Information
- On vous classe souvent parmi les entraîneurs qui font gagner leur équipe à la force mentale plutôt que grâce à un vrai projet de jeu. Vous en souffrez ?
Non, parce que la réalité... (il s'interrompt) On peut philosopher longtemps là-dessus si vous voulez mais la réalité du haut niveau, c'est quoi ? Le mental et le caractère. C'est ça la réalité du football. La force individuelle et collective passe par l'aspect mental. C'est quoi le beau jeu, d'ailleurs ? J'ai toujours considéré que bien jouer pour ne pas gagner à la fin, ça ne sert à rien. Le plaisir n'est pas total. Alors oui, j'ai gagné des matchs en jouant mal, plusieurs fois même. Mais il y avait le plaisir de gagner. Aujourd'hui, je ne suis pas dans la formation.
Bien sûr, je ne dis pas : "Peu importe les moyens tant que la victoire est au bout", mais il faut savoir être réaliste. C'est ça, la vérité du haut niveau. Il y a une différence énorme dans l'état d'esprit d'un groupe après une victoire ou une défaite, autour de l'environnement du club, du moral des joueurs et de leur comportement. De toutes façons, je n'ai pas envie de me battre contre ça. Tenez, je ne fais soi-disant pas confiance aux jeunes. Or, à Monaco, je l'ai fait, à la Juve, je l'ai fait, à Marseille je l'ai fait avec mes moyens mis à disposition et en équipe de France je le fais aussi. Moi, je ne regarde pas la carte d'identité du joueur. Si j'estime qu'un mec de 20 ans peut apporter plus qu'un de 30, et bien je le fais jouer.
- A l'OM, on vous a souvent reproché de ne pas utiliser le centre de formation, par exem...
(Il coupe) Quel centre de formation ? Il n'y a qu'à regarder les soi-disant phénomènes dont on parlait quand j'étais entraîneur à l'époque : où sont-ils aujourd'hui ? Ils ne sont même pas en Ligue 2. Je ne dis pas ça pour dire : "Regardez-moi, j'ai raison", ça ne m'intéresse pas de faire ça, je ne suis pas là pour ça. Mais mon job, ce n'était pas d'embellir la situation, je devais être réaliste. Il y a des jeunes qui sont venus avec de la qualité mais de là à en faire des phénomènes... Ce n'était pas le cas. C'est tout.
- Une époque durant laquelle vous avez dû gérer un groupe divisé en deux clans...
C'était des conditions de travail très pénibles au quotidien. Ca m'a endurci, mais j'ai morflé, comme on dit. Mentalement, surtout, mais ça se voyait physiquement. Après, je n'ai jamais lâché. Comme dans beaucoup d'histoires, ça se finit plutôt mal. Mais il ne faut pas oublier qu'en trois ans, on a gagné six titres. Le mérite en revient aux joueurs, mais je suis très fier de ça. Fier d'avoir rendu au club tout ce qu'il m'a apporté quand j'y jouais.
- On sait que vous avez fait le nécessaire pour obtenir la venue de Lucho à l'été 2009. Hélas, il n'a pas vraiment répondu aux attentes. Ca reste un regret pour vous ?
Lucho, c'est un grand joueur. Il a eu des périodes difficiles à Marseille avec un contexte vraiment compliqué. Un climat pesant. Tout a été très négatif autour de lui. C'est quelqu'un de sensible et d'émotif. Je me suis battu pour l'avoir, c'est vrai. Et il a été un élément très important dans la conquête du titre en Ligue 1. Un regret, c'est difficile à dire. Il y a eu des circonstances vraiment difficiles et ça devenait invivable pour lui.
- En clubs, vous fonctionniez avec trois leaders. Comment ça se passe en sélection ?
Des leaders, il ne suffit pas de claquer des doigts pour en trouver. Ca se fait avec le temps. Il y en a qui le sont déjà, d'autres qui vont le devenir, certains sont déjà en train de le devenir. C'est un "processus". On ne peut pas débouler du jour au lendemain et dire "Je suis un leader". C'est quelque chose qu'on a dans le sang et qu'on développe au contact des autres. Il faut que son autorité naturelle soit reconnue par le groupe et, pour ça, il ne faut pas avoir de souci avec sa propre personne ou dans son jeu. Il faut savoir passer du temps avec les autres. C'est fondamental. En club, je fonctionnais avec trois leaders. Pourquoi ? Parce qu'à quatre, ils ne peuvent pas se mettre d'accord. En sélection, c'est un peu différent. Mais je m'appuie bien évidemment sur un noyau de joueurs représentatif du groupe.
[...]
- Dans quel état d'esprit se trouve aujourd'hui Didier Deschamps à la tête des Bleus ?
Je suis très heureux, je prends beaucoup de plaisir. Ca vient aussi après trois années chargées avec l'OM. Après, oui, j'aimerais passer plus de temps avec les joueurs, sur le terrain, mais il y a des contraintes. On m'avait dit que c'était une fonction à prendre un peu plus tard dans une vie. Moi, je suis très heureux comme ça.