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Foot - CM 2022 - Justice; La piste qui mène à la campagne de Sarkozy
Pour le PNF, la prise en charge par le Qatar de dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy, candidat LR à l'élection présidentielle de 2007, pourrait constituer une « contrepartie indirecte » au soutien de l'ex-chef de l'État dans l'obtention de la Coupe du monde 2022. C'est une question sur laquelle, jusqu'à présent, butent les magistrats chargés d'instruire l'enquête sur les soupçons de corruption entourant l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar : le président Nicolas Sarkozy avait-il, en 2010, un intérêt autre que politique à soutenir Doha dans son dossier de candidature ? Et si oui, a-t-il oui ou non bénéficié de « renvois d'ascenseur » ?La presse, France Football en premier, a déjà évoqué le fameux déjeuner de l'Élysée de novembre 2010, lors duquel Nicolas Sarkozy aurait cherché à s'assurer du vote de Michel Platini pour le Qatar.
Au fil de leurs rapports et articles successifs, policiers et médias supputent depuis plusieurs raisons économiques à ce lobbying intensif de l'ancien chef de l'État : par exemple, la possibilité pour de grosses entreprises tricolores du CAC 40 de décrocher des contrats au Qatar, la création de beIN Sports ou encore le rachat du PSG par QSI (rachat qui interviendra en juin 2011).lire aussiToute l'actu de la Coupe du mondeSelon nos informations, le Parquet national financier (PNF) a officiellement émis une nouvelle hypothèse le 14 novembre dernier : pour remercier Nicolas Sarkozy de son engagement, le Qatar a-t-il pris en charge une partie de ses frais de campagne présidentielle qui n'avaient pas été déclarés en 2007, et qui lui faisait courir le risque d'une nouvelle enquête pénale ? Ce qui, selon le PNF, pourrait constituer une « contrepartie indirecte au soutien de l'ex-chef de l'État. »
Un projet de joint-venture avec le Qatar
Tout commence en janvier 2020. Le juge Marc Sommerer, en charge de l'information judiciaire portant sur de possibles faits de corruption autour de l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, reçoit un intrigant rapport de l'Office anticorruption (OCLCIFF). Les policiers expliquent avoir consulté les archives de la présidence de la République et avoir déniché des courriers écrits en 2011 et 2012 par un certain François de La Brosse, patron de la société ZNZ. Ce dernier est un publicitaire et homme d'affaires dont le frère Thierry, aujourd'hui décédé, a été directeur général de l'OM.François de La Brosse relate dans ses écrits avoir accompli des prestations de communication à partir de 2006, lesquelles n'auraient été facturées ni à l'Élysée, ni intégrées aux comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Quatre ans plus tard, la société étant désormais au bord du dépôt de bilan, il se tourne vers Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Élysée, et Nicolas Sarkozy, pour réfléchir à une sortie de crise.
Toujours selon ces documents, une solution semble être trouvée à l'automne 2011. Grâce à l'activisme de Claude Guéant, une « joint-venture » est envisagée entre ZNZ et « la société de communication Qmedia », représentée par le gendre du Premier ministre du Qatar, notent les enquêteurs dans leur rapport, révélé par Mediapart. Au titre de ce nouveau partenariat avec le Qatar, la société de François de La Brosse aurait ainsi reçu un premier virement de 600 000 euros en septembre 2011.Des factures pour 2 millions d'eurosMais le 9 janvier 2012, l'homme d'affaires reprend la plume et explique au président Sarkozy qu'il risque toujours le dépôt de bilan. « Comme tu le sais, " Z" (sa société) ne s'est jamais économiquement remise de mon engagement auprès de toi, tant en tant que candidat ou président [...] Nous n'avons jamais facturé quoi que ce soit, au titre de mon détachement ou à celui des très nombreux sites réalisés », lui écrit-il.En mars 2012, la joint-venture n'est toujours pas sur pied, ce qui n'a pas empêché la société ZNZ d'adresser, entre septembre 2011 et avril 2012, trois factures à QMedia pour un total de 2 millions d'euros. Des factures qui n'ont, semble-t-il, pas toutes été payées. Contacté par L'Équipe, François de La Brosse n'a pas répondu.Au Monde, il avait affirmé que les 600 000 euros perçus par sa société en septembre 2011 « correspondaient au webdesign et au développement informatique de la plateforme » touristique ''I love Qatar'' ; et soutenu, contrairement à ce qu'il avait écrit dans ses courriers au président Sarkozy retrouvés par les enquêteurs, que ses prestations en 2006 avaient bien été réglées « par l'association gérant les frais de campagne » du candidat.
Les premiers juges ne souhaitent pas enquêter sur ces faits...
Ce n'est pas l'avis de la police, qui estime, dans son rapport de janvier 2020, que ces faits sont susceptibles de « revêtir une qualification pénale ». À l'époque, le juge Sommerer estime cependant les faits « étrangers » à son enquête portant sur l'attribution au Qatar de la Coupe du monde 2022. Le rapport de l'OCLCIFF revient donc entre les mains du PNF, lequel le transmet à la juge Aude Buresi, en charge de l'enquête ouverte sur le financement libyen de la campagne électorale de 2007 de Nicolas Sarkozy. Mais elle non plus ne va pas souhaiter instruire ce volet de l'affaire.lire aussiLe Qatar soupçonné de corruption au Parlement européenDans un document consulté par L'Équipe, elle explique être à la toute fin de son instruction (laquelle s'est finalement achevée le 21 octobre 2022) et ne pas vouloir mener des investigations complémentaires dans un dossier qui a déjà duré neuf ans. « Les faits visés, à les supposer établis, constitueraient des faits de financement illégal de campagne électorale, de corruption et de détournement de fonds publics sans lien avec la Libye, et donc distincts de ceux objets du présent dossier », écrit la juge en octobre 2022.... mais le juge Tournaire est très intéresséFin du match ? C'était sans compter sur le juge Serge Tournaire, en poste à Nanterre depuis trois ans, et revenu à l'instruction à Paris en septembre pour remplacer le juge Sommerer. Désormais en charge de l'enquête portant sur l'attribution du Mondial, le magistrat semble très intéressé par le volet de l'affaire concernant François de La Brosse. En tout cas si l'on en croit un document signé du Parquet national financier et qui lui a été adressé le 14 novembre dernier.« L'intervention de la société Q Media - ayant pour CEO le gendre du Premier ministre du Qatar - dans la résolution des difficultés financières rencontrées par la SAS ZNZ suite à l'impossibilité pour cette dernière de facturer directement le candidat Nicolas Sarkozy ou l'Élysée pour la réalisation de prestations liées au développement de sites internet, est susceptible de constituer la contrepartie indirecte d'une action antérieure ayant eu pour objet de permettre au Qatar de recueillir les votes nécessaires à l'attribution de la coupe du monde de football 2022 », peut-on lire.Sollicités, ni Nicolas Sarkozy, ni Claude Guéant, ni le Parquet national financier n'ont souhaité faire de commentaire.lire aussiSelon Blatter, Sarkozy serait intervenu auprès de Platini pour influencer son vote
L'Equipe