de l'intransigeance d'El Loco, masque une réalité bien moins reluisante. Si les joueurs ont tendance à se cacher pour se protéger physiquement, alors que Bielsa fait rarement la différence, au niveau de l'engagement, entre les séances de début ou de fin de semaine, ils le font aussi pour échapper à des entraînements jugés trop rébarbatifs ou trop exigeants. Et, sur ce thème-là, leur résistance à l'effort est quand même limitée.
En mars dernier, deux techniciens belges, dont un adjoint du club de Mons, étaient venus en stage à l'OM. Ils en étaient repartis ravis mais aussi amusés. L'un avait su trouver les mots pour qualifier l'ambiance au sein du club, alors entraîné par José Anigo et en difficulté en Championnat. « C'est un peu le Club Med », avait expliqué Stéphane Demets. L'expression avait fait mouche, d'autant que tout le monde avait alors en tête les images de Franck Passi, l'adjoint, essayant, sans succès, de convaincre les joueurs de faire un tour de terrain supplémentaire. Cette attitude désinvolte, les retards à l'entraînement, les tennis-ballons ou la halte-garderie avec les enfants des joueurs sur les pelouses de la Commanderie (oui, oui, c'est arrivé…) : on pensait tout cela terminé depuis la venue de Bielsa. Arrivé en juin dernier, l'entraîneur argentin a apporté avec lui ses méthodes pointilleuses, sa rigueur légendaire, ses nombreuses séances vidéo, ses longs entraînements et, d'une manière générale, son goût pour le travail. Mais entre les entraînements à la carte, les maladies imaginaires, les jours d'anniversaire ou les retards de plus en plus nombreux au centre Louis-Dreyfus, certains comportements actuels nous ramènent un an en arrière.
VINCENT GARCIA ET BAPTISTE CHAUMIER
Galtier-OM, les retrouvailles compliquées
Natif de Marseille où il a été formé avant de débuter, l'entraîneur stéphanois a très peu de chances de succéder à Bielsa cet été, sauf bouleversement dans les coulisses de l'OM.
JOSÉ ANIGO NE HANTE plus les sous-sols du Stade-Vélodrome. Il y a trois ans, c'est là, à l'abri des regards indiscrets, que l'ancien directeur sportif de l'OM avait pris à partie Christophe Galtier avant le coup d'envoi d'un Marseille - Saint-Étienne. Anigo avait reproché au technicien stéphanois ses prises de position en faveur de son ami Didier Deschamps, alors entraîneur de l'OM, avec qui il nourrissait une guerre larvée. Galtier était ressorti ébranlé par cet accrochage verbal et les Verts s'étaient inclinés (0-1, le 23 décembre 2012).
Six mois plus tard, alors que son nom bruissait déjà du côté de la Canebière, Galtier déclarait : « Il est impossible pour moi d'être à l'OM avec certaines personnes du club. » Prié d'aller recruter du côté du Maroc cet été, Anigo n'est plus directeur sportif de l'OM. Son poste a même été supprimé dans la foulée. Dans l'hypothèse où Marcelo Bielsa ne resignerait pas pour un an en juin – ce que le technicien argentin n'a pas exclu vendredi –, plus rien dès lors ne s'opposerait en apparence à voir Galtier revenir dans sa ville natale entraîner le club qui l'a formé, où il a entamé sa carrière de joueur (en 1985), puis d'entraîneur (en 1999, comme adjoint de Bernard Casoni).
EN FROID AVEC LABRUNE
S'il a prolongé de deux ans avec Saint-Étienne le 20 mai 2013, rien ne l'oblige à aller au terme de son contrat, soit jusqu'au 30 juin 2016. En prolongeant, Galtier a obtenu la garantie de ses dirigeants de le laisser partir s'il le désirait. Surtout, il a pris soin de conserver sa clause libératoire de 300 000 €.
Sauf qu'en parlant de « certaines personnes au club » (l'OM) sans les citer, Galtier pensait également à Vincent Labrune. Depuis le départ de Deschamps en 2012, le président phocéen est en froid avec son agent. Or, Jean-Pierre Bernès, qui avait aussitôt rendu les clés de sa loge et plus mis les pieds au Vélodrome, est aussi celui de… Galtier.
La brouille entre les deux hommes avait atteint son paroxysme cet été lors du transfert de Mathieu Valbuena, nouvel arrivé dans l'écurie Bernès, au Dynamo Moscou. Labrune avait mandaté d'autres agents, dont Meissa N'Diaye, pour conclure l'affaire. Labrune et Bernès avaient même réussi le tour de force de ne pas s'adresser la parole tout au long de la gestion de ce dossier.
Ils s'étaient pourtant enfin reparlé lors du match aller (2-1, le 24 septembre). Invité par Bernard Caïazzo et Roland Romeyer, présidents du conseil de surveillance et du directoire de l'ASSE, Bernès avait profité de sa présence en loge présidentielle, non loin de Labrune, pour renouer le contact avec ce dernier. Il l'avait notamment félicité d'avoir choisi Bielsa. Labrune avait apprécié le compliment de cet expert du monde du football… Jusqu'à sa mise en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur des transferts de l'OM, le 18 novembre.
Au cours de celle-ci, les policiers lui auraient communiqué le contenu des écoutes téléphoniques privées entre Galtier et Bernès le concernant. Labrune serait ensuite ressorti furieux de l'Évêché de Marseille. Même s'il n'est plus à une contradiction près, il jurerait depuis que tant qu'il sera président de l'OM, et désormais seul en charge de son recrutement, ni Galtier ni Bernès ne remettront un pied au club.
Ne pas exclure, non plus, que Labrune soit amené à quitter ses fonctions l'été prochain, au bout d'une saison assombrie par les affaires autour des transferts. Dès lors, l'ombre de Christophe Galtier pourrait bien se rapprocher à grands pas de sa ville natale...
BERNARD LIONS (avec BAPTISTE CHAUMIER)